Rappel de l’article L.1222-6 du code du travail :

« Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à lr'article L.1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.  La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.  A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. »

 

Dans cette affaire du 28/09/2016, un salarié avait été engagé par une société par lettre d'embauche du 31 décembre 2007, en qualité de directeur de site avec une rémunération mensuelle brute de 11.000 €. Il était le seul cadre dirigeant salarié.

Le 19 août 2008, un contrat de travail fut signé entre les parties, avec une reprise d'ancienneté au 1er septembre 1998.

Le 15 mars 2012, le salarié signa un avenant à ce contrat de travail précisant que son salaire serait désormais fixé à 5.000 € nets avec effet rétroactif au 1er mars 2012, sans respect du formalisme prévu par l’article L.1222-6.

Il faut savoir que la situation financière de l’entreprise n’était plus florissante (ce dont le salarié avait parfaitement conscience et connaissance), qu’une stratégie globale de réduction de masse salariale (que le salarié avait lui-même participé à mettre en œuvre) visait à réduire les salaires des salariés de l'entreprise.

 

Mais le salarié saisit la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes et notamment le paiement d'un rappel de salaire sur la base de 11.000 € mensuels.

La cour d’appel jugea que l'avenant signé par le salarié le 15 mars 2012 était opposable à ce dernier et limita le montant des condamnations de l'employeur au paiement des sommes réclamées à titre de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité contractuelle de licenciement et de jours de congés non pris. La cour d'appel avait retenu que la baisse de la rémunération stipulée dans l'avenant constituait une modification substantielle du contrat de travail qui requérait l'accord du salarié qui devait être recueilli dans les formes prescrites par l'article L.1222-6 du code du travail, dès lors que la société invoquait des motifs économiques à cette réduction. Toutefois, selon la cour d’appel, les conséquences du non-respect du formalisme prévu par ce texte (L.1222-6), destiné à garantir au salarié un consentement éclairé à la modification de son contrat de travail, doivent être appréciées au regard du degré d'information dont le salarié bénéficiait au moment de la modification. Or, selon la cour d’appel, il résultait de l'ensemble de ces documents produits, la preuve que le salarié avait une complète connaissance de la situation de l'entreprise dont il était le seul cadre dirigeant salarié et que la baisse de sa rémunération, formellement postérieure à celle du seul dirigeant statutaire, était intervenue dans le cadre d'une stratégie globale de réduction de la masse salariale qu'il avait lui-même participé à mettre en œuvre, et proposant en vain cette réduction aux autres salariés de l'entreprise, compte tenu des difficultés financières de celle-ci. Le salarié avait donc consenti en toute connaissance de cause à cette réduction par l'avenant du 15 mars 2012 qui lui est par conséquent opposable.

Mais, la Cour de cassation a cassé l’arrêt, parce que la modification du contrat de travail pour motif économique est soumise aux formalités prescrites par l'article L.1222-6 du code du travail ; qu'il en résulte que l'employeur qui n'a pas respecté ces formalités ne peut se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié.

L'avenant signé par le salarié, le 15 mars 2012, ne lui était pas opposable.

 

En conclusion :

Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L.1233-3, il doit strictement respecter les formalités de l’article L.1222-6 du code du travail.

L'employeur qui ne les a pas respectées, ne peut se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié, même si le salarié était parfaitement informé de la situation de l'entreprise, même s’il avait lui-même participé à la stratégie globale de réduction de masse salariale, même s’il était le seul cadre dirigeant salarié…