La loi ELAN du 23 novembre 2018 (art. 215) a habilité le Gouvernement à prendre une ordonnance pour améliorer la gestion des immeubles et prévenir les contentieux en matière de copropriété afin de redéfinir le champ d’application du régime de la copropriété et d’adapter les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis au regard des caractéristiques des immeubles, de leur destination et de leur taille (cf. Habitat Actualité, spécial loi ELAN).

Pris en application de cette disposition, l’ordonnance du 30 octobre 2019 permet de clarifier, moderniser et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété, celles relatives à la prise de décision par le syndicat des copropriétaires, ainsi que les droits et obligations des copropriétaires, du syndicat des copropriétaires, du conseil syndical et du syndic.

Les grands principes qui sous-tendent l’ordonnance « copropriété »:

Réformer le formalisme parfois excessif et l’absence de possibilité d’adaptation aux spécificités de certaines copropriétés

Moderniser le statut de la copropriété afin d’en améliorer la gouvernance, de faciliter le processus décisionnel en assemblée générale et de prévenir les contentieux, tout en conservant l’originalité d’un système fondé sur de grands principes issus du droit des biens, du droit des personnes et du droit des obligations, qui a inspiré de nombreux pays, et auquel les acteurs de la copropriété sont attachés.

Respect des prérogatives de chacun des organes de la copropriété

Préserver un équilibre entre la facilitation de la gestion collective de l’immeuble, d’une part, et le respect des droits individuels des copropriétaires, d’autre part.

La loi du 10 juillet 1965 a été initialement pensée pour assurer une homogénéité dans la gestion des immeubles à usage d’habitation

Désormais, il est admis, que les immeubles à destination exclusive autre que d’habitation puissent déroger expressément à la loi du 10 juillet 1965, en mettant en place, par convention, une organisation dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer la gestion de leurs éléments et services communs.

Objectif : éviter la mise en œuvre de montages complexes destinés à éluder l’application de la loi du 10 juillet 1965 (scission en volumes) ou de stratégies de contournement (adhésion obligatoire des copropriétaires à un GIE avec un budget commun de promotion et de publicité pour ses membres).

 

Comment favoriser la prise de décision en copropriété?

Face au constat du désinvestissement et de l’absentéisme croissant des copropriétaires en assemblée générale, l’ordonnances prévoit des mesures tendant à faciliter la prise de décision et à inciter les copropriétaires à s’investir davantage au sein de leur copropriété.

L'ordonnance marque une généralisation du mécanisme dit de « la passerelle » à toutes les décisions relevant de la majorité absolue, dans des conditions (art 25-1)

Ces décisions pourront être adoptées dans le cadre d’un second vote immédiat, à la majorité simple, dès lors qu’elles auront recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat.

Objectif : limiter les effets néfastes de l’absence de prise de position liée à l’absentéisme, à l’abstentionnisme ou au blocage d’un certain nombre de copropriétaires.

Pour la Chancellerie, l’extension de la passerelle est apparue comme une alternative préférable à un abaissement généralisé des seuils de majorité, susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété des copropriétaires sur leurs parties communes, dont le droit de vote constitue un attribut. Elle permet de parvenir à un équilibre entre l’accélération du processus de décision, nécessaire à l’évolution de la copropriété, et la préservation des droits individuels des copropriétaires.

 

Les décisions relevant de la double majorité qualifiée (art 26)

Création d'un mécanisme identique de passerelle

Seuil très difficile, voire parfois quasiment impossible à atteindre en pratique, empêche la prise de certaines décisions pourtant essentielles à la bonne gestion de la copropriété en raison de l’obstruction ou du désintérêt d’une petite minorité de copropriétaires.

Désormais seront soumises, sous certaines conditions, à un second vote immédiat à la majorité absolue des voix de tous les copropriétaires les décisions relatives à :

Des actes d’acquisition immobilière ou à des actes de disposition portant sur des parties communes,

La modification du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l’usage et l’administration des parties communes,

La suppression du poste de concierge ou de gardien.

Abaissement du seuil de majorité applicable pour l’adoption de certaines décisions

 

  • Suppression des vide-ordures pour des motifs d’hygiène,
  • Autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties communes
  • Modalités d’ouverture des portes d’accès des immeubles

Possibilités de délégations accordées au conseil syndical

L’ordonnance facilite la prise de décisions au sein des copropriétés en élargissant les possibilités de délégations accordées au conseil syndical, par l’assemblée générale, à tout ou partie des décisions relevant de la majorité simple, dans des conditions strictement encadrées.

