Ce n’est pas parce le défrichement est presque achevé qu’il n’y a pas d’urgence à suspendre un arrêté préfectoral qui autorise la destruction des espèces animales et végétales.

Le Code de l’environnement comporte un ensemble d’interdictions visant à assurer la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont, par exemple, interdits la destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la destruction, la capture ou l’enlèvement de certaines espèces etc.

L’autorité administrative peut néanmoins délivrer des dérogations à ces interdictions, sous réserve du respect de trois conditions distinctes et cumulatives:

  1. Il ne doit pas exister de solution alternative satisfaisante,
  2. Il ne faut pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle,
  3. La dérogation  doit être justifiée par l’un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.

Cette dérogation peut être contestée en justice :

- soit en vue d’obtenir son annulation ;

- voire sa suspension en cas d’urgence.

Dans le cadre d’un projet de construction, une association sollicite du juge administratif qu’il suspende l’arrêté de dérogation accordé à un porteur de projet, invoquant le risque de destruction de certaines espèces protégées, comme des reptiles ou des amphibiens.

Le juge, qui constate la réalisation à 90 % du défrichement de la zone, juge que l’atteinte aux espèces protégées était déjà très largement consommée, et considère donc qu’il n’y a plus d’urgence à statuer.

⚠️ Le Conseil d’Etat retoque : le juge, alors même que l’association argumentait en ce sens, doit plutôt examiner l’impact des travaux qui restent à réaliser sur les espèces protégées.

Pour statuer sur l’urgence à suspendre, seul doit être pris en compte l’impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées, quand bien même les travaux sont largement commencés.

CE, 8 avr. 2024, Assoc. Biodiversité sous nos pieds, n° 469526