En 2011, le comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), après avoir rappelé le caractère souhaitable et justifié du dépistage de la consommation d’alcool et de drogues illicites pour les postes de sûreté et de sécurité, avait émis un avis (avis CCNE n°114 du 05/05/2011) recommandant un recensement de ces postes, dont le principe serait imposé par la loi mais mis en œuvre par les partenaires sociaux dans le cadre d’une négociation collective. Il préconisait l’inscription expresse dans le règlement intérieur et le contrat de travail des salariés concernés, du caractère systématique ou inopiné de ce dépistage. Selon le CCNE, ce dépistage ne pouvait être pratiqué que sous la seule responsabilité du service de santé au travail et ne pouvait faire intervenir, en l’état des connaissances de l’époque, des tests salivaires.

 

Le 3 septembre 2012, le Conseil National de l’Ordre des Médecins précisait qu’en aucun cas, les obligations du médecin du travail ne pouvaient résulter du règlement intérieur d’une entreprise. Elles relevaient du code du travail, d’une règlementation spécifique dans certains domaines et du code de déontologie médicale. Ainsi, un dépistage imposé par l’employeur ne pourrait faire partie, selon l’Ordre, des missions du médecin du travail même si ce dernier a un rôle de conseil dans la prévention dans la consommation de drogues et d’alcool sur le lieu de travail, ajoutant que la participation du médecin du travail à une opération relevant du seul pouvoir disciplinaire de l’employeur serait de nature à altérer la relation de confiance entre le salarié et le médecin du travail.

 

Outre l’alcool sur le lieu de travail, le dépistage de l’usage de stupéfiants sur le lieu de travail est un sujet complexe qui met en jeu l’obligation santé physique et mentale des salariés, de leur sécurité (comme celle des tiers), le respect de la vie privée, le sujet de la fiabilité des tests et de leur interprétation, les rôles et prérogatives des médecins du travail.

 

Dans un arrêt du 5 décembre 2016, après avoir rappelé qu’en l'état des techniques disponibles, les tests salivaires de détection de substances stupéfiantes présentent des risques d'erreur, le Conseil d’Etat a validé les tests salivaires de détections de produits stupéfiants prévus par un règlement intérieur d’entreprise, lequel :

 

  1. reconnaissait aux salariés ayant fait l'objet d'un test positif le droit d'obtenir une contre expertise médicale, laquelle devait être à la charge de l'employeur ;
  2. réservait les contrôles aléatoires de consommation de substances stupéfiantes aux seuls postes dits "hypersensibles drogue et alcool", pour lesquels l'emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié et pour les tiers, dès lors qu'il se bornait à établir la consommation récente de produits stupéfiants, sans apporter la preuve que le salarié est encore sous l'emprise de la drogue et n'est pas apte à exercer son emploi.

 

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat conclut qu’en l'absence d'une autre méthode qui permettrait d'établir directement l'incidence d'une consommation de drogue sur l'aptitude à effectuer une tâche, les dispositions de ce règlement intérieur qui permettaient à l'employeur d'effectuer lui-même le contrôle des salariés affectés à des postes dits "hypersensibles drogue et alcool" et de sanctionner ceux des contrôles qui se révéleraient positifs, ne portaient pas aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives une atteinte disproportionnée par rapport au but recherché et ne méconnaissaient pas les dispositions des articles L.1121-1 et L.1321-3 du code du travail, compte tenu :

 

  1. du risque particulier pour le salarié et les tiers,
  2. de l'obligation qui incombe à l'employeur, en vertu des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail, d'assurer la sécurité et la santé des salariés dans l'entreprise,
  3. de l'obligation pour l'employeur et le supérieur hiérarchique qui pratique le test de respecter le secret professionnel sur ses résultats.

     

Il ressort de cet arrêt que le test salivaire de détection de stupéfiants, prévu par le règlement intérieur, et pratiqué par un supérieur hiérarchique, est licite sous réserve de garanties introduites dans le règlement intérieur.

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