L’ordonnance renforce les pouvoirs du président du conseil syndical et des membres de cet organe. Pourquoi ne pas avoir franchi le pas en dotant celui-ci de la personnalité morale ?

 

L’équilibre des pouvoirs entre les trois organes de la copropriété

  • Syndic,
  • Conseil syndical
  • Assemblée générale

L’ordonnance consolide les missions traditionnelles d’assistance et de contrôle du conseil syndical tout en élargissant, de manière contrôlée et encadrée, les possibilités qui existent déjà pour l’assemblée générale de transférer une partie de son pouvoir décisionnel au conseil syndical.

Il n’est pas apparu opportun d’aller au-delà afin de ne pas décourager les bonnes volontés de mandataires bénévoles, dont la responsabilité reste appréciée, en l’état actuel du droit, avec une particulière indulgence par la jurisprudence, en application du second alinéa de l’article 1992 du code civil.

La personnalité morale au conseil syndical pourrait être de nature à accroître les risques d’engagement de la responsabilité de cet organe, fragilisant ainsi son action, et à bouleverser les grands équilibres de la loi de 1965 qui opère une séparation entre les fonctions de décision, d’exécution et de contrôle, ce qui n’est pas apparu souhaitable.

 

Statut dérogatoire pour les petites copropriétés

 

L’ordonnance favorise l’adoption de la forme coopérative et assoupli certaines modalités de prises de décisions et de convocations des assemblées générales

Objectif : Ne pas créer un régime spécifique dérogatoire, mais permettre de sécuriser juridiquement certaines pratiques existantes sans remettre en cause les règles d’ordre public de protection.

 

Définition des « Petites copropriétés » :

Celles comportant au plus cinq lots principaux à usage de logements, de bureaux ou de commerces ou dont le budget prévisionnel moyen sur trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €

(Ce qui correspond, selon les données du registre d’immatriculation, à des copropriétés d’environ 10 lots, le budget prévisionnel annuel moyen étant de 1 478 € par lot).

Exemple :

Possibilité pour les copropriétaires de prendre des décisions à l’unanimité dans le cadre d’une consultation écrite ou à l’occasion d’une réunion informelle, sans convocation ni tenue d’une assemblée générale. Sans conduire pour autant à la suppression de la tenue de l’assemblée générale annuelle appelée à connaître des comptes, rendez-vous incontournable pour la vie de la copropriété.

Faciliter le recours au syndicat coopératif en supprimant l’exigence d’une mention expresse dans le règlement de copropriété pour adopter cette forme d’autogestion collégiale, y compris dans les petites copropriétés ne disposant pas d’un conseil syndical.

Obligation de constituer un fonds de travaux et leur syndic d’ouvrir un compte séparé.

 

 

Syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires

L’ordonnance prévoit :

  • La possibilité pour chaque copropriétaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble, indépendamment du nombre de voix dont il dispose et même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence, cette disposition s’inspirant directement du mécanisme prévu à l’alinéa premier de l’article 815-2 du code civil (3° du nouvel art. 41-16 de la loi du 10 juill. 1965) ;
  • La possibilité pour le copropriétaire qui a fait l’avance de sommes, d’obliger l’autre copropriétaire à supporter avec lui les dépenses nécessaires proportionnellement à la quote-part de parties communes afférente à ses lots (dernier alinéa du nouvel art. 41-17 de la loi du 10 juill. 1965).

En matière de grandes copropriétés

Les copropriétés d’au moins 100 lots principaux

La notion de « conseil d’administration », inspirée du droit des sociétés, n’a pas été retenue aurait conduit à dessaisir l’assemblée générale des copropriétaires de son pouvoir décisionnel, constituant un attribut du droit de propriété des copropriétaires sur leurs parties communes, au profit d’un conseil d’administration.

Il est apparu plus adapté de renforcer les attributions préexistantes du conseil syndical (délégations de pouvoirs).

L’ordonnance édicte un régime dérogatoire facultatif :

  • Offrant une possibilité de délégation de pouvoirs au profit du conseil syndical,
  • Limitée aux décisions relevant de la majorité simple et encadrée budgétairement,         
  • Avec une obligation de rendre compte à la prochaine assemblée générale.

