Toute victime d’une infraction dispose de plusieurs droits. Le principal de ces droits est le droit à la réparation de ses préjudices.

L’article 2 du code de procédure pénale dispose en effet que « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Il en résulte que toute victime d’une infraction, a le droit, dans le cadre du procès pénal d’obtenir réparation de l’ensemble de ses préjudices en se voyant attribuer une somme d’argent, censée compenser lesdits préjudices, et mise à la charge de l’auteur de l’infraction.

Si la réparation est souvent assez aisée en ce qui concerne le préjudice matériel – en attribuant la valeur du bien détruit ou dégradé – la question s’avère bien plus délicate lorsqu’il s’agit de réparer les préjudices moraux, les préjudices découlant d’atteintes corporelles ou de traumatismes psychologiques. Bien que non-satisfaisante et souvent critiquée en ce que l’indemnisation ne permet pas de réellement réparer les préjudices de la victime. Le droit ne peut en effet que tenter de réparer les conséquences du fait dommageable par la condamnation de l’auteur au paiement de sommes d’argents indemnitaires.

Une fois l’indemnisation accordée, et pour rendre ce droit à l’indemnisation effectif, la victime doit pouvoir recouvrer les sommes qui lui ont été accordées par la juridiction de jugement. Plusieurs options sont alors offertes à la victime à défaut de règlement spontané par la personne condamnée.

Comme pour toute décision de justice, la victime pourra solliciter l’exécution forcée de la décision en mandatant le commissaire de justice de son choix qui se chargera de procéder aux saisies nécessaires afin de récupérer les sommes dues. Cette solution présente un double inconvénient. Premièrement, l’intervention d’un commissaire de justice n’est pas gratuite et cela conduira au paiement de frais pour la victime. Deuxièmement, la victime s’expose à la potentielle insolvabilité de la personne condamnée. Elle se retrouverait alors face à l’impossibilité de mettre en place la moindre saisie et, par conséquent face à l’impossibilité de voir exécuter la décision. Ce risque est d’autant plus important lorsque la personne condamnée s’est vu infliger une peine d’emprisonnement, parfois longue. L’incarcération de l’auteur entraine de facto l’impossibilité pour celui-ci de travailler et conduit donc à une perte de revenus, à supposer qu’il en avait auparavant.

Pour pallier ces difficultés, le législateur a mis en place des mécanismes permettant à la victime d’une infraction pénale d’obtenir la réparation de ses préjudices par la solidarité nationale. C’est dans ces circonstances que par une loi du 6 juillet 1990[1], le Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infraction (FGTI) a été créé[2]. Ce Fonds de Garantie intervient depuis lors pour indemniser, totalement ou partiellement, les victimes d’actes de terrorisme ou d’infractions. Le présent article ne s’intéressera qu’à l’indemnisation des victimes d’infractions dites de droit commun (hors terrorisme). En effet, les victimes d’actes de terrorisme bénéficient d’un régime particulier et autonome permettant l’obtention de leur indemnisation auprès du Fonds de Garantie. Les victimes d’infractions de droit commun peuvent obtenir l’indemnisation de leur préjudice auprès du Fonds de Garantie en saisissant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI).

Plus tard, le législateur est venu créer un dispositif permettant aux victimes d’obtenir une aide au recouvrement des sommes accordées par la juridiction de jugement via le Fonds de Garantie. Par une loi du 1er juillet 2008, le législateur a créé le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions (SARVI)[3]. Ce nouveau service est une véritable aubaine pour les victimes ne rentrant pas dans les critères leur permettant d’obtenir leur réparation directement par le Fonds de Garantie via la CIVI. Depuis lors, celles-ci bénéficient d’un service qui les aide, sans frais, à récupérer les indemnités accordées auprès de l’auteur de l’infraction.

Pour résumer, les victimes d’infractions pénales peuvent obtenir la réparation de leur préjudice auprès du Fonds de Garantie en saisissant une juridiction spécifique qu’est la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions aussi appelée la CIVI (I) ou obtenir une aide au recouvrement des indemnités leur ayant été accordées en saisissant directement le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions auprès du Fonds de Garantie (II).

 

I/ L’INDEMNISATION DES PRÉJUDICES PAR LA SOLIDARITÉ NATIONALE

 

Toute victime d’une infraction pénale répondant aux strictes conditions prévues par les articles 706-3 à 706-15 du code de procédure pénale est en droit de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions dont elle dépend afin de solliciter la réparation intégrale ou partielle des préjudices découlant de l’infraction dont elle a été victime. Le Fonds de Garantie pourra alors, via cette procédure, être amené à indemniser totalement ou partiellement les victimes d’infractions pénales. Il s’agit de la première grande intervention du Fonds de Garantie dans l’indemnisation des victimes d’infractions pénales.

La Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions, aussi appelée CIVI, a été initialement créée pour faciliter l’indemnisation des victimes d’infractions pénales. Ainsi, « Chaque tribunal judiciaire comporte une commission d'indemnisation de certaines victimes d'infractions qui revêt le caractère d'une juridiction civile »[4]. Cette commission est présidée par un magistrat du siège qui est assisté d’un assesseur magistrat professionnel et d’une personne issue de la société civile « s'étant signalées par l'intérêt qu'elles portent aux problèmes des victimes »[5]. Il peut s’agir d’une personne s’étant notamment impliquée dans la vie associative d’aide aux victimes d’infractions.

Les décisions de la commission sont rendues en premier ressort[6] et peuvent faire l’objet d’un appel dans le délai d’un mois[7].

En application des articles 706-3 à 706-15 du code de procédure pénale, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) peut être saisie dans trois cas :

  • D’une demande de réparation des atteintes corporelles les plus graves – articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale (A) ;
  • D’une demande de réparation des atteintes aux biens ou d’atteintes corporelles ‘légères’ pour les personnes les plus fragiles financièrement se trouvant dans une « situation matérielle grave » du fait de l’infraction – article 706-14 du code de procédure pénale (B) ;
  • D’une demande d’indemnisation dans le cas particulier de la destruction d’un véhicule terrestre à moteur par incendie – article 706-14-1 du code de procédure pénale (C) ;

Ainsi, toutes les victimes d’une infraction pénale, ou de faits s’apparentant matériellement à une infraction pénale, ne répondant pas aux critères stricts prévus aux articles précités ne pourraient pas obtenir l’indemnisation de leurs préjudices via la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions.

