Revient en ma mémoire, comme en écho aux « affaires » causées par le cas « WEINSTEIN », et par ses répercussions mondiales, notamment en FRANCE (…), un Arrêt rendu par la Cour de Cassation, qui ne manquera pas de heurter nos perceptions et interprétations sur cette décision :

Aussi surprenant que cela puisse paraître si l’on en fait un bref résumé, l’Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 11 mars 2015, n° Pourvoi 13-18603, tend à considérer qu’un harcèlement moral et sexuel caractérisé ne suffit pas à justifier en soi, une prise d’acte de rupture du contrat de travail de la salariée (!).

Comment la Cour de Cassation en est-elle arrivée là ?

Dans cette espèce, un harcèlement moral et sexuel a été allégué par une salariée, et semble-t-il ne faisait aucun doute.

Le problème est qu’entre la prise d’acte de rupture et la réalisation de ces graves faits, la salariée a mis près d’une année pour se plaindre de ces agressions subies.

Il semble par ailleurs que, dans cet intervalle de temps, l’employeur ait pris les mesures pour faire cesser la réitération de tels faits.

A ce stade, deux réflexions possibles :

* Soit la Cour de Cassation, de manière « classique », « mécanique » et même « intemporelle » (notion qui a son importance, cf infra), considérait que le manquement grave, irrémédiable et avéré à l’obligation de sécurité et de résultat de l’employeur, justifiait nécessairement de qualifier cette prise d’acte de rupture, de licenciement ;

* Soit la Cour de Cassation,  de manière plus « fine », en toute hypothèse marquée par la « temporalité » des faits de l’espèce, appliquait à ce cas sa jurisprudence récente sur la notion de manquement grave empêchant le salarié de poursuivre la relation de travail, comme un préalable indispensable à la qualification d’une prise d’acte de rupture en licenciement.

Or, à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, qui pouvait être un « paravent aveuglant » dans cette affaire, la Cour de Cassation a préféré appliquer au cas d’espèce sa récente jurisprudence sur la gravité du manquement (…) ; et ceci a amené la Cour a infirmer l’Arrêt rendu par la Cour d’Appel.

Malgré tout, malgré ce, peut-on, avec toute la subjectivité qui nous sera sans doute reprochée, estimer que cette décision est satisfaisante, sinon en droit, à tout le moins sur le plan de la moralité et de la loyauté dans les rapports entre l’employeur et sa salariée ?

Ne fallait-il pas aussi se poser la question de la difficulté pour la personne subissant un ou des actes de harcèlement moral et/ou sexuel, d’avoir la force de révéler ces atteintes à sa personne, à sa dignité ?

Difficile matière que celle relative au harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel ; mais matière qui doit nécessairement, puisqu’elle se trouve à la limite extrême de toutes les notions du droit, de même qu’à la limite des rapports humains -si l’on peut s’exprimer ainsi ; sachant qu’en la matière ce serait plutôt « hors limite » que ces comportements se situent…-, être sans cesse revisitée…et surtout dénoncée.

Philippe CANO

Avocat Associé de la SCP C.CANO et Ph.CANO

AVIGNON, FRANCE.