Cette délégation conventionnelle :

  • Offre de la souplesse, l’assemblée générale peut reprendre à tout moment le pouvoir décisionnel qu’elle a confié au conseil syndical.
  • Elle permet une adaptation au cas par cas, de l’étendue de la délégation afin de tenir compte de l’évolution des besoins de la copropriété.
  • Possible dans tout type de copropriété, quelles que soit sa taille l’idée d’instituer un seuil, pour limiter l’application de cette mesure aux copropriétés de grande taille, n’a pas été retenue.

 

La publication des décrets d’application dans un délai proche de l’entrée en vigueur de cette ordonnance pour permettre aux copropriétés de s’emparer immédiatement des nouveaux instruments juridiques qui leur sont offerts par la réforme.

Les travaux vont être denses puisque la réforme du droit de la copropriété issue de l’ordonnance devrait donner lieu à la réécriture ou à la création d’une soixantaine d’articles.

 

L'information des copropriétaires renforcée

 

Définition du contenu de l'extranet: Depuis la loi ALUR (codifié à l’art 18), le syndic professionnel doit proposer un accès en ligne sécurisé aux documents dématérialisés relatifs à la gestion de l'immeuble ou des lots gérés.

Les documents accessibles, permettront notamment aux copropriétaires de réaliser leur « pré-état daté » et au conseil syndical de pouvoir mieux surveiller les comptes.

Les documents accessibles doivent être librement téléchargeables et imprimables.

Mise à jour l'espace en ligne au minimum une fois par an, trois mois avant l'assemblée générale annuelle.

L'accès doit être individuel et effectué à l'aide d'un code personnel et devant « garantir la fiabilité de l'identification des copropriétaires ».

Les syndics ainsi que les éditeurs de logiciels s'interrogeaient sur les modalités de remise du code d'accès.

Modalités de la communication électronique des appels de fonds

Le syndic est dorénavant autorisé à transmettre les appels de fonds par message électronique.

Cet envoi électronique ne doit avoir lieu qu'en cas d'acceptation expresse du copropriétaire.

L'envoi papier reste donc la règle de principe.

La pratique de l'envoi électronique, déjà répandue, vient, peut-être, d'être restreinte par cette mesure, au profit de ceux qui n'ont pas Internet ou ne souhaitent pas supporter les frais d'impression de ces documents...

Modification des règles relatives aux notifications électroniques

L'accord du copropriétaire pour la notification électronique devra distinguer s'il porte sur :

-           les mises en demeure,

-           les notifications

-           sur les deux.

Si la demande en assemblée générale est toujours de mise, dorénavant, les copropriétaires n'auront plus à transmettre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (LRAR) leur accord d'être notifiés par voie électronique. Ils pourront l'effectuer valablement par « tout moyen conférant date certaine » (art. 13-I du décret du 27 juin 2019).

La gestion de telles demandes peut paraître simple de prime abord, mais lorsqu'elles se multiplient et varient au fil du temps, elle prend une tout autre allure.

Sous réserve de l'accord du copropriétaire, les annexes à la convocation pourront lui être « notifiées » par dépôt sur l'espace en ligne sécurisé, lorsque la copropriété en est dotée.

La convocation devra préciser que ces documents sont accessibles en ligne ainsi que la durée de la mise à disposition.

 

Nouvelle information obligatoire des copropriétaires par le syndic

Le syndic devra dorénavant informer par voie d'affichage les copropriétaires de la date envisagée de la prochaine assemblée générale afin de leur permettre de poser les questions qu'ils souhaitent voir débattues

Enfin, pour favoriser l'exercice du droit pour les copropriétaires de poser les questions souhaitées à l'ordre du jour, le syndic devra également reproduire intégralement sur les appels de fonds les dispositions de l'article 10 du décret du 17 mars 1967

La place des locataires progressivement accrue

Surprise de taille, les copropriétaires peuvent se faire assister de leurs locataires pour consulter les pièces justificatives de charges entre la convocation et la tenue de l'assemblée

Le copropriétaire pourra autoriser son locataire à les consulter en ses lieu et place.

Cette mesure pourrait entraîner un accroissement important de la charge des syndics (rapports parfois délicats entre bailleurs et locataires à propos des charges récupérables, décalage temporel entre année civile et date d'approbation des comptes…). Tentation de renvoyer systématiquement les locataires vers le syndic afin que celui-ci justifie des charges demandées.

