Résumé de ma présentation à la journée d'étude interdisciplinaire organisée par Kristina Rasolonoromalaza et le Centre de recherches juridiques de l'université de Franche-Comté (CRJFC, UR 3225) dédié à « La coopérative, idéaltype de l’économie sociale et solidaire et de l’entreprise éthique ? »

L’essence du statut coopératif agricole

Les premières coopératives agricoles sont apparues en France dans les années 1 880 selon des modalités très diverses, mais principalement dans le cadre d'un syndicalisme agricole corporatiste, puis sous l'influence de l'État, s'exerçant à travers la législation fiscale et l'organisation des marchés, PAC…

Elle se caractérise aujourd’hui notamment par l'émergence de groupes coopératifs agricoles.

Les coopératives agricoles n'en conservent pas moins des traits originaux : l’essence du statut coopératif agricole.

LA COOPERATION REPOND A UN CHOIX DE POLITIQUE AGRICOLE

Face à une économie de plus en plus concurrentielle et à la concentration de l’aval, les coopératives agricoles répondent à de multiples enjeux :

  • adapter quantitativement et qualitativement la production agricole aux marchés,
  • promouvoir une activité économique sur les territoires et promouvoir le lien entre le produit et son origine,
  • privilégier une agriculture fondée sur des exploitations familiales,
  • encourager l’installation des jeunes,
  • permettre l’exercice de solidarités internes à la profession agricole.

 

LES FINALITES

          Un outil de participation, de négociation et de pouvoir.

          Accès au marché et pérennité des exploitations agricoles.

 

LES PRINCIPES D’ACTION

          Performance économique.

          Contribution au développement régional.

          Pouvoir économique des agriculteurs.

 

LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DU STATUT COOPERATIF AGRICOLE

 

Si l’ordonnance du 26 Septembre 1967 instituait deux types de coopératives agricoles :les coopératives à forme civile (traditionnelles) et les coopératives à forme commerciale (nouvelles),

= CONSTAT malgré leur grande diversité toutes les sociétés coopératives agricoles ont un seul et même but, celui de servir leurs sociétaires dont elles visent à améliorer les résultats professionnels ainsi que la situation sociale des agriculteurs.

C’est pourquoi, plus respectueux de l’unité traditionnelle de la coopération agricole, le législateur de 1972 a supprimé toute dualité :

Depuis la loi du 27 Juin 1972 les coopératives agricoles possèdent toutes le même statut juridique.

  • Reconnaissance de l’existence d’un droit spécifique et « autonome »

par lequel les coopératives agricoles ne sont ni civiles, ni commerciales, mais forment une catégorie spéciale de sociétés dont

Principe codifié à l’article L521-1 c.rur. : « Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales. 

  • Consécration statut juridique dit « sui generis ».

 

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SIX REGLES FONDAMENTALES CARACTERISENT L’ESSENCE DU STATUT COOPERATIF AGRICOLE:

 

1/ l’obligation pour la société de ne faire d’opérations qu’avec ses seuls associés coopérateurs (règle de l’exclusivisme dans l’activité avec les membres)

Le principe d’exclusivisme constitue un principe de base. Il a pour contrepartie, sous certaines conditions, l’exonération d’impôt sur les sociétés.

La coopérative n’est pas libre du choix de ses sociétaires ; les statuts types énumèrent, de manière limitative, les personnes susceptibles d’être associés coopérateurs.

De leur côté, les ssociés coopérateurs ont l’obligation d’utiliser les services de la société selon l’engagement d’activité prévu aux statuts.

L521-1-1 C.rur. :

« La relation entre l'associé coopérateur et la coopérative agricole à laquelle il adhère repose, notamment, sur le caractère indissociable de la double qualité d'utilisateur de services et d'associé mentionné au a du I de l'article L. 521-3 ».

La relation entre la coopérative et l’associé coopérateur est une relation économique et non pas commerciale, caractérisée par l’activité de l’associé coopérateur avec sa coopérative.

