A l’occasion d’un procès au Tribunal Correctionnel de SAINT-NAZAIRE où notre Cabinet assistait deux gendarmes, victimes de violences volontaires, le débat juridique s’est porté sur la qualification des faits qui étaient soumis à la Juridiction.

En l’espèce, le conducteur d’une voiture qui avait refusé de s’arrêter à un contrôle, a été poursuivi par les forces de l’ordre jusque dans une voie sans issue.

Ne voulant toujours pas se laisser interpeller, ce dernier a tenté une manœuvre en reculant en direction des gendarmes pour s’échapper, heurtant leur véhicule, les contraignant à s’écarter violemment et amenant l’un d’entre eux à un tir dans le parechoc tandis que l’autre déployait une herse pour le stopper.

La voiture ne pouvant plus rouler du fait des pneus crevés, l’individu a finalement été maitrisé et son alcoolémie mesurée à 0,87mg/l.

Poursuivi sur le fondement de l’article 222-13 du code pénal pour violences volontaires avec arme (l’arme par destination étant le véhicule) sur personne dépositaire de l’autorité publique n’ayant entrainé aucune ITT, le prévenu a soulevé à l’audience la disqualification des faits déférés en blessures involontaires sans ITT.

LE DROIT

L’article 222-13 du code pénal définit les violences volontaires :

« Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises :

[…]

7° Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;

[…]

10° Avec usage ou menace d'une arme ;

[…]

Les peines sont également portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, est commise dans deux des circonstances prévues aux 1° et suivants du présent article. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise dans trois de ces circonstances. »

Rappelons par ailleurs que les blessures involontaires sont envisagées par les articles 222-19 et suivants du code pénal qui leur confèrent une qualification délictuelle et les répriment notamment de peines d’emprisonnement :

  • lorsque l’ITT qui en a résulté est supérieure à 3 mois ;
  • lorsque les blessures ont été infligées par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur ou le propriétaire d’un chien (même si l’ITT est inférieure ou égale à 3 mois) ;
  • lorsque l’auteur a manifestement violé une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou encore (sauf s’il n’en a résulté aucune ITT).

Ainsi, il existe deux cas où les blessures involontaires constituent une contravention :

Art. R625-2 du code pénal :

 « Hors les cas prévus par les articles 222-20 et 222-20-1, le fait de causer à autrui, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. »

Art. R625-3 du code pénal :

« Le fait, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, de porter atteinte à l'intégrité d'autrui sans qu'il en résulte d'incapacité totale de travail est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. »

*             *             *

L’enjeu pour le prévenu était donc de taille puisqu’en sollicitant que les faits soient disqualifiés en blessures involontaires sans ITT, ce dernier se serait vu reprocher une simple contravention n’encourait alors qu’une peine d’amende.

 

 

LA SOLUTION RETENUE PAR LE TRIBUNAL

Ce n’est pourtant pas le raisonnement suivi par le Tribunal Correctionnel qui a condamné l’intéressé pour l’ensemble des faits reprochés, et en particulier pour violences volontaires, à une peine de 6 mois d’emprisonnement outre l’annulation de son permis de conduire.

La décision est particulièrement intéressante puisqu’elle met en lumière la difficile défense des infractions de violences volontaires et la complexité à obtenir que les faits soient finalement analysés en une infraction involontaire (de « blessures » et non de « violences » par définition volontaires).

En l’espèce, le Tribunal a rappelé que lorsque des faits étaient par nature intentionnels (entamer une manœuvre de marche arrière) et à l’évidence violents et réalisés en conscience (reculer subitement en direction de personnes dont on sait la présence à proximité immédiate et les blessant - lesdites blessures pouvant résulter du seul choc psychologique et de la peur inspirée par le comportement de l’auteur), ceux-ci ne pouvaient entrer dans le champ des infractions non intentionnelles et devaient recevoir la qualification de violences volontaires.

Ce raisonnement doit être approuvé dans la mesure où la jurisprudence considère de longue date que les blessures involontaires se rapportent à des faits accidentels dont les conséquences n’étaient ni souhaitées, ni certaines mais dépendantes d’un facteur étranger à l’agent.

En revanche, dès lors que les faits sont réalisés sciemment et que l’auteur ne pouvait ignorer leur violence intrinsèque (ici le fait de reculer sur des gendarmes au risque de les renverser), la qualification de violences volontaires s’impose quand bien même le prévenu n’aurait pas eu l’envie précise de blesser réellement les victimes. (Cf. Crim. 7 juin 1961 : sur les blessures infligées par un ouvrier à l’un de ses collègues pour plaisanter)

C’est la conscience de la nature violente de l’action (dol général) et non la volonté de parvenir à un résultat déterminé (dol spécial) qui est prise en compte.

En résumé, il suffit que l’agent ait voulu être violent pour que l’infraction de violences volontaires puisse être retenu, peu important que le résultat n’ait pas été souhaité.

Ici, il ne faisait aucun doute que le prévenu avait voulu être violent ou à tout le moins qu’il ait eu conscience de la brutalité de son acte, la marche arrière n’ayant pas été faite par erreur et celui-ci ayant admis savoir qu’il avait manœuvré en direction de deux gendarmes à proximité immédiate.

Une erreur de conduite ou l’ignorance de la présence des forces de l’ordre dans son champ de manœuvre auraient en revanche permis de discuter plus opportunément la disqualification escomptée.

Le raisonnement du tribunal doit donc être approuvé.

PREVENU OU VICTIME, N’HESITEZ PAS A PRENDRE ATACHE AVEC NOTRE CABINET POUR VOUS DEFENDRE

Morgan LORET

 

NB : à l’heure où nous écrivons ces lignes, le jugement a été frappé d’appel par le prévenu et la Cour d'Appel n’a pas encore statué