A ce jour, seules deux cours d’appel ont eu à répondre à cette question, à deux années d’intervalle.

Dans une première affaire du 13/09/2016 devant la cour d’appel de Riom (RG n°15/02104), un responsable de département, sans autorisation de son employeur, publiait sur internet des annonces de covoiturage tarifé, avec le véhicule de service mis à sa disposition par l’entreprise pour ses trajets professionnels. Le salarié fut licencié pour faute.

Dans une seconde affaire du 31/08/2018 devant la cour d’appel de Rennes (RG n°16/05660), un responsable d’agence, sans autorisation de son employeur, offrait de façon régulière sur un site internet de covoiturage, des prestations de covoiturage tarifé à des tiers à l’entreprise, avec son véhicule de fonction (112 annonces sur 4 ans relevées par huissier de justice), le salarié profitant de réunions de travail tenues hors du département pour proposer ses services. Il prétendait reverser les sommes à des associations, mais tel n’était pas le sujet. Le salarié fut licencié pour faute.

Deux affaires similaires, mais deux solutions jurisprudentielles totalement opposées.

 

Car :

 

  1. Pour la Cour d’appel de Riom en 2016, certes le salarié avait eu une attitude déloyale vis-à-vis de son employeur compte tenu notamment du risque financier encouru par son employeur s’il y avait eu un accident, mais comme il n’y avait pas de préjudice démontré subi par l’employeur, alors le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Solution très contestable, car ce raisonnement conduit à attendre que survienne un accident pour en tirer des conséquences juridiques ;

 

  1. Pour la cour d’appel de Rennes en 2018, même si le règlement intérieur ne prévoyait aucune disposition sur l’utilisation d’un véhicule de fonction en covoiturage, même s’il n’était pas démontré que le salarié ait été informé que les dispositions du contrat d’assurance des véhicules de l’entreprise stipulaient que les véhicules assurés ne devaient aucunement servir à des transports onéreux de voyageurs occasionnellement ou non, le licenciement du salarié était parfaitement fondé :

« Le fait de pratiquer le covoiturage avec un véhicule de fonction à l’insu de son employeur, en l’exposant à un risque compte tenu de l’absence de couverture de cette activité par l’assureur, constitue une faute justifiant le licenciement » ; « L’utilisation d’un véhicule professionnel empêche le salarié de se retrancher derrière le caractère privé de cette activité » ; « Le salarié aurait dû tirer les conséquences du silence du règlement intérieur en sollicitant l’autorisation de son employeur lequel, à cette occasion, l’aurait informé que l’assurance ne couvrait pas les personnes transportées dans un tel cadre et, par conséquent, n’aurait pas accédé à sa demande ».

Il sera relevé ici la notion de risque (ou l’idée de précaution) au contraire de l’arrêt de la cour d’appel de Riom, et l’idée de démarches pro-actives du salarié qui ne peut rester passif vis-à-vis de son employeur.

 

Restons dans l’attente d’un éclaircissement de la Cour de cassation, laquelle pourrait, si elle était saisie de ce sujet de droit, en profiter pour reprocher à l’employeur l’absence de dispositions du règlement intérieur sur ce sujet, et ainsi contraindre les employeurs à revoir leur règlement intérieur, compte tenu d’une pratique de covoiturage qui se multiplierait.

 

 

Stéphane VACCA

Avocat au barreau de Paris - droit du travail

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