Elles pourraient toutefois prétendre obtenir une aide au recouvrement de la part du Fonds de Garantie si elles sont en possession d’une décision définitive leur accordant une indemnisation (Cf. II).

 

  1. LA REPARATION DES ATTEINTES CORPORELLES LES PLUS GRAVES

 

Aux termes de l’article 706-3 alinéa 1er du code de procédure pénale : « Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne… » lorsque sont réunies plusieurs conditions.

Il sera noté que cette commission peut être saisie par « toute personne » victime « ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction ». Cela signifie que la CIVI, en tant que juridiction autonome, est entièrement détachée du procès pénal et qu’elle peut être saisie indépendamment de l’existence ou non d’un tel procès.

Autrement dit, cette juridiction peut être saisie afin d’indemniser les préjudices de la victime, et ce même si l’auteur de l’infraction reste inconnu ou dans l’hypothèse d’une absence de poursuite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement ; dès lors que les préjudices de la victime découlent de « faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction » et que cette matérialité est établie[8]. Il a ainsi pu être jugé qu’un classement sans suite ne faisait pas obstacle à la saisine de la CIVI dès lors que cette décision n’est que provisoire, la CIVI devant alors rechercher si les faits qui lui sont soumis présentent le caractère matériel d’une infraction[9]. A contrario, le simple constat de l’ouverture d’une information judiciaire ne peut suffire à établir que les faits présentent réellement le caractère matériel d’une infraction[10]. La commission devra dans ce cas s’intéresser à savoir s’il est suffisamment établi que les faits présentent le caractère matériel d’une infraction. De la même manière, la Cour de Cassation a pu juger qu’une ordonnance de non-lieu rendue par le Juge d’Instruction indiquant qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre quiconque et n’établissant pas l’origine du dommage ne permettait pas de caractériser le caractère matériel de l’infraction[11]. Il semblerait que la solution inverse puisse exister si l’information judiciaire, sans pouvoir retenir de charges suffisantes contre quiconque, avait permis d’établir des charges suffisantes quant à l’existence de faits présentant le caractère matériel d’une infraction.

Pour résumer, la saisine de la CIVI semble toujours possible même dans l’hypothèse où une ordonnance de non-lieu a été rendue dès lors que l’information a permis d’établir l’existence de faits présentant le caractère matériel d’une infraction sans pouvoir pour autant démontrer l’existence de charges suffisantes à l’égard de la ou des personnes mises en examen.

Le même raisonnement s’applique aussi dans l’hypothèse d’une relaxe ou de l’acquittement d’une personne mise en cause. La Cour de Cassation a ainsi pu casser la décision déclarant irrecevable la saisine de la CIVI par la femme de la victime du fait que l’auteur poursuivi avait été acquitté alors qu’elle avait établi que les faits présentaient le caractère matériel de l’infraction d’homicide involontaire[12].

Par conséquent, il en découle que cette juridiction peut être saisie en dehors de tout procès pénal ou à tout moment du procès pénal si les poursuites sont engagées. La victime n’a dès lors pas l’obligation d’attendre une condamnation pénale définitive pour pouvoir saisir cette juridiction[13]. Toutefois et dans l’hypothèse où des poursuites pénales sont engagées, la commission peut sursoir à statuer dans l’attente de la décision définitive statuant sur l’action publique[14]. A contrario, et en application de la règle selon laquelle « le pénal tient le civil en l’état », la condamnation pénale définitive de l’auteur de l’infraction permet nécessairement d’établir le fait que la victime a subi les conséquences de faits volontaires ou non présentant la matérialité d’une infraction[15].

Par la suite et dans l’hypothèse où la victime aurait saisi la CIVI préalablement au procès pénal et lorsque la juridiction statuant sur les intérêts civils accorde par la suite des dommages-intérêts d’un montant supérieur à l’indemnité accordée par la commission ; la victime serait alors en droit de saisir à nouveau la commission d’une demande d’indemnisation complémentaire dans le délai d’un an après que la décision statuant sur lesdits dommages-intérêts soit devenue définitive[16].

En cas de saisine de la commission alors que des poursuites sont engagées et/ou si la victime se constitue partie civile ou engage une action civile afin de solliciter la réparation de ses préjudices auprès de l’auteur de l’infraction ; elle devra informer la juridiction de jugement de la saisine de la commission et informer si une indemnité lui a été accordée[17]. À défaut, la nullité du jugement accordant des dommages et intérêts à la victime pourra être demandée dans un délai de deux après que celui-ci soit devenu définitif[18].

En revanche, pour pouvoir bénéficier de son indemnisation, la victime devra démontrer remplir toutes les conditions lui permettant de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions.

 

            1/ Les conditions de saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions

 

Il ne suffit pas pour la personne victime de démontrer avoir été victime de faits présentant le caractère matériel d’une infraction pour pouvoir solliciter son indemnisation auprès de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions.

 

  1. Les conditions textuelles

 

En effet, pour pouvoir saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions, l’article 706-3 du code de procédure pénale prévoit que la victime doit démontrer remplir plusieurs conditions cumulatives :

 

1. Être de nationalité française ou, à défaut, que les faits aient été commis sur le territoire national : Il en découle que la victime de nationalité française peut saisir la commission d’une demande d’indemnisation que les faits aient été commis sur le territoire national ou à l’étranger[19]. La commission n'aura pas besoin de se référer au droit étranger. Par contre, pour la victime de nationalité étrangère, celle-ci sera en droit de saisir la CIVI si les faits se sont produits sur le territoire national.

 

2. Que les faits ont occasionnés la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ou être victime d’une des infractions listées à l’article : Cette condition implique que seules les victimes d’atteintes corporelles graves ou d’infractions graves par leur nature sont en droit de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions sur ce fondement.

Tout d’abord, il résulte de cette condition que la saisine de la CIVI est possible lorsque les faits ont entraîné la mort de la victime directe. Cela signifie que cette juridiction peut être lors être également saisie par les ayants-droits en leur qualité de victime indirecte en réparation notamment de leurs préjudices personnels.