  • L’adhérent s’engage à apporter à la coopérative toute sa production sans connaître à l’avance le prix qui lui sera payé.
  • En contrepartie, la coopérative s’engage à accepter toute la production de l’adhérent et à valoriser au mieux les produits mis sur le marché.
  • Il s’en suit un équilibre entre la meilleure rémunération possible de l’adhérent et la conservation par la coopérative des marges nécessaires à sa pérennité.

L’engagement est fixé pour une durée déterminée - Les conditions de rupture du contrat avant terme sont strictement encadrées En cas de départ en cours de période d’engagement, l’associé coopérateur s’expose à des pénalités financières

 

Ainsi, l’on parlera d’apport ou de cession de produits, et non de vente ou d’achat.

 

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2/ LA LIMITATION TERRITORIALE DE SON ACTIVITE

 

La circonscription territoriale de la coopérative agricole s’inscrit dans le prolongement des principes coopératifs

Dés la loi  du 29 décembre 1906, première loi sur les coopératives agricoles, l’objet des coopératives est définit par son rôle « d’effectuer ou faciliter toutes les opérations (…) provenant exclusivement des exploitations des associés ». La loi introduit dnc implicitement la notion de territorialité, puisqu’elle borne le champ d’action de la coopérative aux exploitations adhérentes. Ces exploitations sont en effet localisées dans un territoire géographique déterminé.

Deux principes fondent la notion de circonscription territoriale :

  • l’impératif de la connaissance et de la confiance réciproques des sociétaires,
  • et la  mission d’utilisation en commun de moyens au profit de ses sociétaires.

IL faudra attendre le décret-loi du 8 août 1935 fixant le statut juridique et  surtout fiscal des coopératives pour énoncer clairement cette régle : la circonscription teritoriale dacra désormais obligatoirement figurer dans les statuts, et le bénéfice de la qualité de coopérative agricole exonération est sous la condition d’agrément.

Ce décret affirme que les limites territoriales arrêtées lors de la création de la coopérative lesquelles seront déterminées en fonction de la situation géographique des exploitations des agriculteurs.

De ce fait les coopératives agricoles:

  • Assurent un maillage économique dans l’ensemble des zones rurales.
  • Génèrent des effets d’entraînement de la vitalité du tissu économique et social dans les territoires où elles sont implantées.

Chaque année, des investissements importants sont réalisés par les coopératives, sur des secteurs d’activité aussi variés que le bâtiment, le transport, le machinisme, l’entretien, les services ... Mobilisant du capital dans la création de valeur ajoutée à base d’emploi - et non dans l’épargne spéculative – il y a deux jour le Conseil de l’Union Européenne a mesuré l’importance du rôle que jouent les coopératives dans la durabilité environnementale, économique et sociale des zones rurales.

 

Seuls les agriculteurs qui exercent leur activité dans la circonscription territoriale de la coopérative bénéficient des services de celle-ci.

 

3/ LE CARACTERE EXCLUSIVEMENT AGRICOLE DE L’OBJET SOCIAL

 

Exclusivisme de l’objet :

Les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité (article L521-1 du code rural et de la pêche maritime).

L'article R521-1 du code rural et de la pêche maritime définit trois branches de coopératives agricoles.

Il s'agit :

- des coopératives de collecte et vente (ou production-vente) : ont pour objet d'assurer ou de faciliter la production, l'écoulement ou la vente, notamment à l'exportation, des produits agricoles ou forestiers provenant exclusivement des exploitations de leurs associés coopérateurs

- des coopératives d'approvisionnement ont pour fonction d'assurer l'approvisionnement de leurs seuls associés coopérateurs en leur procurant les produits, les équipements, les instruments et les animaux nécessaires à leurs exploitations

- des coopératives de services sont chargées de fournir à leurs seuls associés coopérateurs et pour l'usage exclusif de leurs exploitations agricoles et forestières tous services nécessaires à ces exploitations, notamment en mettant à leur disposition du matériel, des machines agricoles, des moyens d'entretien et de réparation, des animaux, des moyens de perfectionnement technique et de formation professionnelle, des organismes d'études, d'expérimentation et d'analyse ainsi que le personnel spécialisé correspondant 

À cet égard, le Conseil d'État dans un avis du 7 octobre 1986 a estimé que les travaux de maçonnerie exécutés par les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) pour les exploitations agricoles de leurs membres n'entrent pas dans leur objet.

