OBTENIR JUDICIAIREMENT DES DÉLAIS DE PAIEMENT POUR MAÎTRISER UNE SITUATION FINANCIÈRE DIFFICILE

                                                                                                       

Tout comme le confinement sanitaire, les événements de la vie personnelle ou professionnelle, tels qu’une séparation, un licenciement, un accident de la route, ou plus simplement une maladie, peuvent rendre difficile le règlement de certaines créances telles que les échéances d’un crédit.

Oser prendre en mains ses difficultés financières dès que possible permet d’en sortir plus rapidement, plus facilement et à moindre coût.

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Bien évidemment, les propos qui suivent ne s’appliquent pas aux créances alimentaires dont le versement ne peut pas être reporté, mais dont le montant peut néanmoins être ajusté par le Juge aux affaires familiales lorsque l’on justifie d’un changement de situation.

En outre, le débiteur qui sollicite des délais de paiement ou des délais de grâce, devra démontrer qu’il sera en capacité d’acquitter sa dette si les délais requis lui étaient accordés.

Ceci est important dans la mesure où le magistrat pourra conditionner l’octroi de délais à la constitution d’une garantie, même si dans les faits, cela demeure rare.

Si malheureusement le seul octroi de délais est manifestement insuffisant pour résoudre les difficultés financières rencontrées, ce sera directement vers une procédure collective ou une procédure de traitement de surendettement, selon le cas, qu’il faudra s’orienter sans attendre.

Enfin, il est toujours utile de rappeler que les dispositifs qui suivent ont vocation à bénéficier aux personnes de bonne foi.

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L’arsenal juridique français offre au juge la possibilité d’octroyer des délais de paiements, dits "délais de grâce", dans des conditions variables, en fonction de la nature de la dette, la qualité du débiteur ou celle du créancier.

Le présent article se concentrera en particulier sur les délais de grâce pouvant être accordés :

-   à toute personne, quelle que soit la nature de la créance, la qualité du débiteur (professionnel, particulier etc.) ou celle du créancier ;

-   au consommateur en matière de crédit (à la consommation, immobilier personnel, voire de location avec option d’achat) ;

-   au locataire en matière de bail d’habitation.

Dans chacune des situations envisagées, la décision qui accorde des délais de paiement ou un moratoire suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier.

Par ailleurs, les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne seront pas encourues durant le délai fixé par le magistrat.

 

1. Délais de grâce communs :

Toute personne, qu’il s’agisse d’un professionnel, d’un consommateur ou d’une personne morale, qui éprouve des difficultés à acquitter une dette peut solliciter judiciairement des délais pour l’honorer dans la limite de 24 mois.

Pour cela, le magistrat devra également prendre en compte la situation et les besoins du créancier.

Lorsque la dette est assortie d’intérêts conventionnels, le magistrat peut décider que le taux d’intérêts sera réduit au taux légal, mais pas en-deçà.

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Les locataires et les consommateurs-emprunteurs bénéficient de modalités ou de délais de paiement plus avantageux, calqués sur le dispositif de délais de grâce de droit commun.

 

2. Dispositif plus favorable bénéficiant aux emprunteurs/consommateurs :

Le dispositif juridique envisagé ici ne bénéficie qu’aux particuliers ayant souscrit :

-   un crédit à la consommation ;

-   un crédit immobilier pour acquérir leur domicile ; ou

-   une location avec option d’achat, dans la mesure où cette opération est assimilée à un crédit en matière de délais de paiement et puisqu’il s’agit notamment d’un mode courant de financement de véhicule personnel.

Reprenant la possibilité d’octroyer des délais de grâce de droit commun, le Code de la consommation permet au magistrat de décider, en plus, lorsque cela est opportun pour le rétablissement du débiteur, que les sommes dues ne porteront pas intérêts durant cette période.

Ainsi, l’emprunteur particulier qui en fait la demande ne verra pas sa situation financière s’aggraver durant le répit qui lui sera accordé pour rétablir sa situation.