Ensuite, en ce qui concerne les victimes vivantes et blessées, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions peut être saisie uniquement si la victime démontre l’existence d’une incapacité permanente ou d’une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois. Il en résulte que la possibilité de saisir la juridiction sur ce fondement reste réservée aux victimes d’atteintes corporelles les plus graves. La victime peut démontrer l’existence d’une incapacité permanente via, par exemple, un rapport résultant d’une expertise qui aurait été ordonnée par la juridiction répressive et qui aurait retenu une telle incapacité. À défaut, la victime devrait démontrer l’existence d’une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois. Il s’agit d’une incapacité totale de travail telle que fixée par le médecin légiste et/ou expert. Les simples arrêts de travail ne sauraient suffire.

Toutefois, la victime est dispensée de démontrer cette condition si les faits dont elle est victime présente le caractère matériel d’une des infractions visées aux articles « 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2, et 227-25 à 227-27 du code pénal »[20]. Il s’agit principalement des faits de viols et d’agressions sexuelles, d’esclavage, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de travail forcé et d’atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans. Autrement dit, les victimes de ces infractions pourront obtenir leur indemnisation même dans l’hypothèse où elles n’auraient pas subi incapacité permanente ou une incapacité égale ou supérieure à un mois.

Pour résumer, en ce qui concerne les victimes blessées, celles-ci devront donc démontrer soit l’existence d’une incapacité permanente ou d’une incapacité totale de travail supérieure à un mois imputable aux faits ; soit être victime d’une des infractions précitées. Dans cette seconde hypothèse, les victimes sont dispensées de démontrer l’existence de l’une de ces incapacités. La saisine de la commission par les victimes de tels faits est alors de droit dès lors qu’elles remplissent les autres conditions prévues à l’article.

Il en découle que toutes les victimes de faits n’emportant pas d’atteintes corporelles entrainant une incapacité permanente ou n’entrainant pas d’incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois et qui ne sont pas victimes des infractions précédemment citées ne peuvent dès lors pas obtenir leur réparation auprès de la CIVI sur ce fondement. Sont ainsi exclues les atteintes aux biens et les atteintes corporelles ‘légères’. Dans ces hypothèses, les victimes pourront parfois tout de même solliciter leur indemnisation auprès de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions dans les conditions prévues à l’article 706-14 du code de procédure pénale (voir infra - B).

 

3. Que ces atteintes n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 53 de la loi de finance de la sécurité sociale pour 2001, ni de l’article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation et n’ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts : Il en découle que sont ainsi exclus de l’application de ce texte tous les régimes bénéficiant déjà du recours possible au Fonds de Garantie de manière indépendante (exemples : amiante, terrorisme) ou bénéficiant d’un régime d’assurance obligatoire (accident de la circulation, accident de chasse ou dégât de gibier)[21]. Tous les accidents n’entrant de le champ d’application de ces régimes pourraient permettre à leur victime de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions dès lors que ledit accident présente le caractère matériel d’une infraction (exemples : homicide ou blessures involontaires). De la sorte, les victimes françaises d’un accident de la circulation survenu à l’étranger restent recevables à saisir la CIVI dans la mesure où un tel accident peut présenter le caractère matériel d’une infraction et n’entre pas dans le champ d’application de la loi du 5 juillet 1985.

 

  1. La condition temporelle

 

1. Pour être recevable, la victime replissant l’ensemble des conditions textuelles fixées par l’article 706-3 du code de procédure pénale doit saisir la commission, à peine de forclusions, dans un délai de 3 ans à compter de la date de l’infraction[22]. Si des poursuites pénales sont engagées, ce délai est prorogé jusqu’à un an suivant « la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l’action publique ou sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive »[23].

Autrement dit, la victime peut saisir la commission d’indemnisation à tout moment et au plus tard 3 ans après le jour de l’infraction ou 1 an après la décision ayant définitivement statué sur l’action publique ou sur l’action civile. La forclusion est acquise 1 an après la date de la décision de la juridiction ayant définitivement statué sur l’action publique ou civile et non à compter du jour où cette décision devient définitive[24], sous réserve que l’avis prévu par l’article 706-15 du code de procédure pénale ait été valablement donné par la juridiction de jugement.

 

2. Toutefois, il est possible pour la commission de relever la forclusion acquise pour plusieurs motifs[25] :

  • Lorsque l’avis prévu donné à l’article 706-15 du code de procédure pénale n’a pas été donné : En effet l’article 706-15 du code de procédure pénale dispose que la juridiction accordant des dommages et intérêts à la victime doit informer celle-ci de son droit de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions ou d’une demande d’aide au recouvrement[26]. L’avis erroné ne permet pas de faire courir le délai de forclusion à l’égard de la victime[27]. Cette hypothèse reste néanmoins marginale en ce que cet avis est quasi-systématiquement donné oralement par les juridictions de jugement lors de la condamnation lorsque la victime est présente et que cet avis figure de manière quasi-systématique dans les jugements accordant des dommages et intérêts aux victimes.
  • Lorsque la victime a été dans l’impossibilité de faire valoir ses droits dans les délais prévus : Il peut ainsi s’agir de l’hypothèse où les blessures de la victime sont d’une telle gravité qu’elle n’a pas pu faire valoir ses droits dans les délais fixés par le texte de loi.
  • Lorsque la victime subit une aggravation de ses préjudices : En effet, lorsque la victime connait une aggravation de ses préjudices, celle-ci ne bénéficie pas d’un nouveau délai afin de saisir la CIVI d’une demande d’indemnisation complémentaire. Dans cette hypothèse, la victime doit solliciter un relevé de la forclusion à la commission sur le fondement de cet article 706-5 du code de procédure pénale[28]. Bien évidemment, seules les aggravations directement imputables aux faits peuvent faire l’objet d’un relevé de forclusion. La commission est tenue de relever cette forclusion dès lors que la victime a subi une aggravation des préjudices directement imputable aux faits[29]. Il a également été jugé que le relevé de forclusion au profit de la victime en raison de l’aggravation des préjudices concerne l’ensemble des préjudices découlant des faits objet de la procédure. Autrement dit, la victime est en droit de solliciter l’ensemble de son indemnisation, y compris celle de ses préjudices initiaux, peu importe que le délai de forclusion ait expiré sans qu’elle ne saisisse le fond à cette fin[30].
  • Ou pour « tout autre motif légitime » : Enfin, le texte laisse à la CIVI un véritable pouvoir d’appréciation en la matière. Elle peut ainsi relever la forclusion pour « tout autre motif » considéré comme légitime par cette dernière. Il appartient alors à la victime de démontrer l’existence d’un motif légitime permettant le relevé de cette forclusion qui reste à l’appréciation souveraine de la juridiction.

