Rappel de l’article L.6321-1 du code du travail :

« L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en œuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L.6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences. »

 

Rappel de l’article L.6312-1 du code du travail :

« L'accès des salariés à des actions de formation professionnelle continue est assuré :

1° A l'initiative de l'employeur, le cas échéant, dans le cadre d'un plan de formation ;

2° A l'initiative du salarié notamment par la mobilisation du compte personnel de formation prévu à l'article L.6323-1 et dans le cadre du congé individuel de formation défini à l'article L.6322-1;

3° Dans le cadre des périodes de professionnalisation prévues à l'article L.6324-1;

4° Dans le cadre des contrats de professionnalisation prévus à l'article L.6325-1. »

 

Le fait de ne faire bénéficier un salarié d’aucune formation tout au long de sa carrière au sein de l’entreprise constitue un manquement au devoir d’adaptation au poste de travail, mais aussi à l’obligation plus générale de veiller au maintien de l’employabilité, c’est-à-dire de la capacité du salarié « à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » (art. L.6321-1 code du travail).

À partir d’une certaine ancienneté, le salarié est en droit d’obtenir des dommages-intérêts s’il n’a jamais suivi de stage de formation dans le cadre du plan de formation de l’entreprise.

En octobre 2007, la Cour de cassation jugea que 2 salariés qui, sur 24 et 12 ans de carrière, n’avaient bénéficié que d’un stage de formation de 3 jours, étaient en droit de réclamer des dommages-intérêts à leur employeur en raison de cette carence (Cass. soc. 23/10/2007 n°06-40950).

En mars 2010, la Cour de cassation jugea que le fait que les salariés n'avaient bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de leur emploi dans l'entreprise, établissait un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, entraînant pour les intéressés un préjudice qu'il appartenait au juge d'évaluer. Dans cette affaire, les salariés faisaient valoir que pendant toute leur carrière au sein de la société, aucune formation ne leur a été proposée notamment pour combattre leur illettrisme du fait de leur origine malienne et qu'ils n'avaient donc pu évoluer au sein de l'entreprise (Cass. soc. 02/03/10 n°09-40914).

En juin 2013, la Cour de cassation jugea que le préjudice devait être réparé au salarié qui, en 16 ans d'exécution du contrat de travail, n'avait bénéficié dans le cadre du plan de formation de l'entreprise, d'aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations (Cass. soc. 05/06/2013 n°11-21255).

En mai 2014, la Cour de cassation confirma l’allocation de 6.000 € de dommages-intérêts accordée en appel à la salariée qui, présente dans l'entreprise depuis 7 ans, n'avait bénéficié au cours de cette période d'aucun stage de formation continue, ce qui caractérisait un manquement de l'employeur à l'obligation de veiller au maintien de la capacité de la salariée à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations (Cass. soc. 07/05/2014 n°13-14749).

En juin 2014, en revanche, la Cour de cassation jugea que les fonctions antérieures du salarié rendaient inutiles des mesures d'adaptation à l'emploi, pendant la brève période d'exécution du contrat (en l’espèce, un C.I.E d’un an et 8 mois), et qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir manqué à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié aux évolutions de son emploi (Cass. soc. 18/06/2014 n°13-16848).

En mars 2015, la Cour de cassation jugea que 10 mois d’ancienneté sur le dernier poste occupé, était un délai trop court pour apprécier le manquement de l’employeur (Cass. soc. 05/03/2015 n°13-14136).

En avril 2015, la Cour d’appel d’Agen jugea que le fait de ne pas faire bénéficier les salariés d’une formation pendant toute la durée de l’emploi établit un manquement de l’employeur à son obligation, manquement qui entraîne un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail. Elle ajoutait que le manquement de la société à son obligation était établi et avait causé à la salariée un préjudice dans la mesure où il l’avait privé de la possibilité d’élargir son champ de compétence et de qualification, respectivement de favoriser son déroulement de carrière au sein de l’entreprise. La Cour d’appel allouait à la salariée (âgée de 60 ans, handicapée) une indemnité de 3.700 € en réparation de son préjudice (24 ans d’ancienneté sans formation) (CA Agen 14/04/2015 n°14/00610).

En novembre 2016, la Cour de cassation confirma l’arrêt de la cour d’appel qui avait alloué à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de formation, cette salariée n'ayant bénéficié, en 30 ans de carrière comme manutentionnaire chez l'employeur, d'aucune formation, la Cour rappelant que peu importe qu'elle n'en ait elle-même pas réclamé (Cass. soc. 30/11/2016 n°15-15162).

 

En conclusion :

L’obligation légale de formation incombe à l’employeur, et le fait que les salariés n’aient jamais bénéficié de formation professionnelle suffit à établir un manquement de l’employeur à son obligation d’adaptation, entraînant pour les salariés un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer.

Les arguments des employeurs, qui reprocheraient aux juges du fond de ne pas préciser en quoi l’absence de formation pendant une telle durée aurait eu une incidence sur les possibilités d’adaptation des salariés ou de maintien dans leur emploi, sont rejetés.

Et le fait que les salariés ne demandent pas à bénéficier de formation, ne libèrent pas non plus les employeurs de leur obligation de veiller à leur employabilité, car l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l’initiative des employeurs.

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