La Cour de cassation en sa Chambre sociale a, selon arrêt du 23 janvier 2019, rendu l’arrêt suivant :

"Sur le moyen unique : Vu les articles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail...

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée par la société Cordirom en qualité d’agent administratif et commercial le 10 juin 2011 ; que les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 28 avril 2014 ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale...

Attendu que pour déclarer nulle la rupture conventionnelle, l’arrêt retient qu’un salarié peut obtenir l’annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu’il établit qu’elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement, que la salariée n’invoque en l’espèce aucun vice du consentement mais que, le harcèlement moral étant constitué, il convient de constater la nullité de la rupture conventionnelle...

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés".

Cet arrêt peut étonner le praticien en droit du travail, car en effet, et dans son souvenir, un Arrêt de la Cour de Cassation semblait indiquer exactement le contraire :

Cf Cass. soc. 30 janvier 2013 n° 11-22332, Sté Copie repro c/ Joucla.

S'il était établi qu'au moment de la signature de la rupture conventionnelle le salarié était victime de harcèlement moral, alors son consentement était nécessairement vicié et cette rupture était nulle.

Serait-ce donc la fin de cette protection passée du salarié sous contrainte morale spécifique au prétexte que le harcèlement moral ne serait pas systématiquement démonstratif de violence au sens des vices du consentement ?

Nous n'osons le penser.

Peut-être la Cour de Cassation sanctionne-t-elle ici une Cour d'appel qui n'aurait pas suffisamment caractérisé la concommittance entre le harcèlement subi et la signature de la rupture conventionnelle ?

Rien ne semble non plus nous permettre de l'affirmer.

Alors, naît l'hypothèse selon laquelle cet arrêt est une décision de plus qui, depuis 2008, ne cesse d'élargir les cas de validités de ruptures conventionnelles dans toutes les situations possibles et (in)imaginables...

Rappelons-nous les hésitations des premières années lorsque naquit ce nouveau cas de rupture, lorsque la salarié était en arrêt de travail par exemple...cas résolu par la Cour de Cassation depuis longue date.

Tout concourt à mettre aux oubliettes par tous moyens possibles les cas de ruptures non conventionnels, en fait - i.e.le licenciement.

Et la Cour de Cassation de poursuivre son entreprise de "consensualisation" de droit du travail, ce dans la droite ligne du mouvement législatif existant depuis quelques années.

 

Philippe CANO

Avocat à AVIGNON

postulant à la Cour de NIMES