La problématique :

Je fais, très régulièrement (ce jour encore …), face à des clients incrédules qui découvrent, en rendez-vous, que leur contrat mariage leur interdit de de faire valoir dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial une créance envers leur conjoint.

La faute à qui ?

Lorsque les conjoints se rendent chez un notaire afin que ce dernier rédige un contrat de mariage venant régir leurs futurs rapports patrimoniaux, ils ne prennent pas garde à une clause qui se révèlera importante au moment de leur éventuel divorce : celle relative aux modalités de leur contribution aux charges du mariage pour chacun d’entre eux.

La clause litigieuse tiré de l’article 214 du Code Civil (Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives) : « chacun d’entre eux sera réputé s’être acquitté jour après jour de sa part contributive aux charges du mariage, en sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre »

Autrement dit : impossibilité de revendiquer la moindre créance si l’un des époux à sur-contribué aux charges du mariage.

Les charges du mariage sont les dépenses relatives à l'entretien du ménage, l'éducation des enfants et l'ensemble des dépenses nécessaires aux besoins de la vie familiale.

Il s’agit, concrètement:

  • d’une part, des dépenses ménagères au sens habituel du terme (frais et charges de logement, nourriture, habillement, santé, éducation des enfants, etc …)
  • d’autre part, de toutes les dépenses d'agrément et de loisir (frais de vacances et de loisirs, dépenses d'aménagement de l'habitation familiale.

Pire encore : La contribution aux charges du mariage peut également inclure des dépenses d’investissement comme une résidence (résidence principale voire secondaire : sur ce dernier point : Civ.1, 20 mai 1981 ou Civ. 1, 08 déc. 2013 : « qu’ayant pu relevé que l’activité stable de l’époux lui procurait des revenus très confortables lui permettant d’acquérir une résidence secondaire pour la famille, les juges du fond ont pu décider que le financement par le mari d’un tel bien indivis participait de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ».

Il en résulte que, sauf reconnaissance du caractère excessif du financement de l’un des époux par l’autre, vous ne pourrez jamais récupérer le moindre centime d’euros.

Cette présomption est irréfragable ainsi que le rappelle régulièrement la Cour de Cassation (notamment Civ. 1, 1 avril 2015, pourvoir n° 14-14349 : "après avoir relevé que les époux étaient convenus, par une clause de leur contrat de mariage, que chacun d'entre eux serait réputé s'être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage, et en avoir déterminé la portée, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a souverainement estimé qu'il ressortait de la volonté des époux que cette présomption interdisait de prouver que l'un ou l'autre des conjoints ne s'était pas acquitté de son obligation".

Cela signifie que peu importe la disproportion avec laquelle les époux ont participé aux charges du mariage il n’est plus possible de faire le moindre compte.

En conséquence, l’époux qui a financé seul les charges du ménage ne peut pas demander qu’il en soit tenu compte dans le partage suite à un divorce ou à une séparation de corps.

Existe-t-il une solution ?

Plutôt un conseil judicieux : se faire communiquer le projet de contrat de mariage car vous avez toujours la possibilité de faire aménager cette clause (en précisant pas exemple de choisir les charges qui vont entrer dans les charges du mariage et en exclure d’autres) ou, tout simplement de faire supprimer cette clause de votre contrat avant de le signer au nom du principe de liberté des conventions matrimoniales.