La loi Montagne peut être d'application complexe, notamment dans l'appréhension des différentes notions prévues par le code de l'urbanisme.

Le tribunal administratif de Bastia vient d'en donner un bel exemple en sanctionnant la mairie de Sotta dont le maire avait délivré un permis de construire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

Dans cette affaire, par un arrêté en date du 18 février 2022, le maire de Sotta a délivré à un particulier un permis de construire une maison individuelle.

Le préfet de la Corse-du-Sud, manifestement conscient des faiblesses du dossier, a exercé un déféré préfectoral à l'encontre de l'arrêté de permis de construire.

L'occasion donc pour le tribunal administratif de rappeler les règles particulières des constructions soumises aux dispositions de la loi Montagne et du PADDUC.

Pour mémoire, l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme prévoit que :

" L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".

Selon ces dispositions, en zone de montagne : 
 

  • L'urbanisation n'est pas autorisée en zone d'urbanisation diffuse ; 

 

  • L'urbanisation peut être réalisée en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les "groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants".


Dès lors, est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau.

Dans sa décision, le tribunal rappelle que "l'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble". 

Ensuite, pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

Enfin, pour ce qui concerne la Corse, le PADDUC peut préciser les modalités d'application de ces dispositions. 

Il prévoit en ce sens :
 

  • Qu'un bourg est un gros village présentant certains caractères urbains ;

 

  • Qu'un village est plus important qu'un hameau et comprend ou a compris des équipements ou lieux collectifs administratifs, culturels ou commerciaux ;

 

  • Qu'un hameau est caractérisé par sa taille, le regroupement des constructions, la structuration de sa trame urbaine, la présence d'espaces publics, la destination des constructions et l'existence de voies et équipements structurants. 


Le tribunal administratif de Bastia rappelle néanmoins certaines limites du PADDUC qui "se borne à rappeler les critères mentionnés ci-dessus et permettant d'identifier un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants et d'apprécier si une construction est située en continuité des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants". 

C'est donc sur ce socle juridique que le préfet et le tribunal ont analysé le permis de construire litigieux. 

Plusieurs indices en l'espèce permettent de constater que le projet ne s'insérait pas dans le cadre légal : 
 

  • Le terrain d'assiette de la construction projetée se situe dans un vaste espace naturel ; 

 

  • Le terrain ne borde que trois constructions éparses ; 

 

  • Ces constructions éparses sont elles-mêmes situées à distance du hameau se trouvant au nord. 


En conclusion en délivrant le permis de construire, le maire de Sotta a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.