La réforme opérée par la loi PACTE a introduit une approche modulée de l’obligation de désignation de commissaire aux comptes (CAC) dans les sociétés, notamment au sein des groupes. L'article L. 821-43 du Code de commerce prévoit un mécanisme d’allègement pour les « petits groupes », mais exclut de son champ certaines situations, dont celle où la société contrôlante établit des comptes consolidés.

Cette exclusion ouvre la voie à une exonération spécifique de désignation dans les filiales significatives, sous réserve de ne pas franchir les seuils légaux individuels de désignation. L’analyse combinée des textes permet de clarifier ce mécanisme.

1. Trois niveaux de seuils à articuler

Il convient de distinguer clairement trois niveaux de seuils qui conditionnent, dans des hypothèses distinctes, la nomination obligatoire d’un CAC :

1.1 Seuils individuels (article L. 823-2 C. com)

Les sociétés commerciales doivent nommer un CAC lorsqu’elles dépassent deux des trois seuils suivants :

  • Total du bilan : 5 000 000 €
  • Chiffre d’affaires net : 10 000 000 €
  • Nombre moyen de salariés permanents: 50

Le dépassement de ces seuils par une société, quelle que soit sa place dans un groupe, entraîne une obligation de désignation d’un CAC.

1.2 Seuils « groupe » (article L. 821-43 alinéa 1 et 2)

Le texte prévoit un régime spécifique pour les petits groupes, à savoir les ensembles de sociétés contrôlées (au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce) qui dépassent , de manière consolidée, deux des trois seuils suivants :

  • Total du bilan : 5 000 000 €
  • Chiffre d’affaires net : 10 000 000 €
  • Nombre moyen de salariés permanents: 50

Lorsque ces seuils sont dépassés, une obligation de désignation d’un CAC s’impose au niveau de la société tête de groupe, même si celle-ci ne franchit pas individuellement les seuils de l’article L. 823-2 du Code de commerce.

En revanche, si la société tête de groupe établit des comptes consolidés, cette dernière est exclue du régime des petits groupes, comme le précisent les alinéas 1 et 2.

1.3 Seuils « filiale significative » (article L. 821-43 alinéa 3)

Dans les petits groupes, certaines filiales dites « significatives » doivent nommer un CAC. Ces filiales sont celles qui dépassent deux des trois seuils suivants :

  • Total du bilan : 2 500 000 €
  • Chiffre d’affaires net : 5 000 000 €
  • Nombre moyen de salariés permanents: 25

Mais cette disposition ne s’applique pas si le groupe est exclu du régime des petits groupes en raison de la consolidation.

2. Exclusion du régime des petits groupes en cas de consolidation

L’article L. 821-43 exclut expressément du champ des « petits groupes » les sociétés contrôlantes tenues d’établir et de publier des comptes consolidés :

  • L’alinéa 1er précise que le régime des petits groupes ne s’applique pas lorsque la société contrôlante est consolidante.
  • L’alinéa 2 ajoute que, même en cas de groupe en cascade, l’appréciation des seuils se fait au niveau de la société contrôlante ultime, sauf si celle-ci établit elle-même des comptes consolidés.

En conséquence, l’alinéa 3 relatif à la nomination de CAC dans les filiales significatives n’est pas applicable aux groupes consolidés.

3. Portée de l’exonération : une exclusion limitée aux filiales significatives

Il est essentiel de souligner que cette exonération ne concerne que les filiales dites significatives au sens de l’alinéa 3. Elle ne dispense en rien les sociétés filiales qui franchissent les seuils individuels légaux (article L. 823-2 C. com), qui restent soumises à l’obligation de nomination d’un CAC indépendamment de l’existence d’un groupe ou d’une consolidation.

4. Intérêt d’une structuration juridique autour de la société consolidante

Cette lecture ouvre un levier d’optimisation clair : en centralisant la fonction de consolidation au niveau de la société tête de groupe, on fait sortir le groupe du champ des petits groupes, ce qui neutralise l’obligation de désignation de CAC dans les filiales significatives, dès lors qu’elles ne franchissent pas les seuils individuels.

Cette stratégie permet ainsi de réduire significativement le nombre de mandats CAC dans le périmètre du groupe.

5. Réduction des coûts induits par la limitation des mandats

L’intérêt n’est pas uniquement juridique. Il est aussi budgétaire. L’ancien article R. 823-12 du Code de commerce (abrogé en 2005), bien qu’aujourd’hui dépourvu de force normative, fournissait un barème indicatif du volume horaire nécessaire à la mission de certification, en fonction de la taille des sociétés.

Ainsi, les obligations de certification impliquaient, par exemple :

  • 150 heures pour une société dont le total de bilan est de 15 M€ ;
  • Jusqu’à 300 heures pour les entités plus importantes.

Bien que ce barème ait disparu, il reste un référentiel historique pertinent pour évaluer les coûts associés à chaque mandat CAC. Dès lors, réduire le nombre de mandats dans les groupes structurés autour d’une société consolidante permet de contenir ces charges, tout en respectant les obligations légales.


Conclusion Lorsque la société tête de groupe est également la société consolidante, l’article L. 821-43 du Code de commerce exclut le groupe du régime des petits groupes. Cette exclusion supprime l’obligation de désignation de CAC dans les filiales significatives (alinéa 3), à la condition qu’elles ne franchissent pas les seuils légaux individuels. Structurer le groupe en tenant compte de ces règles permet donc d’optimiser le nombre de mandats CAC, de sécuriser les obligations légales, et de maîtriser les coûts induits par la mission de certification.