Par un arrêt du 25 mai 2023 (n° 22-12108), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que, conformément au troisième alinéa de l’article L. 3211-3 du code de la santé publique, la personne soumise à des soins psychiatriques sans consentement, doit, notamment, être informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent.

L’affaire concernait une personne admise le 25 décembre 2020 en urgence en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision d’un directeur d'établissement hospitalier et à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique (« En cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement »).

Le 8 mars 2021, le directeur avait mis fin à la mesure d'hospitalisation complète et décidé d'un programme de soins.

Le 26 novembre 2021, le patient avait sollicité la mainlevée de son programme de soins.

Il s’était ensuite pourvu devant la Cour de cassation contre l’ordonnance du Premier président de la cour d’appel de Paris du 22 décembre 2021 ayant rejeté sa demande, à laquelle il reprochait d’avoir jugé qu’aucune disposition législative ne prévoirait qu’une décision maintenant un programme de soins, sans en modifier substantiellement le contenu, devrait être notifiée au patient, de sorte que le deuxième alinéa de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique aurait été respecté.

Son pourvoi invoquait la méconnaissance, par ladite ordonnance :

  • du troisième alinéa de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique (« En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée : a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ; / b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1 ») ;
  • de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration (« Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (…) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ») ;
  • de l’article L. 221-8 du code des relations entre le public et l’administration (« Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée »).

Par son arrêt du 25 mai 2023, la Première chambre civile de la Cour de cassation a fait droit à son pourvoi, cassé et annulé l’ordonnance du 22 décembre 2021, pour violation du troisième alinéa de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, et des articles L. 3211-12 et L. 3216-1 (« La régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. / Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ») du code de la santé publique.

Elle a déduit du premier de ces textes « que, si toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement, quelle que soit la forme de sa prise en charge, est, dans la mesure où son état le permet, informée par le psychiatre du projet visant à maintenir les soins ou à définir la forme de la prise en charge et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état, elle est aussi informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent. »

Elle ajoute que, « lorsque, sur le fondement du deuxième, le patient saisit le juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, quelle qu'en soit la forme, il peut, conformément au troisième, contester la régularité des décisions administratives relatives à cette mesure ».

Au visa de ces trois textes, l’arrêt du 25 mai 2023 a cassé et annulé l’ordonnance du 22 décembre 2021, dont il résultait des constatations que le patient n’avait pas été informé des décisions prises par le directeur d'établissement, alors même que celui-là aurait été informé du projet de décision et mis à même de faire valoir ses observations (cf. Civ. 1ère, 29 septembre 2021, n° 20-14611), et que les décisions mensuelles de maintien des soins auraient été formalisées le jour même ou le lendemain des certificats médicaux établis par le psychiatre à la suite d'entretiens avec lui, au cours desquels celui-ci aurait été informé du maintien de la mesure.

La Première chambre civile de la Cour de cassation a cependant dit n’y avoir lieu à renvoi de l’affaire, dès lors que « les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger » et que « la cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond ».

Les principes posés, quant au contrôle incombant au juge des libertés et de la détention, par l’arrêt du 25 mai 2023, pourraient s’appliquer également dans l’appréciation des actions indemnitaires régies par le troisième alinéa de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique (« Lorsque le tribunal judiciaire statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé des décisions administratives (prises en application des chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique), il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées » ; cf. Civ. 1ère, 17 octobre 2019, n° 18-16837, et 29 septembre 2021, n° 20-14611), et renforcer ainsi, le cas échéant, l’effectivité des droits du patient soumis à des soins psychiatriques sans consentement (sur la nature civile du « droit à la liberté » et l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à un litige s’y rapportant, cf. CEDH, 30 juillet 1998, Aerts c. Belgique, paragraphes 57 à 60, et 7 janvier 2003, Laidin c. France (n° 2), n° 39282/98, paragraphes 73 à 77).