Cette mesure en faveur des locataires complète celle imposée par la loi ALUR de communication par affichage ou par insertion dans les boîtes aux lettres d'une circulaire résumant les décisions prises en assemblée générale afin de renforcer l'information des occupants.

Peut-être verrons-nous bientôt apparaître, comme en droit du travail, un délégué des locataires, si ce n'est un « administrateur-locataire »,

La dématérialisation des relations actée

Introduite en 2004 en droit des sociétés la visioconférence fait son entrée en droit de la copropriété.

Pour l’heure réponses partielle aux interrogations portant sur :

La sécurité informatique et la qualité suffisante de la reproduction vocale et vidéo,

Principe de liberté offerte au syndicat de choisir leur méthode, ce qui n'est pas sans faire craindre une multitude de solutions que le syndic devra, tant bien que mal, mettre en œuvre.

Ce qui entraînera un report de la mesure, car il faudra, d'une part, les élaborer et, d'autre part, les faire adopter par l'assemblée.

Cette pluralité d'options obligera le syndic à s'équiper de tout le matériel utile pour en assurer l'effectivité et, indirectement, ce coût se répercutera dans ses honoraires.

La problématique se posera avec davantage d'insistance lorsque l'assemblée générale se tiendra, comme c'est souvent le cas pour les grands ensembles, dans une salle spécialement louée à cet effet. Faudra-t-il alors que le syndic devienne un équipementier de salle de spectacle se déplaçant avec toute la panoplie des caméra(s), micro(s), enceinte(s), écran(s) et vidéoprojecteur(s) ? Voilà une belle perspective...

Chaque copropriétaire devra informer le syndic s'il souhaite participer au mode choisi dans les trois jours francs, au plus tard, avant la réunion de l'assemblée générale.

Développement d'un nouveau contentieux relatif à la mise en capacité du copropriétaire d'assister à l'assemblée générale si celui-ci ne se voit pas communiquer les accès ou s'il ne parvient pas, malgré les indications qui lui sont données, à se connecter. Les débuts d'assemblée générale promettent d'être difficiles, avec une multiplication des courriels et appels téléphoniques exprimant l'impossibilité malheureuse d'accéder à l'assemblée virtuelle... Or une responsabilité du syndic accrue pourrait également signifier une augmentation des honoraires pour couvrir le risque... Décidément, les charges de copropriété ne risquent pas de baisser !

L'article 5 du décret du 27 juin 2019 précise, dans un encadrement qui est donc minimal, Ainsi, une conférence téléphonique, à l'aide d'équipements techniques assurant une reproduction fidèle et instantanée, est tout à fait envisageable afin de répondre aux exigences.

L'article 7 du décret du 27 juin 2019 ajoute des précisions nécessaires relatives au mode de tenue de la feuille de présence en cas de participation à distance.

 

Encadrement renforcé des « pouvoirs en blancs »

 

La transmission des « pouvoirs en blanc » reçus par le syndic est précisée à la suite de la loi ELAN qui lui interdisait de les conserver pour voter en son nom et de les distribuer lui-même aux mandataires qu'il choisissait.

Le décret du 27 juin 2019 impose désormais (art. 8) au syndic recevant des « pouvoirs en blanc », dont la validité est étonnamment maintenue, de les transmettre prioritairement au président du conseil syndical, en début de réunion, qui désignera alors le mandataire. À défaut de président du conseil syndical, il faudra attendre la désignation du président de séance qui recevra alors du syndic les pouvoirs, aux mêmes fins.

Le décret indique en outre (art. 9) que la modalité de transmission de pouvoir employée doit être inscrite au procès-verbal de l'assemblée générale.

Rappel : délégations (trois pouvoirs - ce qui ne change pas - ou 10 % du total des voix - les siennes comprises)

Accès aux parties communes par les huissiers

L’art. 14 du décret du 27 juin 2019 permet dorénavant aux huissiers de formuler, au syndic des immeubles non librement accessibles par la voie publique, une demande d'accès afin de procéder aux significations et exécutions.

Le syndic devra alors remettre les moyens d'accès (clefs, badges et/ou codes) à l'huissier ou au clerc assermenté par lui dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la demande. Ce dernier devra ensuite les restituer au syndic après accomplissement de sa mission de signification ou d'exécution.