 

2/ L’étendue de l’indemnisation

 

L’intérêt majeur pour la victime qui remplit l’ensemble des conditions pour pouvoir saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions sur le fondement de l’article 706-3 du code de procédure pénale, c’est qu’elle pourra obtenir « la réparation intégrale » des dommages à sa personne qui résultent des faits. Elle se verra dès lors indemniser de l’ensemble de ses préjudices qu’ils soient patrimoniaux ou extrapatrimoniaux.

La CIVI, en tant que juridiction autonome se devra d’indemniser l’entier préjudice de la victime en application des règles applicables dans le droit commun de la réparation des préjudices. Autrement dit, la commission évaluera intégralement l’indemnisation des préjudices qui lui sont soumis. Ainsi, cela signifie que la CIVI n’est pas tenue par l’éventuelle évaluation des préjudices éventuellement faite par la juridiction répressive ayant indemnisé la victime dans le temps du procès pénal. De la même manière, la CIVI ne saurait se contenter de se référer à l’évaluation faite par la juridiction de jugement. Ainsi, même si les deux juridictions seront guidées par le même principe qu’est la réparation de l’entier préjudice de la victime[31], la commission devra effectuer sa propre évaluation des réparations allouées en réparation des préjudices subis par la victime. La commission n’est pas tenue par les préjudices retenus ou non par la juridiction répressive et de leur évaluation.

Toutefois, en application de l’article 706-3 du code de procédure pénale, la commission doit seulement indemniser les « dommages qui résultent des atteintes à la personne » qui résulte des faits[32]. Cela exclut dès lors l’indemnisation de l’ensemble des sommes potentiellement exposées par la victime mais ne réparant pas des dommages résultant des atteintes à sa personne ; tels que, par exemple, les frais d’expertise ordonnée par la juridiction répressive[33] ou encore les frais irrépétibles[34] accordés par la juridiction répressive[35]. En revanche, la victime pourra solliciter la condamnation du Fonds de Garantie au paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles qu’elle aura engagés pour la procédure devant la CIVI en application de l’article 700 du code de procédure civile[36].

 

            3/ La procédure devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions

 

1. Une fois toutes les conditions remplies, la victime pourra alors saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions d’une demande d’indemnisation accompagnée des pièces justificatives nécessaires[37].

La victime peut saisir la commission de son choix entre celle dans le ressort duquel demeure son domicile ou celle dans le ressort dans lequel la juridiction a été saisie pour juger de l’infraction. À défaut de compétence particulière, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction près du Tribunal Judiciaire de Paris est compétente[38].

En cas de pluralité de victimes d’une même infraction, la commission saisie par l’une d’entre-elle est compétente pour statuer sur les demandes des autres quel que soit leur lieu de résidence[39]. Elle peut alors être saisie par n’importe quelle victime de ladite infraction. S’agissant d’une simple faculté, rien n’empêche aux victimes d’une même infraction de saisir plusieurs commissions d’indemnisations, et notamment celle de leur lieu de domicile.

Une fois déposée, le greffe de la commission transmet immédiatement la demande au Fonds de Garantie[40]. Dans les deux mois qui suivent la réception de la demande par le Fonds, celui-ci doit présenter à la victime une offre d’indemnisation ou un refus motivé[41]. L’absence de réponse de la victime deux mois après la proposition indemnitaire du Fonds s’analyse comme un refus par celle-ci[42]. Dans l’hypothèse de l’acceptation de l’offre indemnitaire par la victime, le Fonds de Garantie saisit alors le Président de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions d’une requête en homologation du constat d’accord signé entre les parties. En cas d’accord de l’homologation, le Président appose la formule exécutoire sur le constat et le notifie aux parties[43]. En cas de refus motivé par le Fonds de Garantie ou de refus de l’offre indemnitaire par la victime, l’instruction de l’affaire reprendra son cours devant la commission[44].

Durant le temps de la procédure, la commission ou son président peuvent procéder ou faire procéder à toutes auditions ou investigations qui leur semblent utiles[45]. Ainsi, elle peut se faire remettre tout document, y compris la copie de la procédure pénale et ce même en l’absence de décision pénale définitive. Elle peut aussi ordonner des expertises, notamment médicales, visant à évaluer les préjudices de la personne victime.

De la même manière, durant le temps de la procédure le président de la commission peut accorder des provisions, à savoir des avances sur l’indemnisation définitive de la victime[46]. Le président dispose d’un délai d’un mois à compter du jour de la demande pour statuer. Pour accorder une telle avance, le président de la commission devra classiquement s’assurer que le droit à indemnisation n’est pas sérieusement contestable[47].

 

2. Une fois l’indemnisation accordée, le Fonds de Garantie est subrogé dans les droits de la victime et peut engager tous les recours nécessaires afin de récupérer le remboursement de l’indemnité ou de la provision auprès de l’auteur de l’infraction[48]. Le cas échéant, le Fonds de Garantie peut aussi se constituer partie civile devant la juridiction de jugement, y compris pour la première fois en cause d’appel[49].

 

Conclusion : Il résulte de l’ensemble de ces éléments que si la saisine de la CIVI sur le fondement des articles 706-3 du code de procédure pénale reste la voie la plus satisfaisante pour la victime et la seule afin qu’elle puisse obtenir de manière certaine son indemnisation intégrale, il n’en demeure pas moins que cette commission ne peut être saisie que de manière limitative et que dans les hypothèses où l’ensemble des conditions sont remplies.

