Le risque pénal en entreprise peut prendre diverses formes. Parmi celles-ci figure la question du détournement en entreprise. Quels sont les comportements qui franchissent le seuil de la légalité ? Qu’est-ce qui constitue un détournement dans le contexte professionnel et quels sont les risques juridiques associés ?

Le risque pénal pour le salarié : l’abus de confiance

L’abus de confiance est défini par le Code pénal à l’article 314-1 comme :

« le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».

Tout d’abord, il faut qu’une remise ait été effectuée, c’est-à-dire qu’un bien ait été remis à la personne, sans quoi elle ne pourra – logiquement – le détourner. Le contrat de travail peut être un cadre de remise. Ainsi, par exemple, le véhicule de fonction ou encore l’ordinateur portable professionnel ont été remis au salarié.

Le détournement en entreprise qui permet de constituer l’abus de confiance est le fait pour le salarié de ne pas faire un usage du bien conforme à celui pour lequel ce dit bien lui a été remis. Par exemple, le salarié qui aura eu pour instruction précise de n’utiliser son véhicule de fonction qu’exclusivement dans le cadre professionnel commettra un abus de confiance s’il l’utilise systématiquement pour partir en vacances.

Pour autant, la jurisprudence admet une certaine souplesse. Ainsi, la Cour a déjà jugé (Cass. Crim. 16 juin 2011) qu’un usage privé ponctuel des moyens de l’entreprise n’est pas suffisant pour caractériser un abus de confiance : encore faut-il que cet usage soit de nature à priver le légitime propriétaire de son bien ou de le gêner dans l’exercice de ses propres prérogatives.

C’est la raison pour laquelle celui qui aura imprimé à quelques documents personnels avec l’imprimante de son entreprise ou celui qui aura utilisé la connexion internet du bureau pour consulter ses mails personnels n’aura pas à s’inquiéter d’être poursuivi devant le tribunal correctionnel.

Cependant, le risque pénal reste important, d’autant plus que les biens immatériels, comme un projet réalisé par le salarié (Cass. Crim. 22 septembre 2014), sont des biens susceptibles d’être détournés. La question se pose surtout pour le salarié qui quitte sa société et cherche à utiliser le produit de son travail pour son propre compte. Bien qu’à la frontière du domaine de la concurrence, il ne faut pas occulter le risque pénal qui reste bien réel !

 

Le risque pénal pour le dirigeant : l’abus de biens sociaux 

Le dirigeant d’une SARL, SA, SCA ou SAS peut être concerné par une autre infraction, l’abus de biens sociaux, prévue par le Code du commerce. Elle se définit comme le fait pour le gérant de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société ou des pouvoirs ou des voix dont il dispose, un usage qu’il sait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il a des intérêts, directs ou indirects.

Il est important de rappeler que cette infraction concerne à la fois le gérant de droit et le gérant de fait, c’est-à-dire celui qui gère effectivement la société, qui traite des fournisseurs et clients et oriente le sort de l’entreprise.

On notera que l’infraction est assez large, permettant d’englober toute une série de comportements. Il faut néanmoins que les actes ou abstentions volontaires soient volontaires (de mauvaise foi) et dans un intérêt contraire à la société. Il s’agit par exemple du dirigeant qui effectue des prélèvements sur les fonds sociaux pour approvisionner son compte personnel.  

La jurisprudence a une conception large de cette infraction. Elle considère que les agissements d’un dirigeant qui a exposé, dans son intérêt personnel, la société à un risque anormal de poursuites pénales ou fiscales, caractérisent un abus de biens sociaux (Cass. Crim. 17 décembre 2015).

De plus, si le point de départ de la prescription correspond au jour de présentation des comptes annuels, il sera décalé au jour où de la découverte des faits en cas de dissimulation (Cass. Crim. 5 mai 1997).

 

Détournement en entreprise : les Sanctions

Ces deux infractions sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.

De plus, des peines complémentaires peuvent s’appliquer, comme notamment l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Ces peines complémentaires peuvent être très impactantes pour celui qui aura déjà créé une entreprise et illustrent l’importance de ce risque.

N’hésitez pas à prendre contact avec notre cabinet pour vous défendre.

Morgan LORET – Avocat associé. Spécialiste en droit pénal. Responsable du pôle droit pénal