Voilà un Arrêt du 9 avril 2015 qui mérite un peu d’attention : il en a été beaucoup rendu ce jour là en matière de harcèlement moral par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, mais celui-là semble le seul digne d’intérêt pour cette haute juridiction, qui a décidé de le publier au Bulletin.

Pour quelle raison ?

Car, à des faits allégués de harcèlement moral par le salarié, qui se plaint de reproches notifiés par l’employeur totalement injustifiés,  s’oppose une lettre de licenciement pour refus de réaliser de nouveaux cycles de travail.

D’un côté, le salarié évoquait un harcèlement moral, et un cas de nullité du licenciement consécutivement notifié ; de l’autre, l’employeur soutenait une totale indépendance entre les faits fautifs poursuivis, et les faits de harcèlement allégué.

La Chambre Sociale de la Cour de Cassation est venue rendre une décision qui fera sans doute l’objet de maints commentaires, certains sans doute interrogatifs :

« attendu que la cour d’appel a décidé à bon droit que si le salarié avait été victime d’agissements de harcèlement moral, le refus persistant de l’intéressé de travailler selon les nouveaux horaires, seul visé par la lettre de licenciement, était antérieur aux faits de harcèlement moral de sorte que la rupture ne découlait pas de ceux-ci mais de la seule faute de ce salarié ; que le moyen n’est pas fondé »

http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030470476&fastReqId=809991713&fastPos=10

Le problème est que cette appréciation peut laisser croire que tout fait de harcèlement moral antérieur à un licenciement pourrait provoquer la nullité de ce dernier.

Se dégagerait ainsi, dans cette interprétation « folle », le principe selon lequel si le salarié se plaignait en premier de faits de harcèlement, l’employeur perdrait consécutivement son droit à poursuites disciplinaires, quels que soient les faits fautifs.

Bref, une « course de vitesse » s’instaurerait entre employeur et salarié, le premier arrivé au terme d’une stratégie maligne serait le premier servi sur le plan judiciaire…ce qui nous éloigne fortement de la nécessité toujours prégnante d’une loyauté dans les relations contractuelles…

…Alors que l’on sait en réalité qu’une lettre de licenciement sanctionnant des faits distincts de ceux allégués par le salarié à l’appui d’un harcèlement moral, n’a pas vocation à subir de nullité, que les uns soient antérieurs ou pas aux autres.

L’on se demande donc pourquoi la Cour de Cassation a souhaité publier cet Arrêt, qui aurait du à notre sens rester « inédit » (?).

Sans doute, les commentaires plus éclairés que les miens, de tel ou tel juriste pouvant lire dans l’esprit des Conseillers de la Cour de Cassation, éclaireront ma faible lanterne…

Philippe CANO

Avocat Associé au Barreau d’AVIGNON

SCP C.CANO et Ph.CANO