• « L'exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise » ;
  • « Ce préjudice ne saurait résulter du seul paiement par l'employeur, en conséquence de l'arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières » ;

telle est la décision prise par la Cour de cassation dans cet arrêt du 26/02/2020 (n°18-10017).

 

Dans cette affaire, une salariée avait adressé à son employeur, de janvier à septembre 2012, des arrêts de travail pour raisons médicales, de manière ininterrompue.

L’employeur apprit qu’elle exerçait une seconde activité professionnelle distincte de celle exercée au sein de son employeur, durant son arrêt de travail, pendant ses horaires contractuels habituels. Il s’agissait d’une activité au sein d’une société X, dont la salariée était l'unique associée.

L’employeur avait mandaté un huissier de justice qui s’était présenté dans la boutique de la société X, et qui constata l’activité de cette salariée le jour de son passage, « accueillant les clients et exposants, et utilisant l'ordinateur de cette boutique ».

De plus, selon l’employeur, ses arrêts de travail pour raisons médicales lui avait fait bénéficier du maintien d'une partie de son salaire par l’employeur, ainsi que d'indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS) de la part de la CPAM depuis janvier 2011, il en résultait ainsi une fraude aux droits de l’employeur, puisque ces versements avaient été effectués alors qu’elle disposait d'une autre activité.

 

Elle fut licenciée pour faute grave : manquement grave à son obligation de loyauté, violation de son contrat de travail par l'exercice d'une activité rémunérée distincte au cours de ces arrêts de travail et durant ses horaires de travail habituels.

 

La Cour d’appel débouta la salariée de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que :

 

  • la salariée exerçait une activité professionnelle dans le cadre d'une société qui n'était pas son employeur, à une heure et un jour où en raison d'un arrêt de travail pour maladie, le contrat de travail la liant à cet employeur était suspendu ;
  • la salariée avait continué à percevoir un complément de salaire versé par son employeur pendant son arrêt de travail pour maladie mais avait un compte courant d'associé, de sorte que non seulement l'employeur justifiait du préjudice qui en résultait ;
  • il ne pouvait être soutenu par la salariée que son activité était bénévole ou occasionnelle ;
  • en conséquence et peu important l'absence de caractère concurrentiel de l'activité, le régime de sorties libres de l'arrêt de travail ou la connaissance qu'avait l'employeur de la qualité d'associée de la salariée, il y avait lieu de déclarer que l'exercice de cette activité constituait une faute qui, par la déloyauté qu'elle caractérisait, était d'une gravité telle qu'elle faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt, et donné raison à la salariée.

 

Cet arrêt est à rapprocher :

  • de celui de la Cour de cassation du 04/06/2002 (n°00-40894) : « l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ». Dans cette affaire, le salarié avait remplacé temporairement et à titre bénévole le gérant d'une station-service dans une activité n'impliquant aucun acte de déloyauté, ce comportement ne constituait pas une faute grave et ne justifiait pas un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
  • de celui de la Cour de cassation du 12/10/2011 (n°10-16649) : « l'inobservation par le salarié de ses obligations à l'égard de la sécurité sociale ne peut justifier un licenciement et l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ». Dans cette affaire, un chauffeur d’une menuiserie avait travaillé pour son compte sur les marchés au stand de son épouse alors qu'il se trouvait en arrêt de travail ; le salarié était présent, sur trois marchés, avec l'attitude d'un vendeur tenant le stand de son épouse, en dehors des heures de sortie autorisées par le certificat médical établi pour justifier son arrêt de travail. Mais pour qu’il y eût manquement grave à l’obligation de loyauté, encore eût-il fallu constater que l'activité exercée pendant l’arrêt de travail portait préjudice à l’employeur, ce qui n’était pas le cas ;
  • de celui de la Cour de cassation du 5 juin 2017 (n°16-15623) : « la salariée, qui occupait le poste de chef d'équipe et avait une fonction de référente à l'égard de ses collègues, avait exercé pendant ses congés payés des fonctions identiques à celles occupées au sein de la société AVC Intervention, pour le compte d'une société directement concurrente qui intervenait dans le même secteur d'activité et dans la même zone géographique, et avait ainsi manqué à son obligation de loyauté en fournissant à cette société, par son travail, les moyens de concurrencer son employeur, a pu en déduire, sans avoir à caractériser l'existence d'un préjudice particulier subi par l'employeur, que ces agissements étaient d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible le maintien de l'intéressée dans l'entreprise ».

 

En conclusion :

Si le salarié exerce une activité rémunérée pendant ses arrêts de travail :

  • 1./ non concurrente de celle de son employeur : il appartiendrait à l’employeur de démontrer le préjudice en lien avec son activité, étant précisé que le maintien du salaire sous forme de complément d’IJSS ne permettrait pas à lui seul de caractériser ce préjudice ;
  • 2./ concurrente de celle de son employeur : la déloyauté serait caractérisée lorsque le salarié fournit par son travail, les moyens de concurrencer son employeur, lequel n’aurait pas à caractériser l'existence d'un préjudice particulier subi par lui, ces agissements seraient d'une gravité telle qu'ils rendraient impossible le maintien de l'intéressée chez l’employeur.

 

 

Stéphane VACCA

Avocat au barreau de Paris

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