La Cour de cassation a rendu le 11 avril 2019 ((n° 18-16.121, FS-P+B+I) un arrêt de principe en matière de limitation de la garantie du cédant d’un droit au bail au sens de la loi PINEL.

Le preneur de différents sites industriels avait fait apport partiel de branches de son activité exercée sur ces sites à différentes entités.  

Le bailleur avait agi à l’encontre du mandataire liquidateur des sociétés bénéficiaires des apports, ainsi qu’à celle du preneur initial, respectivement en paiement des loyers et charges dus et la dernière en garantie solidaire.

Tant les apports partiels d’actifs que les actions précitées étaient intervenues avant l’entrée en vigueur des dispositions de la loi PINEL.

Rappelons :

- que l’article L145-16-2 du Code de commerce, issu de ladite loi PINEL, prévoit que si la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail ».

- que ce texte n’apporte aucune précision sur la possibilité, pour les parties, d’y déroger conventionnellement.

- qu’aucune disposition transitoire n’avait été édictée s’agissant de l’application dans le temps de cette nouvelle mesure.

Le cas d’espèce était source d’interprétation de ce texte à plus d’un titre :

- D’une part l’article L145-16-2 du Code de commerce est-il d’ordre public ?

- D’autre part cette limitation de garantie s’applique-t-elle lorsque la cession du droit au bail intervient par le bais d’apport partiel d’actif ?

- Enfin, et en toute hypothèse, cet article est-il d’application immédiate dès la date de son entrée en vigueur ?

La position de la Haute Cour est on ne peut plus clair : (…) ayant retenu, à bon droit, d’une part, que l’article L. 145-16-2 du Code de commerce, qui revêt un caractère d’ordre public, ne répond pas à un motif impérieux d’intérêt général justifiant son application immédiate, d’autre part, que la garantie solidaire, dont ce texte limite la durée à trois ans, ne constitue pas un effet légal du contrat mais demeure régie par la volonté des parties, la cour d’appel en a exactement déduit que ce texte n’était pas immédiatement applicable »

 

Sur le premier point, la Haute juridiction affirme, de manière très claire, que les dispositions de l’article L145-16-2 sont d’ordre public : « L’article L. 145-16-2 du Code de commerce, qui revêt un caractère d’ordre public […] » .

Il devient donc dénué d’intérêt, pour les baux à intervenir et si ce n’est dans une démarche purement comminatoire, de négocier la renonciation du preneur à la limitation dans le temps de sa garantie en cas de cession de son droit au bail ou du fonds de commerce qu’il exploite dans les lieux loués.

La Cour scelle également clairement, l’application de ce texte lorsque la cession du bail s’entend comme celle intervenue par le truchement d’un apport partiel d’actif.

Sur le second point, la réponse de la Cour à la question de l’applicabilité immédiate du texte ouvre droit à davantage d’interprétation puisqu’elle considère, pour décider que le texte n’est pas d’application immédiate, qu’il […] ne répond pas à un motif impérieux d’intérêt général justifiant son application immédiate et la garantie solidaire, dont ce texte limite la durée à trois ans, ne constitue pas un effet légal du contrat mais demeure régie par la volonté des parties.

Mais que faut-il entendre par « application immédiate » ? S’agit-il de l’application à tout contrat de bail en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi PINEL ou, de manière plus restrictive, l’application à toute cession du droit au bail intervenue postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, voire même uniquement à toute garantie mise en jeu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi PINEL ?

La question reste entière, la Cour de cassation n’ayant pas eu ici à ouvrir une telle brèche puisque car tant le bail que la cession et la mise jeu de la garantie litigieux étaient intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi PINEL.

La Cour d’appel de Versailles a d’ores et déjà jugé que les dispositions de l'article L. 145-16-2 du Code de commerce ne peuvent trouver à s'appliquer, en présence d’une cession intervenue antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi PINEL quand bien même la mise en jeu de la garantie interviendrait après (CA Versailles, 11-05-2017, n° 16/05403).