La victime n’entrant pas dans le champ d’application de ces articles pourra néanmoins tenter d’obtenir une indemnisation, limitée, de ses préjudices si elle répond aux conditions fixées par les articles 706-14 ou 706-14-1 du code de procédure pénale.

À côté de ce régime d’indemnisation intégrale des préjudices corporels les plus graves par la solidarité nationale, le législateur a en effet prévu deux régimes particuliers destinés à l’indemnisation des personnes les plus modestes (B) et pour les victimes de destruction de leur véhicule par incendie (C).

 

  1. LA REPARATION DES ATTEINTES AUX BIENS OU D’ATTEINTES CORPORELLES LEGERES

 

1. L’alinéa 1er de l’article 706-14 du code de procédure pénale prévoit que « Toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 (3° et dernier alinéa) à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille ».

Il en découle, que toute personne victime d’une infraction dite aux biens (vol, escroquerie, abus de confiance, extorsion, destruction ou dégradation) peut saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour solliciter son indemnisation. Cependant, elle devra démontrer répondre à l’ensemble des conditions prévues par ce texte.

En effet, la liste des infractions pour lesquelles le recours à ce mécanisme d’indemnisation est possible est limitative[50]. Autrement dit, il n’est pas possible pour la victime de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions d’une demande d’indemnisation pour d’autres infractions aux biens que celles prévues par le texte. À titre d’exemple, il n’est dès lors pas possible de saisir la commission pour la victime de faits de falsification ou d’usage de chèque falsifié[51], de bris de glace[52] ou encore d’abus de faiblesse[53]. De la sorte, la commission à l’obligation de qualifier les faits[54], étant précisé que la qualification pénale donnée par le juge répressif s’impose à la commission[55]. Par conséquent, la commission ne peut pas modifier la qualification pénale donnée aux faits par la juridiction de jugement.

En revanche, pour pouvoir bénéficier de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale, la victime devra cependant prouver qu’elle n’a pas pu obtenir de réparation effective et suffisante de son préjudice (par exemple par son assurance), qu’elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique grave et lorsque ses ressources ne dépassent pas le plafond de l’aide juridictionnelle. Les ressources s’entendent de l’ensemble des ressources de la personne victime même si celle-ci vit au domicile d’une personne dépassant le plafond[56]. Les charges de famille sont prises en compte dans la détermination du montant de ces ressources[57].

 

2. En outre, aux termes du 3ème et dernier alinéa de l’article 706-14 du code de procédure pénale, les victimes d’atteintes corporelles ne remplissant pas les conditions fixées par l’article 706-3 du même code pourront également saisir la commission si elles remplissent les conditions précitées (absence d’indemnisation effective, situation matérielle ou psychologique grave et la condition de ressources).

Cela signifie que la personne victime d’une atteinte corporelle ‘légère’ n’ayant pas entrainé d’incapacité permanente ou d’incapacité totale de travail supérieure à un mois et n’entrant pas dans le champ d’application des infractions visées à l’article 706-3 du code de procédure pénale pourra éventuellement faire l’objet d’une indemnisation sur le fondement de l’article 706-14 du code de procédure pénale ; à la condition pour la victime de remplir les conditions prévues par cet article.

 

3. Toutefois, les victimes saisissant la commission sur ce fondement ne pourront bénéficier que d’une indemnisation limitée. Elles pourront bénéficier d’une indemnisation maximale correspondant à trois fois le plafond mensuel de ressources prévue par l’aide juridictionnelle[58], à savoir la somme de 4.601 € pour l’année 2023.

Ainsi, la victime pourra bénéficier de son indemnisation intégrale pour les préjudices en deçà de ce montant mais cette indemnisation sera limitée à cette somme pour les préjudices au-delà. Autrement dit, la victime ne bénéficiera potentiellement pas son indemnisation intégrale.

 

  1. LE CAS PARTICULIER DE L’INCENDIE DE VEHICULE

 

Enfin, l’article 3 de la loi n°2008-644 du 1er juillet 2008 est venu créer un véritable mécanisme d’indemnisation autonome par la solidarité nationale pour les personnes victimes de l’incendie de leur véhicule. Véritable fléau lors de certains évènements, le législateur a voulu protéger spécifiquement les victimes de ce genre d’actes.

Ainsi, le législateur a créé un mécanisme d’indemnisation par la solidarité nationale pour « toute personne victime de la destruction par incendie d’un véhicule terrestre à moteur lui appartenant »[59].

La victime de tels faits pourra alors saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infraction sans avoir besoin de justifier de la condition restrictive qu’elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique grave prévue à l’article précédent (voir supra). Toutefois, pour pouvoir bénéficier de son indemnisation, la victime devra justifier qu’au moment des faits elle avait satisfait aux exigences législatives relatives au certificat d’immatriculation, au contrôle technique et à l’assurance obligatoire. Autrement dit, la victime devra justifier être à jour concernant le certificat d’immatriculation, le contrôle technique et l’assurance, au jour des faits. À défaut, l’indemnisation de la victime serait rejetée par la commission. De surcroit, la victime devra démontrer que ses ressources ne dépassent pas 1 fois et demi le plafond de l’aide juridictionnelle.

Par renvoi à l’article précédent, la victime pourra là-encore ne recevoir qu’une indemnisation ne dépassant pas trois fois le montant du plafond mensuel de l’aide juridictionnelle (4.601 € en 2023). Bien entendu, cette somme est totalement dérisoire pour la destruction d’un véhicule automobile.

 

Conclusion : Ainsi, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions ne peut être saisie par les victimes d’infractions pénales que de manière limitative et uniquement si elles remplissent tous les critères visés par les dispositions législatives et règlementaires ci-dessus exposées.

À défaut, la victime devra passer par les modalités classiques d’exécution forcée de la décision pénale définitive accordant des dommages et intérêts. Toutefois, la personne victime d’une infraction pénale ayant obtenu des indemnisations en réparation des préjudices découlant de l’infraction sera toujours en droit de solliciter l’aide au recouvrement de ces sommes auprès du Fonds de Garantie.

 

            II/ L’AIDE AU RECOUVREMENT

 

1. La deuxième grande mission du Fonds de Garantie en ce qui concerne les victimes d’infractions pénales, consiste dans l’aide au recouvrement des sommes accordées par les juridictions de jugements.