L’échéancier de crédit pourra simplement être reporté dans la limite de deux années, sans augmentation de la dette en raison des intérêts qui auraient normalement couru.

En toute hypothèse, durant la période de grâce, l’emprunteur devra impérativement continuer à acquitter les primes d’assurance-groupe afférentes au crédit dont les échéances sont suspendues.

En fonction de ses besoins et de ses objectifs, le débiteur pourra choisir de demander au magistrat une simple diminution de ses mensualités de crédit à un montant qu’il pourra honorer dans la limite de 24 mois, au lieu d’une suspension des remboursements.

Par ailleurs, à la demande du débiteur, le magistrat pourra décider qu’à l’issue de la période de grâce les paiements effectués s’imputeront prioritairement sur le capital plutôt que sur les intérêts.

 

3.  Particularités des délais bénéficiant aux locataires :

En matière de baux d’habitation et de dette locatives, les dispositifs d’octroi de délais varient selon que les conditions suivantes sont, ou non (cf. § a, ci-après), cumulativement rencontrées (cf. § b, ci-après) :

-    le juge constate l’acquisition d’une clause de résiliation de plein droit du contrat de bail ;

-    une procédure de traitement du surendettement a été ouverte au bénéfice du locataire ;

-    au jour de l’audience, ce dernier a repris le paiement du loyer et des charges.

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Dans l’une ou l’autre hypothèse, si le magistrat accord au locataire des délais, durant cette période :

-   les loyers et charges en cours devront impérativement être honorés à leurs termes ;

-   les effets de la clause de résiliation de plein droit du bail sont suspendus.

Par ailleurs, si le locataire apure sa dette dans les délais qui lui sont impartis, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué.

En revanche, la clause de résiliation de plein droit reprend son effet lorsque l’exigibilité de la dette locative n’est pas ou plus suspendue et si elle n’a pas été réglée, selon le cas :

-   à l’issue des délais accordés ; ou

-   en cas de procédures de traitement de surendettement, si la dernière procédure est clôturée sans que de nouveaux délais de paiement aient été accordés.

 

a)  Lorsqu’aucune procédure de traitement du surendettement n’est ouverte :

En matière de dette locative, en dehors de la situation particulière où le locataire bénéficierait d’une procédure de traitement de son surendettement, le magistrat a la possibilité d’accorder d’office, c’est-à-dire, même sans que cela lui soit demandé, des délais au locataire.

Les délais de paiement susceptibles d’être accordés dans le cadre d’un bail d’habitation sont de 36 mois.

Il est utile de préciser qu’en matière de baux d’habitation, le magistrat a le pouvoir, même d’office, de vérifier :

-    d’une part, les éléments de la dette locative, tels que le montant du loyer et des charges, le montant des aides éventuelles perçues directement par le bailleur, voire la prise en compte des réparations locatives ;

      Le cas échéant, le magistrat pourra faire le départ entre les dépenses qui incombent réellement au locataire et celles dont le bailleur doit conserver à la charge.

-    d’autre part, le respect par le bailleur de son obligation de délivrance d’un logement décent, exempt de risque manifeste pour ses occupants ou de nuisibles, présentant certains critères de performance énergétique et doté des éléments nécessaires à son usage d’habitation.

Ainsi, le magistrat pourra éventuellement moduler la dette pour la ramener à ce que doit effectivement le locataire et non aux seules prétentions du bailleur.

Enfin, dans l’hypothèse non-négligeable où le bailleur aurait manqué à ses obligations au titre du contrat de bail, celui-ci pourrait être condamné à indemniser le locataire du préjudice que ce dernier aura subi, ce qui, par compensation des dettes réciproques du bailleur et du locataire, diminuerait alors d’autant la dette locative devant être apurée en 36 mois.

