Le juge des référés du Conseil d’Etat vient de confirmer, sans surprise, la décision du juge des référés du TA de Cergy-Pontoise en estimant que si les maires peuvent contribuer à la bonne application des mesures décidées par l’Etat sur le territoire de leur commune, ils ne peuvent, en revanche, prendre d’autres mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales les rendent indispensables et à condition de ne pas compromettre la cohérence et l’efficacité de celles prises par les autorités de l’État. Les circonstances invoquées par le maire de Sceaux, tenant à la démographie de sa commune et la concentration de ses commerces de première nécessité dans un espace réduit, ne constituent pas des raisons impérieuses liées à des circonstances locales justifiant que soit imposé le port du masque dans l’espace public de la commune. Le juge des référés du CE considère que l’arrêté municipal litigieux risque de nuire à la cohérence des mesures prises par les autorités sanitaires, dans un moment où l’État est amené à fixer des règles nationales précises sur les conditions d’utilisation des masques chirurgicaux et FFP2 et à ne pas imposer, de manière générale, le port d’autres types de masques de protection.

Pour commenter cette ordonnance, j'ai déclaré dans une interview accordée au journal "Nice-Matin" https://www.pressreader.com/article/281754156456528 qu'il ne s'agit pas d'une course à l’échalotte entre l’Etat et les communes. Ils ne sont pas rivaux mais complémentaires comme des vrais partenaires. Le maire dispose du pouvoir d’adopter des mesures plus contraignantes permettant d’assurer la salubrité publique face à la pandémie et compte tenu du contexte local. Les maires peuvent contribuer à la bonne application des mesures décidées par l’Etat sur le territoire de leur commune. En revanche, ils ne peuvent, de leur propre initiative, prendre d’autres mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales les rendent indispensables et à condition de ne pas compromettre la cohérence et l’efficacité de celles prises par les autorités de l’État.

La question des masques, continue ainsi de défrayer la chronique en France et restera dans cette crise comme le symbole d'une mauvaise gestion et une communication gouvernementale chaotique sur les masques. C’est une vraie guerre des masques qui fait rage entre l’État et les collectivités territoriales. En outre, le juge des référés du CE relève qu’en laissant entendre qu’une protection couvrant la bouche et le nez peut constituer une protection efficace, quel que soit le procédé utilisé, l’arrêté du maire de Sceaux est de nature à induire en erreur les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population par les autorités sanitaires. 

C'est pour toutes ces raisons que je conseille aux maires qui souhaitent prendre des mesures de police pour réduire sur le territoire de leur commune les effets de la pandémie de ne pas prendre des mesures unilatérales mais de se concerter avec la préfecture et de partir de celles prises au niveau national pour vérifier si la mesure est nécessaire au niveau local et si le préfet, le représentant naturel de l’Etat dans le département n'a pas déjà pris de telles mesures de nature à rendre "plus contraignantes" localement, celles déjà prises par le Premier ministre et le ministre chargé de la santé. L'arrêté municipal doit être particulièrement motivé, face à cette crise sanitaire d’un seul objectif de santé publique : celui de prévenir et de réduire les effets de Covid-19 ; et justifié au regard des "circonstances locales" de la commune concernée. Et pour éviter la censure du juge administratif, garant des libertés individuelles, l’arrêté doit comporter des mesures proportionnées à l'objectif poursuivi et non des mesures spectaculaires non proportionnées et les mesures prescrites par l’arrêté portent le moins possible atteinte aux libertés publiques.

 

Riadh JAIDANE

Maître de conférences HDR associé à l'Université Côte d'Azur

Avocat au barreau de Nice