Le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête d'un promoteur contre un refus de permis de construire en considérant que la condition d'urgence n'était pas remplie.

Cette affaire nous rappelle qu'en matière de référé-suspension, le requérant doit être particulièrement précis dans la démonstration de l'urgence.

Dans ce dossier, une société civile immobilière a déposé le 19 avril 2023 une demande de permis de construire trois bâtiments de trente-huit logements en marché libre et de seize logements en accession sociale, sur un terrain situé chemin d'Agnareddu à Porto-Vecchio.

Le maire lui a opposé un refus par un arrêté du 27 juillet 2023, pris à la suite d'un avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-Sud.

C'est dans ce contexte que la société civile immobilière a demandé au juge des référés la suspension de l'exécution du refus de permis de construire du 27 juillet 2023.

L'application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est connue.

Pour mémoire, cet article prévoit que :

" Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "

Le tribunal administratif de Bastia a rappelé dans sa décision le considérant de principe relatif à la démonstration de l'urgence en matière de refus de permis de construire :

" L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. En ce qui concerne une décision de refus de permis de construire, il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi d'une demande de suspension, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets du refus de permis litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. À cette fin, l'urgence s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d'un permis de construire provisoire à l'issue d'un réexamen de la demande ordonné par le juge des référés".

La condition d'urgence n'est pas remplie en l'espèce en raison des éléments du dossier : 
 

  • Les propriétaires du terrain d'assiette du projet ont accepté, le 10 décembre 2022, l'offre d'achat de la parcelle formulée par la société civile immobilière assortie de la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier purgé de tout recours ;

  • L'offre prévoit en outre que l'acte de vente doit être établi dans le délai de dix-huit mois avec une date limite fixée au 10 juin 2024 ;

  • La condition suspensive accompagnant l'offre d'achat a été stipulée dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur ;

  • Le défaut de réalisation de cette condition n'a ni pour objet ni pour effet de rendre caduque l'offre d'achat ;

  • Il ne ressort pas non plus des termes du courrier électronique adressé le 14 novembre 2023 à la société requérante par la société de logements sociaux Logis corse, laquelle confirme en tous ses termes sa lettre d'intention du 16 février 2023 et accepte de prolonger jusqu'au 16 mars 2024 le délai de signature d'une promesse de vente, que cette société aurait décidé d'abandonner le projet d'acquérir les logements sociaux à construire sans attendre le jugement du recours au fond ;

  • La société requérante ne produit aucun document comptable ou financier, ne se prévaut ni de ce qu'elle a engagé des travaux de construction à la date du refus de permis de construire, ni de ce que la suspension de l'opération immobilière qu'elle projette soit de nature à lui causer un préjudice économique important, autre que celui susceptible de résulter d'une augmentation du coût des travaux.


Pour toutes ces raisons, le juge des référés a décidé de rejeter la requête. 

Il est donc essentiel, pour le demandeur, d'apporter éléments qui permettent de démontrer  que le refus porte une atteinte suffisamment grave au projet.