Effet imprévu du nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail, le salarié qui abandonne son poste n’aura pas le droit au chômage et sera débiteur d’une indemnité  compensatrice de préavis.


 

Article L. 1237-1-1 du Code du travail :

« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.

L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine »(2)

 

La rédaction de cet article est issue du projet de loi n° 21, adopté par l’Assemblée nationale ce 11 octobre 2022, portant « mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » (1)

Abondamment commentée dans la presse et les revues spécialisées, cette disposition est conçue comme un frein au faux-nez de la démission qu’est bien souvent devenue la procédure d’abandon de poste. 

« Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante », confirmation si l’on songe à un effet du projet de loi sans doute imprévu du législateur. 

En effet, si l’abandon de poste est assimilé à une démission, à l’image de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail injustifiée, les salariés du « Big Quit » pourraient avoir une bien mauvaise surprise.

Rappelons que l’obligation de respecter le préavis s’impose aux parties au contrat. Lorsqu’il n’en a pas été dispensé, le salarié qui n’a pas exécuté son préavis de démission doit à l’employeur une indemnité compensatrice (3).

Le montant de l’indemnité compensatrice de préavis a un caractère forfaitaire qui est le même quel qu’en soit le débiteur : il est égal aux salaires et avantages qu’aurait perçus le salarié s’il avait travaillé (4).

C’est ainsi que les juges du fond ne peuvent pas allouer à l’employeur, à la suite du départ sans préavis du salarié démissionnaire, une somme symbolique au motif que, si pour le travailleur, l’indemnité compensatrice est une créance salariale, donc alimentaire, pour l’employeur, elle a un caractère indemnitaire et répare un préjudice dont la preuve en l’espèce n’était pas apportée.

L’indemnité de préavis doit être d’un montant forfaitaire égal à la rémunération correspondant à la période de préavis non effectué par le salarié (5).

Au surplus, l’abstention du salarié ne met pas obstacle à l’allocation de dommages et intérêts si les circonstances entourant la rupture sont fautives (6).

 

Rares sont les employeurs, jusqu’alors, à choisir de s’engager dans une procédure prud’homale longue et souvent aléatoire pour recouvrir 1, 2 ou 3 mois de salaire. Gageons toutefois qu’en cette période où les entreprises font toutes preuve d’immenses difficultés de recrutement, certaines seront tentées de rappeler à leur équipe la disposition la plus courte de notre code du travail : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». 

 


https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/116t0021_texte-adopte-seance
2 Article 1e bis A (nouveau).
3 Cass. soc. 18-6-2008 n° 07 42.161 FS-PB, Sté Highlands hôtesses c/ Cuadro : RJS 8-9/08 n° 889, Bull.
civ. V n° 135
4 Cass. soc. 17-12-1987 n° 8542.089 P, SA L’entrecôte c/ Sanchez : Bull. civ. V n° 478
5 Cass. sac. 22-7-1982 n° 80-41.254. SARI Wimetal c/ Weissenburger : Bull civ. V n° 505; Cass: soG. 9-
5-1990 n° 88-40.044 P, Vigniboue. c/ Le Pécheur: Bull civ. V n° 209; Cass sec. 6-3-1991 n° 87-45,.560
D, Sicemo-Balex. c/ Martin
6 Cass. SO6., 21 mars 1979 : Bull. civ. V, n° 254. – Cass. soc., 17 four. 2004, n° 01-42.427

Maître Julien ASTRUC – Avocat en Droit du travail & Droit de la Sécurité Sociale