Lorsque vous avez été reconnu prioritaire DALO et que vous n’avez pas reçu d’offre de logement tenant compte de vos besoins et de vos capacités dans le délai de trois ou six mois après la décision vous reconnaissant prioritaire, deux recours sont envisageables. Nous pouvons tout d’abord effectuer un recours injonction dans un délai de 4 mois, tendant à ce qu’il soit ordonné au préfet de vous reloger. Passé ce délai, ou suite à un jugement en injonction resté sans suite, nous pourrons saisir le tribunal administratif d’un recours indemnitaire, afin d’obtenir la condamnation de l’État à vous indemniser de votre entier préjudice subi, du fait de la carence du préfet dans l’attribution d’un logement adapté.

Dans cette seconde hypothèse, dès lors que vous n’avez pas reçu d’offre adaptée de relogement dans les délais impartis, la responsabilité pour faute de l’État est engagée. Il nous appartiendra alors de démontrer et de chiffrer les préjudices que vous subissez, lesquels sont à l’origine de troubles de toute nature dans vos conditions d’existence.

Les juridictions administratives prennent en considération trois critères afin d’apprécier les troubles de toute nature dans les conditions d’existence, dont la réparation incombe à l’Etat : les conditions de logement (1), le nombre de personnes composant le foyer (2), et la durée de la carence du préfet (3).

1) Les conditions de logement

Le juge sera amené à étudier les conditions dans lesquelles vous vivez. Il peut tout d’abord s’agir de la condition ayant conduit la commission de médiation à vous reconnaître prioritaire. Ainsi, si vous êtes hébergé chez un tiers, si vous vivez dans un logement de transition, dans une chambre d’hôtel, ou si vous êtes menacé d’expulsion. Dans ce dernier cas, vous pourrez obtenir une indemnisation, même si l’expulsion n’a finalement pas eu lieu.

Les conditions de logement peuvent aussi être liées à l’insalubrité de votre logement. Par exemple, si vous avez constaté la présence de cafards ou de souris, ou si les murs du logement sont recouverts par des moisissures, il sera intéressant de produire des photos, afin que le juge puisse constater de manière effective les conditions dans lesquelles vous vivez. Il en va de même du caractère exigu du logement. Si vous habitez dans un très petit appartement, avec un ou plusieurs enfants, nous ferons état des conséquences désastreuses de cette situation sur l’intimité de chaque membre de la famille, et sur le développement de vos enfants.

Par ailleurs, les prioritaires DALO sont souvent amenés à payer un loyer nettement au-dessus de leurs moyens. Dans ce cas, nous pourrons aussi demander une indemnisation qui prendrait en compte ce préjudice financier.  

2) Le nombre de personnes composant le foyer

Lorsque vous avez des enfants mineurs, nous pourrons saisir le juge afin que l’État soit non seulement condamné pour le préjudice que vous subissez, mais aussi pour le préjudice subi par vos enfants mineurs.

Ensuite, le nombre de personnes composant le foyer est pris en considération dans l’évaluation de votre préjudice. Ainsi, même si vos enfants sont nés après la décision vous reconnaissant prioritaire, le juge les prendra en compte.

De même, lorsque vous avez été reconnu prioritaire sur le fondement d’une suroccupation du logement, le montant de votre indemnisation variera en fonction du nombre de personnes présentes effectivement dans le logement

3) La durée de la carence

Il n’est malheureusement pas rare d’attendre plusieurs années avant d’être relogé. Quatre, cinq ou six années ont pu s’écouler depuis la reconnaissance de votre caractère prioritaire. Cette durée sera alors prise en compte par le juge lors de l’évaluation de votre préjudice. Il a pu par exemple être jugé qu’au regard du caractère insalubre d’un logement, et de l’absence de relogement pendant une période de près de quatre ans, le préjudice indemnisable devait être estimé à 4.000 euros[1]

Il est intéressant de remarquer que même si vous êtes relogé, vous pourrez prétendre à une indemnisation, dès lors que ce relogement est intervenu tardivement. Ainsi, il est possible que le Préfet vous propose un logement en cours d’instruction. Cela ne ferme cependant pas la porte à une indemnisation, la procédure juridictionnelle poursuit son cours. Le juge ne pourra pas rejeter votre demande indemnitaire en se fondant sur votre relogement. Il devra rechercher s’il a existé une période pendant laquelle la situation ayant justifié la décision de la commission DALO a perduré, et a été à l’origine de troubles dans vos conditions d’existence.

4) Le montant de l’indemnisation

Le montant de l’indemnisation variera donc en fonction de vos conditions de logement, du nombre de personnes composant votre foyer et de la durée de la carence du Préfet. Habituellement, le Conseil d’État prend comme référence un montant de 250 euros par an et par personne. Ce montant sera modulé selon votre situation personnelle, laquelle sera appréciée par le juge. Il est donc très important que nous puissions obtenir tout document permettant au juge de constater les désagréments que vous subissez (contrat de location d’un espace de stockage pour entreposer vos meubles, certificats médicaux faisant état de problèmes de santé liés aux conditions dans lesquelles vous vivez, photos de votre logement, etc.). À titre d’exemple, le Conseil d’État a récemment estimé que le maintien de la requérante dans la situation qui a motivé la décision de la commission de médiation pendant 6 ans, les conditions de logement, et la présence de quatre personnes dans le foyer, dont trois mineurs, conduisaient à une indemnisation à hauteur de 9.000 euros[2].

 


[1]              Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, n°408373, 26/04/2018.

[2]              Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, n° 414709, 28/03/2019