A l’occasion d’un procès devant le Tribunal Correctionnel de Saint-Nazaire, notre Cabinet a obtenu la remise en liberté du prévenu en raison de l’irrégularité de l’ordonnance de renvoi du Juge d’Instruction (acte de procédure qui saisissait le Tribunal). 

Pour mieux comprendre la décision, il est essentiel d’expliciter certains points juridiques.

Comment se clôture une instruction ?

Lorsque l’instruction lui paraît terminée, le juge d’instruction doit procéder conformément aux dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale. 

Ainsi il communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les avocats des parties ou, si elles ne sont pas assistées par un avocat, les parties.

Le procureur de la République dispose ensuite d’un délai pour adresser ses réquisitions dans le cadre d’un réquisitoire définitif. 

Les parties peuvent également adresser des observations ou effectuer des demandes d’actes.

Elles disposent enfin d’un temps supplémentaire pour se répondre.  

Une fois les délais établis par l’article 175 du Code de procédure pénale expirés, le juge d’instruction doit rendre une ordonnance.

Il s’agit soit d’une ordonnance de non-lieu soit d’une ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente.

Que se passe-t-il si l’ordonnance est irrégulière ?

L’ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel doit répondre à de nombreuses exigences. 

L’article 184 du Code de procédure pénale indique que :

Les ordonnances rendues par le juge d’instruction en vertu de la présente section contiennent les nom, prénoms, date, lieu de naissance, domicile et profession de la personne mise en examen. Elles indiquent la qualification légale du fait imputé à celle-ci et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non contre elle des charges suffisantes. Cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d’instruction en application de l’article 175, en précisant les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen.

Selon l’article 385 alinéa 2 du Code de procédure pénale, en cas de non-respect de l’article 184 précité, le Tribunal correctionnel saisi de l’ordonnance n’a pas d’autres solutions que de renvoyer la procédure au Ministère Public :

Toutefois, dans le cas où l’ordonnance ou l’arrêt qui l’a saisi n’a pas été porté à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas, par le quatrième alinéa de l’article 183 ou par l’article 217, ou si l’ordonnance n’a pas été rendue conformément aux dispositions de l’article 184, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée.

Le Ministère Public aura ainsi qualité pour saisir à nouveau le juge d’instruction afin de régulariser le dossier. 

La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé ce principe dans un arrêt du 29 septembre 2010 (10-84.003) : 

L’ordonnance de renvoi n’ayant pas été rendue conformément aux dispositions de l’article 184 du code de procédure pénale, le ministère public avait qualité, en application de l’alinéa 2 de l’article 385 dudit code, pour saisir à nouveau le juge d’instruction aux fins de régularisation de la procédure, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.

Également, la Cour de cassation a considéré que le défaut de notification du réquisitoire définitif caractérisait l’irrégularité de l’ordonnance de renvoi : 

Attendu que, pour rejeter l’exception de nullité soulevée par le prévenu, l’arrêt retient que le défaut de notification des réquisitions de renvoi devant le tribunal correctionnel a, pour seul effet, de rendre les parties recevables à soulever devant les juges du fond les nullités de procédure ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que, l’ordonnance de renvoi n’ayant pas été rendue conformément aux dispositions de l’article 184 du code de procédure pénale, les juges devaient, en application de l’article 385, alinéa 2, dudit code, renvoyer la procédure au ministère public pour saisir à nouveau le juge d’instruction aux fins de régularisation, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

(Ccass, chamb crim, 21 mars 2012, 11-87.660) 

En conséquence, si les dispositions mentionnées à l’article 385 alinéa 2 du Code de procédure pénale n’ont pas été respectées, le tribunal saisi de l’ordonnance irrégulière ne peut que renvoyer la procédure au Ministère public.  

Dans notre situation, faute d’avoir été destinataire de l’avis de fin d’information et des réquisitions du procureur de la République, nous avons alerté le Tribunal et lui avons demandé de constater qu’il était irrégulièrement saisi et de renvoyer la procédure au Ministère public afin qu’il saisisse à nouveau le juge d’instruction pour régulariser la situation et permettre à la défense d’exercer ses droits.    

Si le tribunal renvoi le dossier au Ministère public, qu’en est-il des mesures de privation de liberté préalablement imposées au justiciable ? 

La chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 28 février 2017 (n°16-87.511) est venue préciser ce point : 

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que, constatant l’inobservation des délais prévus à l’article 175 précité, dont se déduisait une absence de conformité aux prescriptions de l’article 184 du même code, la juridiction de jugement ne pouvait que renvoyer la procédure au ministère public pour régularisation par le juge d’instruction, comme le prévoit l’article 385, alinéa 2, dudit code, et que, restant saisie, elle devait se prononcer sur le maintien en détention du prévenu selon les prévisions de l’article 179, alinéa 5, précité, de sorte que le juge des libertés et de la détention n’était plus compétent à ce stade de la procédure, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. 

Toutefois, elle reste saisie pour statuer sur les mesures de sureté telles que la détention provisoire et le contrôle judiciaire. 

La Cour est venue rappeler que dans cette hypothèse, le Tribunal doit appliquer les dispositions de l’article 179 alinéa 5 du Code de procédure pénale : 

Toutefois, si l’audience sur le fond ne peut se tenir avant l’expiration de ce délai, le tribunal peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de deux mois. La comparution personnelle du prévenu est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette décision peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Si le prévenu n’a toujours pas été jugé à l’issue de cette nouvelle prolongation, il est remis immédiatement en liberté.

En conséquence, dans le cadre de l’article 385 alinéa 2 du Code de procédure pénale, la juridiction de jugement reste saisie du dossier et doit se prononcer sur les mesures de sureté en application de l’article 179 alinéa 5 du Code de procédure pénale.  

Dans notre dossier, considérant que la détention provisoire avait excédé le délai d’une année maximum pendant lequel notre client pouvait être détenu le temps de l’instruction, le Tribunal correctionnel a fait droit à notre demande et décidé de remettre l’intéressé en liberté, faisant ainsi une application rigoureuse de la loi pénale. 

Défendez-vous !

N’hésitez pas à prendre contact avec notre cabinet pour vous défendre.

Morgan LORET – Avocat associé. Spécialiste en droit pénal. Responsable du pôle droit pénal

Julie POUSSIER, Avocate collaboratrice – Pôle pénal AVOCATLANTIC