 

b)  Lorsque le locataire fait l’objet d’un traitement de surendettement :

À titre liminaire, il est rappelé que la Commission départementale de surendettement des particuliers peut étaler les dettes d’un débiteur, voire différer le paiement d’une partie d’entre elles, quelle qu’en soit la nature, dans la limite de 7 ans (avec quelques nuances pour les emprunts, mais qui ne feront pas l'objet de développements dans le présent article).

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Il s’agit ici de dresser de manière succincte les pouvoirs du magistrat saisi, lorsque les trois conditions cumulatives précitées sont réunies, à savoir :

-    la constatation de l’acquisition de la clause de résiliation du bail ;

-    l’ouverture d’une procédure de surendettement ; et

-    la reprise des paiements du loyer et des charges au jour de l’audience.

Les pouvoirs du magistrat s’aligneront alors peu ou prou sur la procédure de traitement du surendettement en cours, avec quelques aménagements destinés à articuler les deux procédures et assurer leur cohérence.

Ils varieront en fonction :

-    de l’avancée de la procédure de surendettement ;

-    des accords trouvés ou des mesures imposées ;

-    des éventuelles contestations formées par une partie.

 

(i)  Lorsque la demande de traitement du surendettement est déclarée recevable :

Le magistrat accorde des délais de paiement jusqu’à la phase suivante de la procédure de surendettement, selon le cas :

-    l’approbation d’un plan de redressement conventionnel ;

-    une décision de la Commission imposant des mesures ;

-    le jugement du Juge du contentieux de la protection du Tribunal judiciaire prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

-    le jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement avec liquidation judiciaire ; ou

-    toute décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement.

 

(ii)  Si un plan de redressement a été approuvé ou lorsque la Commission départementale a imposé des mesures :

Le magistrat accorde les délais et modalités de paiement de la dette locative contenus dans le plan ou imposés par le Commission de surendettement des particuliers.

 

(iii)  Lorsqu’une partie conteste les mesures imposées par la Commission de surendettement :

Le juge accorde des délais de paiement jusqu’à la décision du magistrat statuant sur cette contestation.

 

(iv)  Chaque fois que la Commission suspend l’exigibilité de la créance pendant un délai :

Le juge accorde ce délai (de suspension) prolongé de trois mois, pour permettre une nouvelle saisine de la Commission (lorsque la première procédure de surendettement s'avère insuffisante pour apurer le passif du débiteur).

Si dans le délai complémentaire de trois mois, la Commission est à nouveau saisie d’une procédure de traitement de surendettement, l’exigibilité de la créance locative demeure suspendue jusqu’à la phase suivante de cette nouvelle procédure (comme au § (i) ci-dessus).

 

(v)  En cas de rétablissement personnel :

Il s’agit de la situation dans laquelle le débiteur (en l'occurrence, le locataire) faisant l’objet d’une procédure de traitement du surendettement n'est pas ou ne sera manifestement pas en capacité de rembourser ses créanciers, malgré la procédure, et que sa situation est irrémédiablement compromise.

La Commission départementale propose alors l’effacement pure et simple des dettes du débiteur/locataire.

Le juge suspend les effets de la clause de résolution de plein droit du bail pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision (de la Commission ou celle du Juge du contentieux de la protection statuant sur les éventuelles contestations, voire l’éventuel arrêt d’appel subséquent) imposant les mesures d’effacement ou du jugement de clôture.

Dans le cas particulier où une partie conteste un rétablissement sans liquidation judiciaire, le magistrat suspend les effets de la clause de résolution de plein droit jusqu’à la décision du juge statuant sur cette contestation.

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Les cabinets de Maître Marie-Pierre CHAMPAULT et Maître Anthony ALEXANDRE, Avocats au Barreau de COMPIÈGNE, sont à même de vous conseiller sur votre situation personnelle et examiner les dispositifs juridiques ou les procédures à votre disposition pour y faire face.

 

Marie-Pierre CHAMPAULT
Avocat au Barreau de COMPIÈGNE
29, rue Pierre Sauvage
60200 COMPIEGNE

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   Maître Anthony ALEXANDRE
   
Avocat au Barreau de COMPIÈGNE
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