Par arrêt du 26 octobre 2022 (n° 22-84914), la Chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de forme à satisfaire par le mis en examen pour rendre recevable son appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention l’ayant placé en détention provisoire, auprès du greffier de ce magistrat, dont il avait déjà été jugé qu’il a qualité pour recevoir une telle déclaration d’appel, en tant que « fonctionnaire du tribunal (judiciaire ayant rendu la décision attaquée) » (Crim. 23 octobre 2021, n° 01-81703, publié au Bulletin).

Dans le cadre d’une information judiciaire ouverte des chefs de tentative d'extorsion aggravée, association de malfaiteurs et violences volontaires aggravées, après s’être vu notifier, le 20 juillet 2022, le mandat d’arrêt délivré contre lui le 3 décembre 2021 par un juge d’instruction de Bastia, et avoir été placé sous incarcération provisoire le 22 juillet 2022, un mis en examen a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 26 juillet 2022.

A la rubrique relative à la réception d'une copie de l'ordonnance de placement en détention provisoire, il a apposé la mention manuscrite « je fais appel ».

Son appel, transcrit au greffe du tribunal judiciaire de Bastia le 27 juillet 2022, a été déclaré irrecevable par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia du 3 août 2022 aux motifs que « si la signature du greffier figure sur l'ordonnance de placement en détention provisoire, elle n'a été apposée qu'au titre de l'accomplissement de la formalité de notification et ne peut répondre, dans ces conditions, aux exigences de l'article 502 du code de procédure pénale ».

Le mis en examen s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, et prévalu de la violation des articles 186, 502, 591 et 593 du code de procédure pénale par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia.

L’article 186 de ce code prévoit que l’appel de l’ordonnance de placement en détention provisoire est formé « dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision ».

L’article 502 du même code énonce que « la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ».

Au visa de cette dernière disposition, « dont il résulte (…) que la déclaration d'appel peut être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée », la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia du 3 août 2022, dès lors que « que la mention manuscrite « je fais appel » apposée par (le mis en examen) dans la rubrique relative à la notification de l'ordonnance de placement en détention provisoire, dont le greffier du juge des libertés et de la détention, qui en est également signataire, avait nécessairement pris connaissance, établit sa volonté déclarée à ce dernier, d'interjeter appel de cette ordonnance, nonobstant son refus ultérieur de formaliser sa déclaration d'appel auprès du chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu ».

En conséquence, la Cour de cassation a déclaré recevable l’appel du mis en examen contre l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention le 26 juillet 2022, et ordonné le retour de la procédure à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, autrement composée, saisie dudit appel, qui devrait « se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu au présent article » (article 194 du code de procédure pénale).

L’arrêt du 26 octobre 2022 s’inscrit dans un courant de jurisprudence favorable à l’admission, sans excès de formalisme, de la recevabilité de l’appel de l’ordonnance de placement ou prolongation en détention provisoire (Crim. 27 juillet 2022, n° 22-83091 : apposition par le mis en examen, sur le procès-verbal de débat contradictoire ainsi que sous la mention de réception d'une copie de l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire, de la mention manuscrite « je veu fair appel » ; 27 juillet 2022, n° 22-83245 : apposition par le mis en examen, sur le procès-verbal de débat contradictoire ainsi que sous la mention de réception d'une copie de l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire, de la mention manuscrite « je fais appel » ; cf. Crim. 14 novembre 1996, n° 96-83672, publié au Bulletin : déclaration d'appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire et demande de suspension des effets du mandat de dépôt, constatées par le juge d'instruction, assisté de son greffier, à l'issue du débat contradictoire, par un procès-verbal les constatant et se substituant à la formalité exigée de l'appelant par les articles 502 ou 503 du code de procédure pénale, sans qu’il n'importe même, pour la recevabilité de l'appel, que ce procès-verbal n'ait pas été transcrit, comme il le devrait, sur le registre public prévu par ces articles).

Il convient néanmoins de veiller à ce que l’appel ne soit ainsi formé qu’après ou lors de la notification de l’ordonnance de placement en détention (Crim. 20 septembre 2022, n° 22-84045 : irrecevabilité de l’appel de l’ordonnance de placement en détention par « l'apposition de la mention « je fait appel » sur la dernière page du procès-verbal de débat contradictoire, même signé par le greffier, à un moment où l'ordonnance de placement en détention n'est pas encore notifiée »), et à ce que le document ainsi annoté soit bien signé par le greffier du juge des libertés et de la détention (Crim. 16 mars 2022, n° 22-80067 : irrecevabilité de l’appel de l’ordonnance de placement en détention « portant la mention manuscrite « je fais appel » suivi de la signature du demandeur, (qui) n'est pas revêtue de la signature du greffier qui authentifie la déclaration d'appel »).

Par prudence et pour éviter toute ambiguïté et garantir la recevabilité de l’appel d’une ordonnance de placement ou prolongation en détention provisoire, le mieux pourrait donc être, pour l’avocat du mis en examen, de faire une déclaration d’appel en bonne et due forme auprès du greffier de la juridiction apte à la recevoir, plutôt que de s’en remettre à l’appréciation d’une mention manuscrite apposée par le mis en examen ou son avocat, lors de la notification de l’ordonnance de placement en détention provisoire.