Pour toutes les victimes ne rentrant pas dans les critères leur permettant de bénéficier de leur indemnisation par le Fonds de Garantie via la saisine de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction, il leur est dorénavant possible de recourir à l’aide au recouvrement via la saisine du Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions (SARVI).

En effet, l’alinéa 1er de l’article 706-15-1 du code de procédure pénale dispose ainsi que « Toute personne physique qui, s'étant constituée partie civile, a bénéficié d'une décision définitive lui accordant des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait d'une infraction pénale, mais qui ne peut pas obtenir une indemnisation en application des articles 706-3 ou 706-14, peut solliciter une aide au recouvrement de ces dommages et intérêts ainsi que des sommes allouées en application des articles 375 ou 475-1 ».

Contrairement aux dispositions préalablement développées, le Fonds de Garantie n’a pas vocation à intervenir pour indemniser la victime à la place de l’auteur mais uniquement pour aider la victime au recouvrement des dommages et intérêts qui lui ont été accordés par la juridiction de jugement. Le Fonds de Garantie n’a dès lors plus vocation à se substituer à la personne condamnée dans le paiement des condamnations mais va se substituer à la victime pour recouvrer les sommes qui lui sont dues. Autrement dit, le Fonds de Garantie va faire procéder à l’exécution forcée de la décision de condamnation et reverser les sommes à la victime. Cette fois-ci, le Fonds de Garantie va récupérer les sommes auprès de la personne condamnée et les reverser par la suite à la victime, et non l’inverse. La victime reste dès lors dépendante de la possibilité ou non pour le Fonds de Garantie de recouvrer les sommes dues au titre de la décision accordant les dommages et intérêts.

Toutefois, dans ce mécanisme la victime va pouvoir bénéficier de l’ensemble de son indemnisation ou d’une avance, à savoir une provision, sur les condamnations. En effet, et dans les deux mois de la réception de la demande d’aide au recouvrement, le Fonds de Garantie doit verser à la victime une provision correspondant à 30 % des sommes allouées en réparation des préjudices et des sommes accordées sur le fondement des articles 375 ou 475-1 du code de procédure pénale (frais d’avocat ou de procédure) par la juridiction de jugement. Cette avance ne peut être inférieure à 1.000 € et supérieure à 3.000 €[60]. Dans la mesure où il s’agit d’une aide au recouvrement, la victime est également en droit de solliciter le SARVI concernant les sommes accordées au titre des article 375 et 475-1 du code de procédure pénale (frais d’avocat et de procédure)[61]. Il sera rappelé que la victime ne peut pas solliciter le paiement de ces sommes devant la CIVI (voir supra). Par conséquent, si les sommes accordées par la juridiction de jugement sont inférieures à la somme totale de 1.000 €, la victime obtiendra nécessairement l’intégralité de son indemnisation. Au-delà, elle se verra attribuer une provision correspondant à 30% des sommes accordées sans pouvoir être inférieure à 1.000 € et supérieure à 3.000 €. La victime obtiendra dès lors l’intégralité de son indemnisation pour les indemnisations allant jusqu’à 3.334 € (30 % = 1.000 €). Au-delà, la victime recevra nécessairement une provision ne couvrant pas l’intégralité des sommes qui lui ont été accordées.

Par la suite, le Fonds de Garantie sera subrogé dans les droits de la victime[62] et pourra engager toutes les voies de droit utiles afin de récupérer les sommes versées auprès de l’auteur de l’infraction[63]. Les condamnations pourront être majorées[64] de 30 à 70%[65] au titre des frais de gestion. Le Fonds de Garantie pourra également repérer les sommes qu’il a exposées pour procéder à l’exécution de la décision[66].

Les sommes recouvrées par le Fonds de Garantie viendront alors en priorité rembourser ledit Fonds des indemnités et provisions que celui-ci a versé à la victime dans les deux mois du dépôt de la demande[67]. Autrement dit, cela signifie que dans l’hypothèse où l’intégralité des sommes n’ont pas été versées à la victime par le Fonds de Garantie au titre de la provision (indemnisation supérieure à 3.334 €), la victime n’obtiendra le paiement du complément de son indemnisation qu’après que le Fonds de Garantie se soit remboursé auprès de l’auteur de l’infraction du montant de ladite provision payée. Le paiement de ce complément dépend dès lors des capacités de paiement de l’auteur et la victime se retrouve alors de nouveau confrontée à son éventuelle insolvabilité.

 

2. Toutefois, et pour bénéficier de ce Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions, la demande doit être recevable.

Ainsi, la demande d’aide au recouvrement de la victime doit être déposée auprès du Fonds de Garantie dans les 2 mois suivants la décision de condamnation définitive et dans le délai maximal d’un an après celle-ci et en l’absence d’indemnisation de la part de l’auteur de l’infraction[68]. La victime n’est dès lors pas recevable à saisir le Fonds de Garantie d’une telle demande dans les deux mois suivant la décision définitive de condamnation et n’est plus recevable à le faire après le délai d’un an.

La victime devra, dans la mesure du possible, donner tous les éléments utiles permettant l’identification de la personne condamnée afin de permettre au Fonds de Garantie d’effectuer son action récursoire.

 

3. L’exigence posée par le texte concernant l’existence d’une décision définitive peut conduire à plusieurs difficultés.

Premièrement, la victime va devoir attendre que la décision de condamnation devienne définitive, c’est-à-dire qu’aucun recours ne soient plus possibles à l’égard de ladite décision (opposition/appel/pourvoi en cassation). La victime devra donc attendre la fin des délais de recours pour pouvoir, deux mois plus tard, saisir le Fonds de Garantie d’une demande d’aide au recouvrement. Ainsi, si un recours est effectué sur la décision par l’auteur des faits, cela bloquera la possibilité pour la victime de saisir le Fonds de cette demande d’aide.

