Dans cette décision importante de la cour de cassation il a été jugé qu'un risque futur pouvait constituer un trouble anormal de voisinage !
En l'espèce, pour y édifier une maison d'habitation, M. R... a fait réaliser des travaux de terrassement et une plate-forme de terre sur une parcelle lui appartenant, en pente et située au-dessus de celle propriété d'une SCI, sur laquelle est aussi construite une maison d'habitation.
Invoquant notamment un risque de glissement de terre sur son fonds, à partir de celui de M. R..., la SCI a, après une expertise judiciaire ordonnée en référé, assigné M. R et son épouse afin d'obtenir, sur le fondement, à titre subsidiaire, du trouble anormal de voisinage, leur condamnation à effectuer les travaux nécessaires pour faire cesser les troubles et à réparer ses préjudices.
Un premier jugement mixte, confirmé sur ce point par un arrêt de cour d'appel d'Aix, a dit que les risques de déstabilisation des remblais d'ouvrage de plate-forme constituaient pour le fonds voisin appartenant à la SCI un trouble anormal de voisinage engageant la responsabilité des époux R... et a ordonné un complément d'expertise afin de vérifier l'état des lieux après la réalisation par M. R... d'un mur de soutènement ;
M. R... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions en ce qu'il a, notamment, constaté que son ouvrage de soutènement se révèle au terme de l'expertise judiciaire parfaitement insuffisant à long et moyen terme et ne garantit pas les fonds voisins des risques d'éboulement et de ruissellement pour être affecté de vices de construction et de fondations qui relèvent de manquements aux règles de l'art applicables dans les réalisations de mur de soutènement en terrain pentu.
Ce défaut manifeste de mise en oeuvre d'un ouvrage de gros oeuvre efficace, satisfaisant à la contrainte impérative de maîtrise des talus et de maîtrise des eaux, caractérise un trouble anormal de voisinage et engage sa responsabilité à l'égard du propriétaire du fonds mis en péril.
La cour l'avait donc condamné à effectuer les travaux propres à remédier aux périls selon les modalités indiquées et à supporter les entiers dépens de la procédure qui comprennent tous les frais d'expertise et tous les frais de constat d'huissier de justice.
En guise d'arguments de son pourvoi en cassation, M. R...invoque que le trouble anormal de voisinage n'engage la responsabilité de son auteur que si sa survenance future est certaine ou s'il existe un risque caractérisé ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté, d'une part, que les défauts du mur de soutènement érigé par M. R... mettaient en cause sa pérennité « à plus ou moins long terme » et, d'autre part, que la stabilité du mur était seulement « précaire ».
Que la cour d'appel ne pouvait selon lui, retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage en raison d'un simple risque de précarité du mur de soutènement alors qu'elle n'a pas relevé d'éléments ayant permis d'acquérir la certitude d'un effondrement ou du caractère inéluctable de celui-ci et aurait donc privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage et de l'article 1382 du code civil, en sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
La cour de cassation (CIV 2ème 24 /10/19), rejette le pourvoi aux motifs que selon les constatations de l'expert judiciaire, le mur de soutènement construit par M. R..., qui était affecté de défauts importants compromettant, au regard de la nature du sol et de son caractère pentu, sa stabilité à moyen ou long terme, présentait un risque d'effondrement et que, de ce fait, non seulement il ne garantissait pas la disparition des périls menaçant le fonds de la SCI, mais encore les aggravait, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que ce risque d'effondrement et le défaut manifeste de mise en oeuvre d'un ouvrage de gros oeuvre satisfaisant à la contrainte impérative de maîtrise des talus et des eaux, excédaient les inconvénients normaux de voisinage et a légalement justifié sa décision.
Le risque futur et quasi certain, ici, preuves techniques à l'appui, entre donc bien dans le champ du trouble anormal de voisinage.
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