Le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, dans une affaire concernant un permis précaire accordé sur un terrain inconstructible, a décidé de sanctionner la mairie de Propriano, en considérant que la délibération litigieuse ne revêtait pas un intérêt communal, sanctionnant une gestion incertaine des finances publiques.

Les faits de cette affaire sont complexes et concernent un dossier relativement ancien. La décision rendue par le juge administratif permet toutefois d’apprécier les modalités selon lesquelles le préfet assure le contrôle des actes municipaux, notamment lorsque la bonne gestion des finances publiques est en jeu. 


Le 22 décembre 2010, un bail emphytéotique a été conclu entre une société de loisirs sportifs et la commune de Propriano sur une parcelle communale. 

Par arrêté en date du 15 mai 2014, sur le fondement des dispositions de l’article L. 433-1 du code de l’urbanisme, le maire de Propriano a accordé à cette société un permis de construire précaire pour une durée de quatre ans pour la réalisation d'un bâtiment couvert abritant deux terrains de sport et des locaux et un terrain extérieur. 

Pour mémoire, ces dispositions prévoient que : « Une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre. »

La délivrance d’un permis de construire précaire s’appréciant au cas par cas et doit être motivée par des justifications précises et exceptionnelles. 

Dans le cas d’espèce, le préfet de la Corse-du-Sud a, le 12 juillet 2018, mis la société en demeure de cesser immédiatement les travaux de construction, le terrain n’étant pas constructible. 

Les travaux ont toutefois été poursuivis.

A la suite de quoi, par une première délibération du 14 décembre 2021, le conseil municipal de Propriano a autorisé :
 

  • Le maire à résilier par anticipation le bail conclu en 2010 avec la société ;

  • La reprise par la commune des infrastructures réalisées contre le versement d'une indemnité de 214 000 euros à la société. 


Cette décision faisait donc supporter par la commune des frais engagés à ses risques par un particulier. 

L’exécution de cette délibération a très logiquement été suspendue par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 16 mars 2022. 

Le conseil municipal de Propriano a ensuite retiré la délibération du 14 décembre 2021 par une nouvelle délibération du 8 avril 2022. 

Finalement, une nouvelle délibération du conseil municipal a été votée le 14 avril 2023 ayant pour objet d’approuver la résiliation anticipée du bail emphytéotique conclu le 22 décembre 2010 entre la commune et la société moyennant le versement par la commune de la somme de 214.000 euros. 

C’est cette nouvelle délibération qui a fait l’objet d’un déféré du préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud. 

Encore une fois, le juge des référés du tribunal administratif est allé dans le sens du préfet en considérant que cette délibération ne revêtait pas un intérêt communal. 

Trois arguments étaient soulevés par le préfet : 
 

  • D’abord, sous prétexte d'un projet communal de création d'un complexe sportif, la commune a décidé de prendre à sa charge le remboursement des sommes engagées en pure perte par un particulier pour la construction d'un hangar sans permis de construire sur un terrain inconstructible ;

  • Ensuite, la décision, qui ne répond pas à un intérêt communal, démontre une gestion incertaine des finances publiques ;

  • Enfin, l'opération répond au seul besoin d'un particulier.


Dans ces circonstances, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a donc décidé d'ordonner la suspension de l'exécution de la délibération du 14 avril 2023 du conseil municipal de Propriano.