Deuxièmement, la victime se trouve tributaire de la présence ou de la représentation ou non de l’auteur à l’audience. En effet, la décision deviendra définitive à des moments différents en fonction du fait que le jugement ou que l’arrêt soit contradictoire, contradictoire à signifier ou par défaut. Pour ne prendre que l’exemple des jugements correctionnels en première instance, si le prévenu comparait à l’audience ou est représenté valablement à l’audience, le jugement est contradictoire[69]. Dans cette hypothèse, les parties disposeront d’un délai de 10 jours à compter du jour où le jugement sera rendu pour interjeter appel[70]. Le Procureur Général dispose quant à lui d’un délai de 20 jours pour interjeter appel[71]. Le jugement deviendra dès lors définitif seulement une fois que ces délais seront écoulés et à défaut d’appel de l’une des parties. Toutefois, si le prévenu est valablement cité mais n’est ni présent, ni valablement représenté à l’audience, le jugement est considéré comme étant contradictoire à signifier[72]. Dans cette hypothèse, le délai d’appel de 10 jours pour le prévenu ne commencera à courir qu’à compter du jour où le jugement sera effectivement porté à la connaissance de la personne condamnée (signifié à sa personne) par le Procureur de la République[73]. La victime peut aussi faire procéder, à ses frais, à la signification de la décision par un commissaire de justice. Enfin, si le prévenu n’est pas cité valablement et n’est ni présent, ni représenté à l’audience, dans ce cas, le jugement est rendu par défaut[74]. Dans cette hypothèse, la personne condamnée pourra interjeter appel ou former une opposition[75] au jugement dans un délai de 10 jours suivant la signification de ladite décision à sa personne.

Bien évidemment, ces règles ont une incidence non-négligeable pour la victime en ce qu’elles repoussent le caractère définitif de la décision et donc la possibilité pour celle-ci de saisir le Fonds d’une demande d’aide au recouvrement. De la même manière, ces règles peuvent présenter une difficulté majeure pour la victime lorsque l’adresse de l’auteur reste inconnue et que la signification de la décision s’avère impossible. La victime restera dès lors dépendante d’une éventuelle possible nouvelle interpellation de l’auteur ; ce qui permettrait alors au Procureur de la République de notifier le jugement à la personne condamnée. Parfois, il est impossible de procéder à la signification du jugement de condamnation laissant la victime dans l’impossibilité de saisir le Fonds de Garantie d’une demande d’aide au recouvrement.

De la même manière, et hormis ce premier délai de deux mois à respecter, la demande d’aide au recouvrement de la victime doit également intervenir au plus tard un an après que la décision statuant sur l’indemnisation et les sommes annexes soit devenue définitive[76]. À défaut, la demande de la victime est forclose et donc irrecevable.

La victime peut toutefois demander au Fonds de Garantie de relever cette forclusion[77]. En cas de refus du Fonds, la victime peut contester cette décision dans le mois suivant en saisissant sur requête le Président du Tribunal Judiciaire dont elle dépend, d’une demande de levée de ladite forclusion. Tout comme en ce qui concerne la demande de relevé de forclusion devant la CIVI, la forclusion pourra être relevée par le Fonds de Garantie ou le Président du Tribunal Judiciaire pour tout motif légitime.

Bien évidemment, ce délai et cette forclusion peuvent avoir des conséquences dramatiques pour la victime, et ce notamment lorsque les jugements ne sont pas rendus de manière contradictoire. Encore une fois, ce délai commence à courir à compter du jour où la décision devient définitive ; ce qui peut être ignoré de la victime lorsque la décision est notifiée, par exemple, par le Procureur de la République aux détours d’une nouvelle interpellation de la personne condamnée. Dans cette hypothèse, la victime peut passer le délai et serait alors forclose à saisir le Fonds de Garantie d’une demande d’aide au recouvrement. Elle devrait alors solliciter un relevé de la forclusion du fait de l’ignorance de la notification de la décision à la personne condamnée.

 

4. Enfin, pour être recevable, la victime ne devra pas avoir saisi parallèlement la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions[78].

Toutefois, si la demande de la victime devait être déclarée irrecevable par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions, elle pourrait alors saisir le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions dans le délai d’un an après cette décision de la commission[79].

 

Conclusion : Pour conclure, le recouvrement de l’indemnisation accordée à la victime par la juridiction du jugement peut s’avérer parfois particulièrement difficile et relever à bien des égards du parcours du combattant. Parfois, face aux obstacles, les victimes se retrouvent dans l’impossibilité de recouvrir leur indemnisation, voire abandonnent leur droit, créant ainsi un véritable sentiment d’injustice pour ne pas parler d’une véritable victimisation secondaire.

C’est pourquoi, il est fondamental pour toutes les victimes d’être accompagnées tout au long du processus judiciaire par un professionnel du droit maîtrisant l’ensemble des procédures d’indemnisation et de recouvrements des indemnisations. Seul un tel professionnel pourra effectuer la procédure la plus adaptée afin de maximaliser les chances de succès et donc l’indemnisation de la victime.

 


[1] Loi n°90-589 du 6 juillet 1990 modifiant le code de procédure pénale et le code des assurances et relative aux victimes d'infractions

[2] Un Fonds de Garantie des Victimes des Actes Terrorismes (FGVAT) existait déjà depuis une loi du 9 septembre 1986. La loi du 6 juillet 1990 est venue étendre les missions du Fonds de Garantie aux victimes d’infractions de droit commun.

[3] Loi n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines, dite loi DATI II

[4] Article L. 214-1 alinéa 1er du code de l’organisation judiciaire

[5] Article L. 214-2 et R. 214-1 du code de l’organisation judiciaire

[6] Article L. 214-1 du code de l’organisation judiciaire

[7] Article 538 du code de procédure civile

[8] 2ème chambre civile, 11 février 1998, pourvoi n°95-20.382 ; 2ème chambre civile, 5 avril 2007, pourvoi n°06-11.933

[9] 2ème chambre civile, 1er juillet 1992, pourvoi n°91-12.662

[10] 2ème chambre civile, 7 octobre 1992, pourvoi n°91-20.881

[11] 2ème chambre civile, 20 avril 2000, pourvoi n°98-17.579

[12] 2ème chambre civile, 11 juillet 1988, pourvoi n° 87-15.061

[13] Article 706-3 alinéa 1er du code de procédure pénale & article 706-7 alinéa 1er du code de procédure pénale

