La réattribution de points au titulaire du permis de conduire

Par son arrêt n° 395286 du 15 mars 2017, le Conseil d'Etat a combiné les dispositions relatives à la récupération de points par le titulaire du permis de conduire qui ne commet pas d'infraction au code de la route pendant un certain délai, avec le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce.

L’article L. 223-6 du code de la route prévoit en effet plusieurs délais à l’expiration desquels le conducteur peut se voir réattribuer des points perdus sur son permis de conduire.

Il dispose ainsi :

« Si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans le délai de deux ans à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté du nombre maximal de points.

Le délai de deux ans mentionné au premier alinéa est porté à trois ans si l'une des infractions ayant entraîné un retrait de points est un délit ou une contravention de la quatrième ou de la cinquième classe.

Toutefois, en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai de six mois à compter de la date mentionnée au premier alinéa, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points.

Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière qui peut être effectué dans la limite d'une fois par an. Lorsque le titulaire du permis de conduire a commis une infraction ayant donné lieu à un retrait de points égal ou supérieur au quart du nombre maximal de points et qu'il se trouve dans la période du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, il doit se soumettre à cette formation spécifique qui se substitue à l'amende sanctionnant l'infraction.

Sans préjudice de l'application des alinéas précédents du présent article, les points retirés du fait de contraventions des quatre premières classes au présent code sont réattribués au titulaire du permis de conduire à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ou du paiement de l'amende forfaitaire correspondante. »

Par l'arrêt précité du 15 mars 2017, le Conseil d’Etat a statué sur l’application de cette dernière disposition, dont la rédaction à l’époque des faits de l’espèce était légèrement différente (« Sans préjudice de l'application des deux premiers alinéas du présent article, les points retirés du fait de contraventions passibles d'une amende forfaitaire sont réattribués au titulaire du permis de conduire à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ou du paiement de l'amende forfaitaire correspondante. »).

L’affaire concernait une décision du 23 juin 2015 par laquelle le ministre de l’intérieur avait :

  • retiré six points d’un permis de conduire pour une infraction au code de la route commise le 19 décembre 2014,
  • récapitulé onze retraits de points antérieurs ;
  • et informé le titulaire du permis de conduire de la perte de validité de celui-ci pour solde de points nul.

Sur recours de l’intéressé, le tribunal administratif de Caen annula cette décision par jugement du 15 octobre 2015 et enjoignit au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution du capital de points du permis de conduire en tenant compte de l'illégalité du retrait d'un point consécutif à une infraction relevée le 22 janvier 2010 et de la nécessité de réattribuer à l'intéressé, en application du dernier alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route, quatre points retirés à la suite d'une infraction commise le 17 décembre 2002.

Par l’arrêt précité du 15 mars 2017, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi en cassation du ministre de l'intérieur contre ce jugement.

A cet égard, il avait déjà été jugé que le retrait de points du permis de conduire constitue une sanction administrative sur laquelle le juge administratif statue comme juge de plein contentieux (CE, Avis, 9 juillet 2010, n° 336556).

Compte tenu des pouvoirs dont il dispose en cette qualité, il lui appartient ainsi, « le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle la réalité de l'infraction à l'origine du retrait de points a été établie et celle à laquelle il statue ». (cf. CE Ass. 16 février 2009, n° 274000).

Selon l’arrêt du 15 mars 2017, ces principes valent pour la mise en œuvre du dernier alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route prévoyant, dans sa rédaction alors applicable, pour une infraction commise le 17 décembre 2002, que les points retirés du fait de contraventions passibles d'une amende forfaitaire, étaient réattribués au titulaire du permis de conduire à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ou du paiement de l'amende forfaitaire correspondante.

En l’espèce, l’intéressé avait été condamné par jugement du 20 mars 2003 pour avoir, le 17 décembre 2002, omis de marquer l'arrêt devant un feu rouge, contravention de quatrième classe prévue par l'article R. 412-30 du code de la route donnant également lieu de plein droit à la réduction de quatre points du permis de conduire.

L’article 48-1 du code de procédure pénale prévoyait alors : « les contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire sont les suivantes : 1°) Contraventions réprimées par le code de la route punies uniquement d'une peine d'amende, à l'exclusion de toute peine complémentaire, qu'elles entraînent ou non un retrait de points affectés au permis de conduire sous réserve des dispositions de l'article R. 49-8-5 relatives à l'amende forfaitaire minorée ».

Or, à la date du 17 décembre 2002, l'infraction consistant à ne pas marquer l'arrêt devant un feu rouge était passible d'une peine complémentaire, à savoir la possibilité d’une suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, prévue par l’article R. 412-30 du code de la route.

Par suite, les points retirés du fait de la commission, à cette date, d'une telle infraction n'étaient pas réattribués à l'expiration du délai de dix ans prévu par les dispositions de l'article L. 223-6 du code de la route.

Cependant, l'article R. 48-1 du code de procédure pénale a été modifié après la commission de de l’infraction en cause.

Dans sa rédaction résultant de l'article 1er du décret du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière et modifiant le code de procédure pénale et le code de la route, il disposait que : « Les contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire sont les suivantes :/ 1° Contraventions réprimées par le code de la route qu'elles entraînent ou non un retrait des points affectés au permis de conduire sous réserve des dispositions de l'article R. 49-8-5 relatives à l'amende forfaitaire minorée (...) ».

Il en résultait que, depuis leur entrée en vigueur, l'infraction de non-respect de l'obligation d'arrêt à un feu rouge est passible de l'amende forfaitaire et que les points retirés à raison de cette infraction sont, désormais, réattribués de plein droit à l'expiration du délai de dix ans prévu par les dispositions de l'article L. 223-6 du code de la route.

Les dispositions combinées de l'article L 223-6 du code de la route et de l'article R 48-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant du décret du 31 mars 2003 devaient ainsi être regardées comme constituant une loi pénale plus douce.

En conclusion, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Caen avait jugé que les quatre points perdus par le requérant du fait de l'infraction de non-respect de l'arrêt à un feu rouge qu'il avait commise le 17 décembre 2002 et qui avait donné lieu à un jugement du tribunal de police de Caen devenu définitif du 20 mars 2003 devaient lui être réattribués le 20 mars 2013.

Le ministre de l’intérieur avait donc eu tort, pour prendre sa décision du 23 juin 2015, de comptabiliser le retrait de ces quatre points, et son pourvoi contre le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 octobre 2015 devait être rejeté.

 


Rémy SCHMITT

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