Comprendre la retraite progressive en droit du travail

La retraite progressive est un dispositif légal qui permet aux salariés de réduire leur activité professionnelle tout en commençant à percevoir une partie de leur pension de retraite. Elle s’inscrit dans un double objectif : accompagner la transition entre la vie active et la retraite définitive, et favoriser le maintien dans l’emploi des seniors.

 

Ce mécanisme est prévu par les articles L. 351-15, R. 351-39 et D. 161-2-24 du Code de la sécurité sociale. Il s’agit donc d’un droit encadré par la loi, mais soumis à des conditions strictes. Concrètement, l’assuré peut continuer à travailler à temps partiel et percevoir, en parallèle, une fraction de ses pensions de retraite de base et complémentaire.

 

Ce droit n’est pas seulement théorique : il représente une alternative pratique pour celles et ceux qui ne souhaitent pas cesser brutalement leur activité. C’est également une manière de préserver un revenu mixte (salaire + pension) et de continuer à cotiser pour améliorer ses droits futurs.

 


Les nouvelles règles depuis le 1er septembre 2025

L’âge d’accès abaissé à 60 ans pour tous

Jusqu’en 2025, l’âge d’ouverture de la retraite progressive variait selon la génération du salarié, avec un relèvement progressif lié à la réforme des retraites issue de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023.

 

Depuis le 1er septembre 2025, le cadre a changé : le décret n° 2025-681 du 15 juillet 2025 a abaissé uniformément l’âge d’accès à 60 ans, quelle que soit l’année de naissance. Ce changement a été pris en application de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 sur l’emploi des salariés expérimentés, qui visait à rendre le dispositif plus attractif.

 

Désormais, tout salarié remplissant les conditions de durée d’assurance peut demander sa retraite progressive dès 60 ans.

 

La condition des 150 trimestres d’assurance

Outre l’âge, la deuxième condition est la validation d’au moins 150 trimestres d’assurance. Cette exigence demeure inchangée. Il est donc essentiel pour chaque salarié d’effectuer un relevé de carrière afin de vérifier son éligibilité.

 

Un dispositif gagnant-gagnant

Cette réforme a plusieurs impacts positifs pour les salariés :

 

  • elle simplifie l’accès en supprimant les disparités générationnelles,

 

  • elle permet d’anticiper la cessation définitive d’activité dès 60 ans,

 

  • elle offre plus de souplesse pour aménager la fin de carrière.

 


Le rôle des régimes complémentaires Agirc-Arrco

Le principe du coefficient spécifique

La retraite progressive ne concerne pas uniquement le régime de base géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Elle touche également les retraites complémentaires Agirc-Arrco, qui constituent une part importante des droits acquis par les salariés du secteur privé.

 

Conformément à l’article 88 de l’ANI du 17 novembre 2017, si le salarié ne justifie pas d’une durée d’assurance suffisante pour bénéficier d’une retraite à taux plein dans le régime de base, sa pension complémentaire est minorée temporairement. Cette minoration prend la forme d’un coefficient spécifique d’anticipation, calculé en fonction du nombre de trimestres manquants et de l’âge de départ.

 

La circulaire Agirc-Arrco 2025-14

La nouvelle circulaire Agirc-Arrco 2025-14-SG-DRJ du 25 août 2025 fixe les barèmes applicables aux retraites progressives prenant effet de septembre à décembre 2025. Elle annule et remplace la précédente circulaire 2024-14.

 

Elle contient des tableaux précis, génération par génération (de 1958 à 1965), indiquant les coefficients applicables selon :

 

  • l’âge du salarié à la date d’effet,

 

  • le nombre de trimestres validés.

 

Quelques exemples concrets

  • Un salarié né en 1964, partant à 61 ans avec 160 trimestres, se voit appliquer un coefficient de 0,819.

 

  • Un salarié né en 1965, accédant à la retraite progressive dès 60 ans avec 162 trimestres, bénéficie d’un coefficient identique de 0,819.

 

  • À l’inverse, un salarié né en 1959 qui part à 65 ans avec 163 trimestres se voit appliquer un coefficient de 0,854.

 

Lorsque le nombre de trimestres requis est atteint ou que l’âge limite est proche, le coefficient est de 1,000, ce qui signifie qu’aucune minoration n’est appliquée.

 


Les avantages pratiques pour les salariés

Une transition douce vers la retraite

La retraite progressive permet d’éviter le choc d’un arrêt brutal de l’activité. Le salarié conserve une partie de son emploi, donc de son lien social et professionnel, tout en commençant à percevoir un revenu de remplacement.

 

La sécurisation des revenus

Grâce à la combinaison d’un salaire à temps partiel et d’une fraction de pension, le salarié bénéficie d’un revenu mixte, ce qui réduit l’incertitude financière.

 

La possibilité d’acquérir de nouveaux droits

Contrairement à une idée reçue, la retraite progressive ne fige pas les droits. Le salarié continue de cotiser sur son salaire à temps partiel, ce qui lui permet d’améliorer sa pension future.

 


Les limites et précautions à prendre

L’accord de l’employeur sur le temps partiel

Le passage en retraite progressive suppose que le salarié occupe un emploi à temps partiel. Cela nécessite l’accord de l’employeur, notamment sur la réorganisation du travail. Un refus est possible si l’entreprise justifie de contraintes de fonctionnement.

 

L’impact du coefficient d’anticipation

Le salarié doit bien mesurer l’effet du coefficient Agirc-Arrco sur sa pension complémentaire. Une minoration peut affecter son revenu global, surtout si la durée d’assurance est insuffisante.

 

L’importance de la simulation

Il est fortement conseillé de réaliser une simulation personnalisée auprès de l’Assurance retraite et de l’Agirc-Arrco. Cela permet d’anticiper l’impact financier et d’identifier la date la plus opportune pour solliciter la retraite progressive.

 


Les références légales à retenir

Pour mieux comprendre et sécuriser sa démarche, voici les principaux textes à consulter :

 

  • Code de la sécurité sociale : articles L. 351-15, R. 351-39 et D. 161-2-24,

 

  • Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 portant réforme des retraites,

 

  • Accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 relatif à l’emploi des salariés expérimentés,

 

  • Décret n° 2025-681 du 15 juillet 2025, fixant l’âge minimal d’accès à 60 ans,

 

  • Circulaire Agirc-Arrco 2025-14-SG-DRJ du 25 août 2025, barème applicable de septembre à décembre 2025.

 


Conseils pratiques pour les salariés

Avant de demander la retraite progressive, il est essentiel de :

 

  • vérifier son relevé de carrière pour s’assurer du nombre de trimestres validés,

 

  • calculer le revenu global attendu (salaire + pension partielle),

 

  • se rapprocher de son employeur pour négocier le passage à temps partiel,

 

  • demander une simulation officielle pour anticiper l’impact du coefficient Agirc-Arrco.

 


Conclusion

La réforme du 1er septembre 2025 rend la retraite progressive plus accessible et plus claire. En abaissant l’âge d’ouverture à 60 ans et en précisant les coefficients Agirc-Arrco, elle offre aux salariés une véritable opportunité d’aménager leur fin de carrière.

 

Ce dispositif, qui concilie activité réduite et perception partielle de la retraite, s’avère particulièrement intéressant pour ceux qui souhaitent préserver un revenu tout en allégeant leur rythme de travail. Toutefois, il requiert une anticipation rigoureuse et une négociation avec l’employeur.

 

En définitive, la retraite progressive constitue un outil au service des salariés, pour une transition équilibrée entre vie professionnelle et retraite définitive.

 

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