Une période difficile pour nos acteurs économiques. Au moment où la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’apprête, après une première tentative avortée, à nous délivrer enfin ses précieuses réponses quant aux interrogations relatives aux loyers dit « covid », il paraissait évident de revenir sur ce thème.
La crise sanitaire sans précédent que nous avons traversée a, en effet, eu un impact important dans la gestion des relations bailleur-locataire et a nourri, ces deux dernières années, outre de nombreux débats doctrinaux, un important contentieux.
Bon nombre de locaux commerciaux, et autres établissements recevant du public, ont été contraints de fermer leurs portes durant les périodes de confinement et/ou de restrictions administratives, en raison de la propagation du virus de la covid-19.
Si le Gouvernement est intervenu, par différents dispositifs issus d’ordonnances ou de lois, pour venir en aide aux acteurs économiques les plus touchés (incitation à l’abandon volontaire de loyers / report de paiement / fonds de solidarité / …) l’exigibilité des loyers, elle, n’a jamais été remise en cause. C’est donc dans ce contexte particlulier que les propriétaires et leurs locataires se sont parfois retrouvés devant les tribunaux : Le bailleur, bien entendu, désireux d’être payé ou de faire joueur sa clause résolutoire ; Le locataire, dans la majeure partie des cas, souhaitant obtenir des échelonnements de paiement.
Le rôle de la bonne foi réaffirmé. Des grands théoriciens du Droit des obligations partageaient déjà cette vision relationnelle du contrat, mettant en lumière la nécessité de contrôler son évolution par la solidarité.
Dans le droit des baux commerciaux, elle y a toujours été appliquée, comme par exemple en matière de cession de bail commercial, de sous-location, de travaux, ou pour l’application de la clause résolutoire et du droit à la résiliation triennale.
Et les décisions rendues durant la crise sanitaire que nous avons traversée n’ont pas échappé à la règle !
Tantôt le Juge a pu opposer au bailleur le fait de ne pas avoir tenté, au préalable de rechercher une solution amiable, allant même jusqu’à lui imposer la restitution de loyers déjà payés. Tantôt il a pu également reprocher au locataire de ne pas avoir pris ses propres précautions pour faire face à une fermeture (gestion / assurance / compta).
Aux parties donc de ne pas oublier que, de leur bail commercial, nait une relation contractuelle de très longue durée qui, parfois, tend à se rapprocher d’un partenariat commercial. La bonne foi y trouve tout naturellement sa place et les juridictions n’y seront que plus sensibles.
Déjà des enseignements issus de la crise Covid : S’agissant de l’exigibilité des loyers, les décisions rendues au fond ont déjà été riches d’enseignement. A titre d’exemple : la Force majeure économique n’existe pas ; la perte de la chose louée pourrait concerner le bail commercial ; l’imprévision doit être précisemment encadrée par le contrat ; le pouvoir du juge des référés est restreint pour trancher la question de l’exigibilité des loyers…
A la pratique de s’adapter désormais : Celle-ci avait déjà dû le faire avec le nouveau cadre introduit par la loi Pinel et ses décrets d’application mais aussi avec la réforme en deux temps du Droit des obligations. Elle devra encore très bientôt évoluer lorsque la réforme des contrats spéciaux interviendra…
Tous les décideurs immobiliers de l'entreprise, « institutionnels » ou « particuliers », et leurs conseils doivent optimiser leurs pratiques.
Nous savons, plus que quiconque, que ces évolutions sont souhaitables pour répondre aux besoins de nos clients. Ceci nous pousse à adapter constamment nos contrats ainsi que notre pratique par une approche personalisée et prospective du dossier.
Des outils issus du droit commun. Jusqu’à présent, le droit commun ne faisait figure que de « roue de secours », en application d’une jurisprudence rigoureusement établie. Désormais, il offre de réelles solutions et doit être maîtrisé, aussi bien côté locataire pour venir sanctionner des clauses clairement abusives, que côté bailleur pour aménager contractuellement le bail commercial par l’insertion de mécanismes préventifs ou par l’exclusion d’articles du code civil purement « supplétifs », le tout sous l’angle essentiel de l’Equilibre du contrat. Exception d’inexécution ; révision pour imprévision ; exécution forcée ; force majeure ; déséquilibre significatif …
Tant de nouvelles conceptions qui, mal maîtrisées et surtout non anticipées en amont, vont constituer un risque juridique important pour les co-contractants. Notre rôle en tant qu’avocat est donc de conseiller les Parties et de proposer des solutions et des clauses « sur-mesure » adpatées aux besoins de nos clients.
L’approche amiable des litiges : une solution qui a de l’avenir ! Ce fut peut-être l’un des plus grands enseignements à notre sens : le bail commercial se conjugue parfaitement avec la résolution amiable des litiges et la collaboration entre les Parties !
Il est plus que jamais le moment de promouvoir les modes alternatifs de règlement des conflits en matière de baux commerciaux car, de manière générale, il s’agit de reconnaitre que le bail commercial est un contrat qui fait toujours très mauvais ménage avec la voie conflictuelle.
Nous avons à cœur de guider les clients du cabinet en leur faisant prendre conscience que bien souvent la meilleure solution est celle de la volonté commune qui parvient à un résultat « gagnant-gagnant » et à éviter de longues procédures. Toutefois, cela ne peut se faire que dans le respect des règles imposées.
La Cour de cassation s’apprête maintenant à livrer son bilan. Même si les décisions rendues au fond ont déjà fait évoluer la pratique, la position de la Cour est désormais très attendue. Celle-ci devrait être rendue le 30 juin prochain et concernera notamment le sujet de la perte de la chose louée et celui de l’exception d’inexécution. Gageons qu’elle ne nous décevra pas !
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