Rappel de l’article L.2121-1 du code du travail :
« La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. »
Dans une affaire du 22 février 2017 (Cass. soc. n°16-60123), une société avait saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation d’un salarié en qualité de représentant de la section syndicale (RSS), effectuée le 22 octobre 2015 par le syndicat CFTC des employés de propreté et des gardiens d'immeubles et concierges d'Ile-de-France, en faisant notamment valoir que ce syndicat ne remplissait pas le critère de transparence financière.
Le tribunal d’instance avait rejeté cette demande, en jugeant que la régularité de la désignation d'un représentant de section syndicale n'impliquait pas que le syndicat à l'origine de cette désignation remplît les conditions prévues aux articles L.2121-1 et L.2121-2 relatifs à la représentativité, mais les conditions des articles L.2142-1 et L.2142-1-1 du code du travail.
La Cour de cassation cassa le jugement : « tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ».
Il en est donc de même pour un syndicat non représentatif désignant un RSS.
Dans la suite, le 29 janvier 2020, le Conseil constitutionnel fut saisi par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n°243 du même jour), d'une question prioritaire de constitutionnalité du 3° l'article L.2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Les requérants reprochaient à ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation (dans son arrêt de 2017 supra), de méconnaître la liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d'égalité devant la loi ainsi que le principe de séparation des pouvoirs, en ce qu'elles imposaient aux syndicats non représentatifs de satisfaire au critère de transparence financière pour pouvoir exercer dans l'entreprise les prérogatives que la loi leur attribue.
Dans sa décision du 30/04/2020 (n°2020-835), le Conseil constitutionnel a répondu :
- que dans sa décision du 12/11/2010 n°2010-63/64/65, le Conseil constitutionnel avait spécialement examiné le 3° de l'article L.2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 août 2008, qu’il avait déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision, que ces dispositions sont identiques à celles contestées par les requérants dans la présente question prioritaire de constitutionnalité ;
- que toutefois, depuis cette déclaration de conformité, la Cour de cassation avait jugé, dans l'arrêt du 22 février 2017 ci-dessus, qu'il résulte de l'article L.2121-1 du code du travail que, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, tout syndicat, qu'il soit ou non représentatif, doit satisfaire au critère de transparence financière, qu’il en découle un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées ;
- qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que les dispositions contestées imposent à tout syndicat, qu'il soit ou non représentatif, de satisfaire au critère de transparence financière pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise ; qu’en particulier, à défaut de respecter cette exigence, un syndicat non représentatif ne peut donc pas valablement désigner un représentant de la section syndicale en application de l'article L.2142-1-1 du code du travail ;
- que toutefois, d'une part, en imposant aux syndicats une obligation de transparence financière, le législateur a entendu permettre aux salariés de s'assurer de l'indépendance, notamment financière, des organisations susceptibles de porter leurs intérêts ;
- que d'autre part, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'un syndicat non représentatif peut rapporter la preuve de sa transparence financière soit par la production des documents comptables requis en application des articles L.2135-1, L.2135-4 et L.2135-5 du code du travail, soit par la production de tout autre document équivalent ;
- que dès lors, en imposant à l'ensemble des syndicats, y compris non représentatifs, de satisfaire à l'exigence de transparence financière, les dispositions contestées ne méconnaissent ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs ;
- que le 3° de l'article L.2121-1 du code du travail, qui ne méconnaît pas non plus le principe d'égalité devant la loi, ni en tout état de cause le principe de séparation des pouvoirs, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution.
En conclusion :
- Tout syndicat, même non représentatif, doit répondre à l’exigence de transparence financière, même pour pouvoir désigner un RSS ;
- la preuve de la transparence financière peut être apportée par la production des documents comptables requis en application des articles L.2135-1, L.2135-4 et L.2135-5 du code du travail, ou par la production de tout autre document équivalent.
Stéphane VACCA
Avocat au barreau de Paris
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