On peut envisager qu’une coopérative puisse rendre des services dérivant de son activité principale comme par exemple le conditionnement à façon. Dans ce cas, ces opérations sont considérées comme opérations accessoires (limite 5 % du chiffre d’affaires).

Rappel : La coopérative s’engage à collecter la production, quelle que soit la capacité d’absorption du marché. Elle a le devoir de collecter et fournir les services, de traiter équitablement les associés coopérateurs, de mettre en œuvre des procédures permettant d’assurer l’information des associés coopérateurs, de garantir la transparence et de valoriser au mieux leur production.

 

4/ L’« IMPARTAGEABILITE » DES RESERVES,

 

Les coopératives sont des sociétés de personnes, regroupant des agriculteurs prolongeant leurs propres exploitations, n’ayant d’autre fin que d’optimiser leur revenu.

L’objectif premier d’une coopérative agricole, contrairement à une structure commerciale, n’est pas la rentabilité du capital social dans un but essentiellement lucratif, mais bien le développement des exploitations de leurs membres fondé sur la solidarité entre les associés coopérateurs et entre les générations

En effet, l’entreprise coopérative n’est pas cessible : ses sociétaires adhérents ne peuvent réaliser aucune plus-value sur leur capital social, à la différence des propriétaires d’entreprises de droit commun.

Leurs parts sociales sont remboursées au nominal, éventuellement revalorisées - sous contrôle du HCCA - dans la limite du barème des rentes viagères.

Cette spécificité permet la transmission du capital de l’outil collectif et la solidarité entre les générations d’associés qui se succèdent dans la coopérative. Ce mécanisme permet aux futurs coopérateurs, avec le même apport en capital que leurs prédécesseurs, d’accéder à un outil économique performant.

Elle facilite ainsi l’installation des jeunes agriculteurs et garantit au monde agricole la pérennité de ses outils pour les générations futures. De plus, elle conserve, dans les régions françaises, des centres de décision économique.

À la dissolution, l’excédent d’actif net après remboursement du capital social ne peut être dévolu qu’à une autre coopérative, union de coopératives ou à une œuvre d’intérêt général agricole. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas « acheter une coopérative » comme il est possible d’acquérir une entreprise commerciale, même si une coopérative peut céder tout ou partie de ses actifs lors d’une opération de restructuration.

 

Les réserves sont impartageables et non « OPAbles » ;

 

5/ LA LIMITATION DE L’INTERET VERSE AU CAPITAL SOUSCRIT PAR LES ASSOCIES,

 

Il n’est jamais distribué de dividendes. Seul un intérêt, limité au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, peut rémunérer les parts sociales.

  • la répartition des excédents annuels disponibles entre les associés proportionnellement aux opérations qu’ils ont réalisées avec la société lors de l’exercice

L521-3 C.rur. : La limitation de l'intérêt versé au capital souscrit par les associés coopérateurs à un taux au plus égal au taux fixé par l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ;

 

C’est le principe fondamental de la « ristourne », et des règles spécifiques encadrent l’affectation du résultat et la répartition des excédents annuels

 

6/ Gestion démocratique : un droit égal de vote pour chaque coopérateur !

Le principe « un homme, une voix » est appliqué dans AG à tous les sociétaires quelles que soient l’importance de leur participation au capital et celle de leur activité économique avec la société.

  • Chaque associé coopérateur est placé sur un pied d’égalité, absence de favorisation des plus gros producteurs au détriment des autres : Equité  égalité entre les associés-coopérateurs et la coopérative
  • Elles limitent les risques de fractures sociales au sein de l’agriculture et de restructuration aveugle des exploitations.
  • Les coopératives s’engagent à valoriser et orienter toute la production de tous leurs adhérents.