[14] Article 706-7 du code de procédure pénale

[15] 2ème chambre civile, 17 décembre 1998, pourvoi n°96-22.614 ; 2ème chambre civile, 17 janvier 2019, pourvoi n°18-10.350

[16] Article 706-8 du code de procédure pénale

[17] Article 706-12 alinéa 1er du code de procédure pénale

[18] Article 706-12 alinéa 2 du code de procédure pénale

[19] 2ème chambre civile, 3 juin 2004, pourvoi n°02-12.989 ; 2ème chambre civile, 25 janv. 2007, pourvoi n°06-10.514

[20] Article 706-3 du code de procédure pénale ;

[21] Le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoire de dommages (FGAO) intervient notamment lorsque l’auteur d’un dommage qui devait être couvert par une assurance obligatoire ne l’était pas – Article L. 421-1 du code des assurances ;

[22] Article 706-5 du code de procédure pénale

[23] Idem

[24] 2ème chambre civile, 17 janvier 2008, pourvoi n°06.20-953 : « le point de départ du délai de forclusion n'étant pas la date de consolidation des blessures mais celle de l'infraction ou celle de la juridiction ayant statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant les juridictions répressives » ; 2ème chambre civile, 11 juin 1998, pourvoi n°96-10.292 : « Attendu que lorsque des poursuites pénales sont engagées, le délai pour présenter une demande d'indemnité n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive ».

[25] Article 706-5 du code de procédure pénale

[26] Article 706-15 du code de procédure pénale : « Lorsqu'une juridiction condamne l'auteur d'une infraction mentionnée aux articles 706-3 et 706-14 à verser des dommages-intérêts à la partie civile, elle informe cette dernière de la possibilité de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction ».

[27] 2ème chambre civile, 29 mars 2018, pourvoi n°17-14.980 : Exemple d’une mention erronée quant au point de départ du délai de forclusion

[28] 2ème chambre civile, 30 juin 2016, pourvoi n°15-21.360

[29] 2ème chambre civile, 30 juin 2016, pourvoi n°15-21.360

[30] 2ème chambre civile, 28 juin 2012

[31] « Tout le préjudice et rien que le préjudice »

[32] 2ème chambre civile, 22 avril 1992, pourvoi n°91-21.306 ; 2ème chambre civile, 18 juin 1997, pourvoi n°95-11.192

[33] 2ème chambre civile, 9 juin 2016, pourvoi n°15-20.456

[34] Sommes accordées au titre de l’article 375 ou 475-1 du code de procédure pénale

[35] 2ème chambre civile, 1er juillet 1992, pourvoi n°91-13.702

[36] 2ème chambre civile, 5 janvier 1994, pourvoi n°92-12.264

[37] Article 705-5-1 alinéa 1er du code de procédure pénale

[38] Article R. 214-6 du code de l’organisation judiciaire

[39] Article R. 214-6 in fine du code de l’organisation judiciaire

[40] Article 706-5-1 et R.50-12 du code de procédure pénale

[41] Article 706-5-1 alinéa 2 du code de procédure pénale

[42] Article R.50-12-2 du code de procédure pénale

[43] Article R.50-12-2 du code de procédure pénale

[44] Article 706-5-1 du code de procédure pénale

[45] Article 706-6 alinéa 1er du code de procédure pénale

[46] Article 706-6 in fine du code de procédure pénale

[47] 2ème chambre civile, 20 juillet 1993, pourvoi n°91-20.883 ; 2ème chambre civile, 13 décembre 2001, pourvoi n°00-12.105

[48] Article 706-11 du code de procédure pénale

[49] Article 706-11 alinéa 2 du code de procédure pénale

[50] 2ème chambre civile, 30 novembre 1988, pourvoi n°87-13.772 ; 2ème chambre civile, 29 janvier 1992, pourvoi n°90-14.609

[51] 2ème chambre civile, 30 novembre 1988, pourvoi n°87-13.772

[52] 2ème chambre civile, 3 mai 1990, pourvoi n°88-12.099

[53] 2ème chambre civile, 6 juin 2002, pourvoi n°00-21.219 ; 2ème chambre civile, 26 septembre 2002, pourvoi n°01-02.767

[54] 2ème chambre civile, 8 décembre 1993, pourvoi n°92-16.478

[55] 2ème chambre civile, 29 janvier 1992, pourvoi n°89-20.997

[56] 2ème chambre civile, 15 mars 2001, pourvoi n°99-17.007

[57] 2ème chambre civile, 10 octobre 2022, pourvoi n°01-12.253

[58] Article 706-14 du code de procédure pénale

[59] Article 706-14-1 du code de procédure pénale

[60] Article L.422-7 du code des assurances

[61] Article 706-15-1 alinéa 1er du code de procédure pénale : « Toute personne physique qui, s'étant constituée partie civile, a bénéficié d'une décision définitive lui accordant des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait d'une infraction pénale, mais qui ne peut pas obtenir une indemnisation en application des articles 706-3 ou 706-14, peut solliciter une aide au recouvrement de ces dommages et intérêts ainsi que des sommes allouées en application des articles 375 ou 475-1 ».

[62] Article L.422-7 in fine du code des assurances

[63] Article L.422-8 du code des assurances

[64] Article L.422-9 alinéa 1er du code des assurances

[65] Arrêté du 28 novembre 2008 relatif à l'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions assuré par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions

[66] Article L.422-9 alinéa 3 du code des assurances

[67] Article L.422-10 du code des assurances

[68] Article 706-15-2 alinéa 1er du code de procédure pénale

[69] Article 410 du code de procédure pénale

[70] Article 498 du code de procédure pénale

[71] Article 505 du code de procédure pénale

[72] Article 410 du code de procédure pénale

[73] Article 498 du code procédure pénale

[74] Article 412 du code de procédure pénale

[75] Article 489 du code de procédure pénale

[76] Article 706-15-2 alinéa 2 du code de procédure pénale

[77] Idem

[78] Article 706-15-2 du code de procédure pénale ; Cour de Cassation, 2ème Chambre civile, 6 février 2014, pourvoi n°13-11.735

[79] Article 706-5 in fine du code de procédure pénale