Le temps partiel thérapeutique, un outil de reprise progressive

Le temps partiel thérapeutique (TPT) est un mécanisme méconnu mais essentiel dans la gestion des ressources humaines. Prévu par l’article L.323-3 du Code de la sécurité sociale, il permet à un salarié de reprendre son activité à temps réduit après un arrêt de travail, tout en percevant des indemnités journalières de la CPAM. L’objectif est double : faciliter la réintégration professionnelle et préserver la santé du salarié.

 

Pour l’employeur, ce dispositif est un levier de maintien dans l’emploi, mais il soulève aussi des questions pratiques : quelle organisation mettre en place ? Quelles formalités respecter pour garantir les droits du salarié ? Quels risques en cas de manquement ?

 


Les conditions de mise en place du temps partiel thérapeutique

Un TPT suppose l’intervention de trois acteurs :

 

  • Le médecin traitant, qui prescrit la reprise progressive.

 

  • Le médecin-conseil de la CPAM, qui valide la prescription et autorise le versement des indemnités journalières.

 

  • L’employeur, qui doit accepter la reprise du salarié dans des conditions compatibles avec l’organisation de l’entreprise.

 

Il ne s’agit donc pas d’une obligation automatique pour l’entreprise : l’employeur conserve un droit de regard sur la faisabilité de l’aménagement, au regard des nécessités de service et des contraintes organisationnelles (Cass. soc., 21 octobre 2009, n° 08-42.944).

 


Les obligations déclaratives de l’employeur

La DSIJ reste incontournable

Depuis 2023, la déclaration sociale nominative (DSN) comporte un bloc « Temps partiel thérapeutique – S21.G00.66 » destiné à remplacer progressivement l’attestation de salaire transmise à la CPAM. En pratique, cette substitution n’est pas encore effective.

 

Une actualité publiée sur Net-Entreprises en août 2025 rappelle que, pour les employeurs relevant du régime général, la déclaration dématérialisée de salaire pour le versement des indemnités journalières (DSIJ) reste obligatoire jusqu’à nouvel ordre.

 

Concrètement, même si l’entreprise remplit le bloc DSN, elle doit continuer à établir une DSIJ à chaque reprise en TPT. À défaut, le salarié risque de ne pas percevoir ses indemnités journalières.

 

Les précautions à prendre en DSN

Pour les entreprises qui utilisent déjà le bloc S21.G00.66, plusieurs règles doivent être respectées :

 

  • La perte de salaire doit être déclarée comme un montant positif. Seule une correction « annule et remplace » peut justifier une valeur négative.

 

  • Les périodes doivent couvrir des séquences complètes (par exemple un mois entier) et non être fragmentées par journée.

 

  • Les corrections en mode différentiel sont interdites pour le régime général.

 


Les enjeux organisationnels pour le chef d’entreprise

Réintégrer un salarié fragilisé

Au-delà des formalités déclaratives, le temps partiel thérapeutique oblige l’entreprise à repenser l’organisation du travail. Il faut adapter les horaires, redistribuer les tâches et parfois recruter en complément. Cette flexibilité a un coût, mais elle s’inscrit dans une politique de responsabilité sociale de l’entreprise.

 

En pratique, un TPT bien géré peut :

 

  • réduire le risque d’inaptitude définitive et de licenciement ;

 

  • renforcer la fidélisation et l’engagement du salarié ;

 

  • éviter des coûts plus élevés liés à un recrutement externe.

 

Les risques en cas de mauvaise gestion

Un employeur négligent s’expose à plusieurs risques :

 

  • Contentieux prud’homal si le salarié estime que son retour n’a pas été correctement pris en compte.

 

  • Engagement de responsabilité si la non-transmission de la DSIJ prive le salarié de ses indemnités journalières (Cass. soc., 11 mars 1992, n° 88-43.074).

 

  • Désorganisation interne si les plannings ne sont pas adaptés au nouveau rythme de travail.

 


La durée et le renouvellement du temps partiel thérapeutique

Le TPT est généralement prescrit pour une période de un à trois mois, renouvelable selon l’évolution de l’état de santé. En cas d’affection de longue durée, il peut se prolonger dans la limite des droits à indemnisation, soit trois ans maximum (article R.323-3 du Code de la sécurité sociale).

 

Le chef d’entreprise doit donc anticiper cette temporalité et mettre en place des points réguliers avec le salarié afin de suivre l’évolution de la situation.

 


Bonnes pratiques pour les chefs d’entreprise

Afin de sécuriser la mise en place d’un TPT, il est recommandé :

 

  • de formaliser un avenant au contrat de travail précisant la durée, le temps de travail hebdomadaire et la rémunération ;

 

  • de mettre en place un suivi RH et médical, en lien avec le service de santé au travail ;

 

  • de sensibiliser l’équipe à la situation, pour favoriser une reprise harmonieuse ;

 

  • de vérifier régulièrement la conformité des déclarations en DSN et DSIJ ;

 

  • de conserver une communication transparente avec le salarié sur ses droits et ses obligations.

 


Perspectives d’évolution

La mise en place du bloc DSN « Temps partiel thérapeutique » devait, à terme, supprimer l’attestation de salaire. Toutefois, les difficultés techniques et les erreurs constatées dans les premiers mois ont conduit les autorités à maintenir le double système.

 

Pour les chefs d’entreprise, il est essentiel de rester attentifs aux futures évolutions réglementaires. À court terme, la vigilance doit porter sur la bonne transmission des DSIJ et la conformité des blocs DSN. À plus long terme, il est probable que la DSN devienne l’unique support déclaratif.

 


Conclusion : le temps partiel thérapeutique, contrainte ou opportunité ?

Le temps partiel thérapeutique peut apparaître comme une contrainte pour le dirigeant, en raison des formalités administratives et des ajustements organisationnels qu’il implique. Pourtant, bien géré, il constitue un outil efficace de maintien dans l’emploi, limitant les risques d’inaptitude et de rupture de contrat.

 

En tant que chef d’entreprise, il est crucial de :

 

  • comprendre le cadre légal du TPT ;

 

  • respecter scrupuleusement les obligations déclaratives (DSIJ et DSN) ;

 

  • anticiper les conséquences organisationnelles de la reprise progressive ;

 

  • adopter une approche humaine et pragmatique vis-à-vis du salarié concerné.

 

Ainsi, le temps partiel thérapeutique n’est pas seulement une obligation, mais aussi un investissement dans la santé au travail, la pérennité des compétences et la qualité du dialogue social.

 

LE BOUARD AVOCATS

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