Paiement d'honoraires de l'architecte : à qui incombe la charge de la preuve de l'extinction de l'obligation à paiement des maîtres de l'ouvrage ?

Paiement d'honoraires : celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation (3ème Civ, 12 novembre 2020, n° 19-21764).

Un promoteur a confié à un architecte une mission d'aménagement et de maîtrise d'oeuvre de conception en vue de la réalisation d'un programme immobilier.

Aux termes du contrat, la durée maximum d'exécution de la première partie de la mission, relative au schéma d'aménagement, était fixée à dix semaines à compter de la signature. Une clause de résiliation de plein droit en cas d'inexécution par l'architecte de ses obligations, était prévue, huit jours après une mise en demeure restée sans réponse, sans versement de dommages-intérêts.

Face aux carences du maître d'oeuvre, le promoteur l'a mis en demeure de lui fournir les éléments de la mission A, puis lui a notifié un mois plus tard la résiliation de plein droit du contrat.

L'architecte a alors assigné le promoteur en paiement d'honoraires.

La Cour d'Appel a constaté la résiliation de plein droit et a rejeté la demande en paiement d'honoraires de l'architecte.

Les Juges ont relevé que le schéma d'aménagement n'avait pas été formalisé dans le délai convenu, et que le maître de l'ouvrage avait laissé deux mois supplémentaires à l'architecte pour le réaliser, ne résiliant le marché qu'à l'issue de ce délai.

La Cour de Cassation, saisie d'un pourvoi de l'architecte, a confirmé la position des Juges d'appel, estimant qu'un tel retard caractérisait un manquement de l'architecte à l'exécution de ses obligations, et justifiait la résolution de plein droit du contrat.

La Cour d'Appel a par ailleurs rejeté la demande de paiement d'honoraires de l'architecte au motif que le maître d'ouvrage contestait le caractère exploitable du travail fourni. Les Juges n'ayant pas les compétences nécessaires en matière d'architecture pour évaluer la qualité du travail, il appartenait à l'architecte de solliciter le prononcé d'une mesure d'expertise, ce qu'il n'a pas fait.

La position des Juges d'appel n'est pas suivie par la Cour de Cassation, au visa de l'article 1315, devenu 1353, du Code Civil.

Selon ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.

La Cour d'Appel a donc inversé la charge de la preuve de l'extinction de l'obligation à paiement du maître de l'ouvrage. Dans la mesure où c'est le promoteur qui se prétendait libéré de son obligation à paiement d'honoraires de l'architecte, il lui incombait de rapporter la preuve du caractère inexploitable du travail fourni par ce dernier.

Cette jurisprudence est à rapprocher de celle sur la preuve de l'étendue de la mission de l'architecte (voir cet article).