Par un arrêt du 7 décembre 2017, la 3e chambre civile de la Cour de cassation (n°16/13309) vient de confirmer la démolition d’une maison d’habitation ordonnée sous astreinte par la Cour d’appel de Nancy, sur le fondement du trouble anormal du voisinage résultant d’une perte d’ensoleillement et de luminosité.

Que la perte d’ensoleillement et de luminosité soient considérés par les juridictions civiles comme un trouble anormal du voisinage n’est pas nouveau.

C’est la sanction décidée par la Cour d’appel de Nancy dans son arrêt du 29 juin 2015 (n°14/01346) qui interpelle. Dans cette affaire, la justiciable, propriétaire d’une maison d’habitation, invoquait à l’appui d’un rapport d’expertise judiciaire une perte importante d’ensoleillement de son fonds, causée par la volumétrie et l’implantation de la construction nouvellement édifiée par sa voisine.

Le rapport d’expertise concluait notamment que la dépréciation du fonds de la demanderesse à l’action résultant de la perte d’ensoleillement et de la vue bloquée supprimant la vue sur le soleil couchant depuis l’habitation pouvait être estimée de 60 à 70 %.

Mais ce rapport relevait toutefois que cette perte d’ensoleillement était prévisible dans la mesure où la règlementation du PLU autorisait la construction en limite séparative de propriété.

Après avoir utilement rappelé que « le respect des dispositions légales ou réglementaires n’exclut pas l’existence éventuelle des troubles excédant les inconvénients anormaux du voisinage, de sorte que toute construction, même réalisée conformément à un permis de construire et aux règles d’urbanisme, est toujours édifiée sous réserve des droits des tiers », la Cour d’appel a condamné la propriétaire de la nouvelle construction, sur le fondement du trouble anormal du voisinage, à la démolir dans les six mois de la signification de la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Devant la Cour de cassation, la voisine ayant érigé la construction litigieuse prétendait que la démolition ordonnée par la Cour d’appel de Nancy ne constituait pas une sanction proportionnée aux motifs que :

- cette construction constituait pour elle son habitation personnelle,

- la demanderesse à l’action en démolition n’occupait pas le fonds qui subissait le trouble,

- la construction litigieuse respectait les règles d’urbanisme.

Sur ce dernier argument, il convient d’observer que les dispositions de l’article A.424-8§11 du Code de l’urbanisme prévoient :

« Le permis est délivré sous réserve du droit des tiers : il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme ».

L’argument n’était donc pas de nature à contrarier la décision de la Cour d’appel de Nancy.

Quant à l’argument tenant aux conséquences que la démolition entraînerait pour sa propriétaire, la Cour de cassation a estimé que la Cour d’appel n’avait pas à procéder à cette recherche et a rejeté le pourvoi.