La loi du 23 mars 2019 dite de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, entrée en vigueur le 25 mars, contient un très grand nombre de dispositions modifiant notre procédure pénale.

Parmi elles, certaines touchent au régime de la garde à vue et modifient les articles 63 et 63-4-3-1 du code de procédure pénale.

En apparence peu modificatrices, parfois dites de toilettage, ces nouvelles dispositions illustrent l’esprit qui anime le législateur lorsqu’il envisage les mesures de contrainte : plus de facilités pour l’autorité de poursuite, moins de droit pour les justiciables.

  1. La présentation facultative du gardé à vue au procureur en cas de prolongation : quand l’exception devient la règle…

Depuis le 25 mars 2019, plus besoin pour le procureur de se faire présenter le gardé à vue pour décider de la prolongation de sa mesure.

Rappelons pourtant que les réformes successives permettaient au magistrat du parquet d’autoriser la prolongation d’une garde à vue faire sans se déplacer, en recourant à la visioconférence.

Mas au nom de la simplification, il a été considéré que ce qui était obligatoire (et protecteur !) soit désormais facultatif.

  1. La prolongation de la garde à vue peut être autorisée en vue su seul déferrement

En principe régi par les conditions strictes de l’article 62-2 du code de procédure pénale (références au besoin de l’enquête, à la poursuite des investigations en toute sérénité ou encore au risque de pression ou de concertation…), la garde à vue peut désormais être prolongée en vue du seul déferrement du justiciable – autrement dit de sa présentation à un magistrat (en vue d’un jugement, de la remise d’une convocation, ou d’une éventuelle mise en examen).

Comment ne pas y voir un recul des libertés individuelles ?

La garde à vue est une mesure de contrainte, de privation de liberté. Elle ne doit pas être dévoyée et utilisée pour des raisons de confort par l’autorité judicaire qui peut à présent maintenir dans les locaux d’un commissariat ou d’une gendarmerie un individu dont le maintien en garde à vue n’est plus indispensable à l’enquête par référence à l’article 62-2 du code de procédure pénale (qui restera donc dans les geôles jusqu’à son transport au tribunal).

Là encore, le principe qui commande la réforme est économique !

Cette possibilité est en effet offerte aux parquets dont les juridictions ne disposent pas de dépôt au sein du tribunal. Ainsi il n’est plus nécessaire de rénover, moderniser et rendre dignes les locaux de justice, le législateur s’est chargé de faire disparaître le besoin.

  1. La limitation de l’information de l’avocat lors du transport d’une personne en garde à vue aux seuls actes nécessitant sa présence (audition, reconstitution, tapissage)

L’article 63-4-3-1 du code de procédure pénale disposait que l’officier de police judiciaire devait prévenir l‘avocat du gardé à vue lors de chaque transport de ce dernier en dehors du lieu où il était retenu.

Désormais, cette information n’est obligatoire que lorsque l’officier de police envisagera de questionner le gardé à vue sur place.

Et s’il décide de l’interroger une fois sur place, attendra-t-on l’arrivée du Conseil ?

Et que dire des perquisitions où l’on demande régulièrement au gardé à vue s’il a un commentaire spontané à faire (qui ne s’apparenterait pas à une audition…) ?

Après n’avoir pu éviter sa présence en garde à vue auprès de leurs clients (il est difficile de résister aux condamnations de la Cour Européenne des Droits de l'Homme), la logique est claire : moins d’avocat, toujours moins d’avocat…

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Présentées comme une recherche de « simplification » par le gouvernement et le législateur, ces nouvelles dispositions s’inscrivent en réalité dans une logique de gestion managériale de la procédure pénale, peu soucieuse des droits de nos concitoyens et en particuliers des droits de la défense.

Car en effet, à trop vouloir simplifier la procédure, à supprimer les exigences de forme au nom de la simplification ou de la rationalisation, on fait disparaître le cadre juridique sécurisant qu’elle représente, privant alors le justiciable de garanties essentielles.

Souvenons-nous de la pensée du juriste allemand Rudolf Von Jhering : « Ennemie jurée de l'arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté ».

Cette nouvelle réforme piétine le principe fondamental consacré par ce célèbre axiome et augure de combats futurs à mener par les Avocats au nom des libertés individuelles.

Reste un conseil : exiger la présence d’un avocat dès le début de toute mesure de contrainte et se garder de tout commentaire tant qu’il n’aura pas été possible d’échanger avec lui.