La démocratie économique, c’est la capacité des agriculteurs à orienter la stratégie de leur coopérative, à décider de l’affectation des résultats, à élire leurs dirigeants, à décider eux-mêmes de règles de fonctionnement et de disciplines de production.

La coopérative est gérée par le conseil d’administration élu démocratiquement par l’assemblée générale des coopérateurs ou dans les coopératives à section, par des délégués élus par les coopérateurs.

C’est enfin des moyens financiers et humains considérables qui sont mis en œuvre pour assurer la formation, le conseil, l’information et la participation des producteurs. La loi d’avenir pour l’agriculture prévoit que chaque administrateur se voit proposer une formation, la première année de chaque mandat y compris la première année de chaque renouvellement. Le budget est approuvé par l’assemblée générale ordinaire annuelle d’approbation des comptes

L’a-capitalisme se traduit par l’ équation « un homme, une voix », quel que soit le montant des apports en capital.

 

Conclusions 1ère partie :

 

Les coopératives agricoles sont des entreprises qui permettent et organisent la démocratie économique, fondée sur la transparence, l’équité et la solidarité dans les campagnes.

 

Les prétendus « avantages » des coopératives et leurs unions ne sont que la contrepartie des règles et obligations qui découlent de leur statut et de leur domaine d’action.

 

Limitées dans leur objet et dans leur circonscription territoriale, au service quasi exclusif de leurs adhérents, elles leur garantissent une rémunération équitable et transparente.

 

Le régime fiscal spécifique des coopératives agricoles a été reconnu à plusieurs reprises par l’Union européenne comme proportionné aux contraintes juridiques auxquelles elles sont soumises.

 

Une banalisation du statut des coopératives et de leur fiscalité risquerait d’entraîner ipso facto la perte de leur essence et une évolution vers des sociétés de capitaux, qui iraient à l’encontre des principes et objectifs énoncés tout au long de mon exposé.

 

Elles sont, par ailleurs, tenues d’adopter des statuts types homologués par arrêté ministériel.

Des options facultativesexistente, elles jettent un pont harmonieux entre le respect des principes coopératifs fondamentaux et la nécessité de faire face aux impératifs socio-économiques.

 

2ème partie : Un statut assorti d’options

Je serai bref,

Elles peuvent être classées en trois groupes :

 

  1. UNE OPTION A BUT ECONOMIQUE :

 

C’est la dérogation à l’exclusivisme permettant à la coopérative de réaliser des opérations avec des tiers dans la limite de 20 % de son chiffre d’affaires.

 

  1. DES OPTIONS A BUT FINANCIER :
  1. Les associés non coopérateurs :

C’est la possibilité d’admettre en tant qu’associés non coopérateurs, souscripteurs de parts sociales, un certain nombre de personnes physiques ou morales énumérées limitativement par la loi (anciens associés coopérateurs, salariés de la coopération agricole, y compris ceux des filiales, établissements de crédit, notamment).

  1. La revalorisation des parts sociales :

C’est la possibilité d’actualiser la valeur des parts sociales en incorporant au capital certaines réserves (réserve spéciale de réévaluation ou autres réserves libres d’affectation) mais cette possibilité est limitée à la stricte réparation des effets de l’érosion monétaire.

  1. DES OPTIONS TOUCHANT LA GESTION INTERNE
  1. La pondération des voix en assemblée générale :

C’est la possibilité d’accorder des voix supplémentaires (dans la limite du vingtième) à certains coopérateurs, en fonction notamment de l’importance de leurs apports et/ou de la qualité de leurs engagements (mais non en vertu de critères purement financiers).

  1. Gestion par directoire et conseil de surveillance :

C’est la possibilité de la séparation des fonctions entre un directoire qui assure la gestion et un conseil de surveillance qui le contrôle, alors que dans le système traditionnel le conseil d’administration gère et contrôle tout à la fois.