Conseil d'État, 22 juillet 2020, n° 427163
Par un récent arrêt du 22 juillet 2020, le Conseil d’Etat étend les droits des pétitionnaires en leur offrant la possibilité de soulever l'exception d'illégalité d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) en cours d’élaboration à l'occasion d'un recours formé contre une décision de sursis à statuer opposée à une demande de permis de construire.
Le Conseil s’y était toujours refusé et l’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme autorisait donc jusque-là l'autorité compétente à surseoir à statuer sur une demande d'autorisation au motif que le projet serait de nature à compromettre l'exécution du futur PLU, sans permettre au pétitionnaire de contester la légalité des dispositions du futur PLU justifiant cette décision.
Cette décision est marquée en réalité par une stratégie consistant à court-circuiter la transmission d’une QPC tenant précisément à la constitutionnalité de.
Le Conseil d’Etat avait en effet été saisi quelques mois auparavant d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) par laquelle la société requérante soutenait fort justement que ces dispositions violaient le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la même Déclaration.
Heureux hasard du calendrier de procédure, le Conseil d’Etat remodèle sa jurisprudence par sa décision du 22 juillet 2020.
Il précise ainsi que le sursis à statuer « ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution ».
En écartant le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la cour administrative d'appel en examinant la légalité du PLU pour apprécier celle de la décision de sursis à statuer, le Conseil d’Etat définit les nouvelles orientations contentieuses quant au contrôle des documents d’urbanisme en cours d’élaboration.
On peut se réjouir que le caractère discrétionnaire de l’appréciation de l’atteinte porté à l’exécution du futur PLU se réduit progressivement, offrant une nouvelle voie de droit plus conforme aux droits au recours des pétitionnaires lésés.
Finalement, par une décision du 5 août 2020, le Conseil d’Etat pouvait sans risque refuser la transmission de la QPC en arguant :
1 – Que l'atteinte au droit de propriété ne peut être considérée comme excessive au regard de l'objectif d'intérêt général que ces dispositions poursuivent et de son encadrement par la loi, notamment de sa limitation dans le temps (le sursis ne peut excéder 2 ans).
2- A la lumière de sa jurisprudence du 22 juillet 2020, que « le sursis ne peut être opposé qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur PLU pourrait légalement prévoir », et « le pétitionnaire peut contester, par la voie de l'exception d'illégalité, la légalité du futur PLU à l'occasion du recours contre le sursis à statuer qui lui a été opposé » (CE, 5 août 2020, n° 436940).
Le Conseil d’Etat, de manière assez magistrale, conteste encore au Conseil constitutionnel le monopole de l’interprétation de la Constitution.
C’est aussi là un moyen de préserver les dispositions de l’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme d’une éventuelle censure des juges de l’aile Montpensier.
Pierre Castéra
Avocat
Docteur en droit
pierre.castera-avocat@outlook.fr
Pas de contribution, soyez le premier