A l’occasion de deux procès consécutifs en appel devant deux Cours d’Assises différentes, l’un en défense et l’autre en partie civile, il est apparu intéressant de faire un point sur ce procès si particulier. 

1/ Evolution législative récente

D’une part l’appel d’un arrêt d’Assises n’est pas une évidence. 

Cette possibilité résulte de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence

Elle répondait, naturellement serait-on tenté de dire aujourd’hui, à l’impératif d’un double degré de juridiction fixé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Toutefois, force est de constater que pendant des années, les infractions les plus graves n’étaient soumises qu’à un seul examen. 

Cette loi de 2000 avait une particularité : si l’Accusé et l’Accusation pouvaient relever appel d’une condamnation (quel qu’en soit le motif : la peine et/ou la culpabilité), le Ministère Public ne pouvait pas contester les verdicts d’acquittement. 

Cette différence de traitement, pour une fois favorable à la Défense, a été corrigée par la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 qui a introduit la possibilité d’un appel pour le Parquet Général en cas d’acquittement. 

Désormais les parties sont donc à égalité de traitement s’agissant de cette voie de recours qui entraîne chaque année un peu plus de 20% d’appel (ce chiffre est plus proche de 30 % lorsqu’il s’agit de la Cour Criminelle). 

Dans 92 % des cas, la décision sur la culpabilité est confirmée (le chiffre est toutefois nettement plus bas si l’Accusé a été acquitté en première instance). 

2/ Un nouveau procès en appel

D’autre part et c’est là une spécificité des Assises, l’appel ne se conçoit pas comme une juridiction de révision de la première décision. 

Il ne s’agit pas d’infirmer ou de confirmer les premiers juges ainsi que cela se fait en matière contraventionnelle ou délictuelle. 

La Cour d’Assises d’appel, selon les prescriptions législatives, va rejuger le tout. 

Elle refait le procès avec cette fois ci 9 jurés au lieu de 6. 

Naturellement, la première décision est connue des juges et des jurés et elle est dans toutes les têtes, et bien souvent au préjudice de l’Accusé appelant. 

3/ Ne pas sanctionner l’exercice d’un droit

Le retour d’expérience de ces deux audiences montre que l’Accusé se retrouve sommé d’expliquer les raisons de son recours alors qu’il n’a fait que le strict usage d’un droit. 

Sans doute la gravité des faits examinés amène-t-elle à considérer du côté des Parties Civiles, voire de l’Accusation, que l’appel ne se justifiait pas. 

Mais prenons garde, cette analyse est éminemment subjective : un même recours pourrait être compris par une Cour d’Assises et rejeté dans une autre. 

En outre, ce biais est dangereux : considérer que l’usage d’un droit pourrait être sanctionné en lui-même n'est pas acceptable et risquerait d’entrainer un effet pervers, à savoir limiter l’exercice même d’une voie de recours que l’on a tardé à instaurer. 

4/ Evolution législative récente et pratique

Ainsi, si la question du motif de l’appel peut sembler légitime lors des débats, la sanction de son exercice est à proscrire. 

Et il n’est pas rare que les professionnels (Avocats de la partie civile, Président, Avocat Général) interpellent vivement l’Accusé sur les raisons de son appel ou ne cachent pas une certaine incompréhension à devoir rejuger. 

Il apparaît pourtant que les motifs ayant conduit l’Accusé à contester la première décision procèdent de facteurs multiples qui ne résument pas à la contestation des faits ou de la peine. 

Il peut s’agir par exemple de la sensation de n’avoir pas pu s’exprimer, de n’avoir pas été entendu, d’avoir la conviction qu’un témoin supplémentaire ou une explication différente aurait changé la donne. 

Pour remédier à cette situation, depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, l’appel peut être limité à la peine, ce qui fixe le cadre du débat et limite les témoins (seuls ceux qui vont intéresser la personnalité vont venir), rendant dès lors le second procès moins lourd et moins long que le premier. 

L’intuition était bonne. 

Il convient à présent de rendre à l’Accusé toute latitude pour conduire sa défense, qu’elle séduise ou non, et ce sans jamais s’autoriser à condamner celui ou celle qui aurait osé « dérangé » l’institution judiciaire en sollicitant un second regard.  

Que cela plaise ou non, bien que ce soit difficile à vivre pour les parties, l’exercice d’un droit ne devrait jamais pouvoir être un argument contre celui qui l’a employé.

N’hésitez pas à prendre contact avec notre cabinet pour vous défendre.

Morgan LORET - Avocat associé. Spécialiste en droit pénal. Responsable du pôle droit pénal