Le notaire : son rôle, ses engagements, sa responsabilité.

 

1. Les obligations du notaire.

Le notaire est un professionnel du droit, officier public, rédacteur d'acte, tenu par un grand nombre de devoirs et obligations, parmi lesquels :

- un devoir d’authentification de l’acte,

- un devoir d’efficacité de l’acte,

- une obligation d’information et un devoir de conseil au titre desquels il doit faire preuve d’une grande prudence.

 

2. Le devoir d’assurer la validité et l’efficacité de l’acte.

En sa qualité d'officier public, le notaire est tenu d'assurer la validité et l'efficacité des actes.

Cette obligation est rattachée par la Jurisprudence à sa mission d'authentification, ou encore, à son obligation de conseil.

Elle oblige concrètement le notaire à un devoir général de vérification.

Il doit ainsi prendre toutes les dispositions utiles et nécessaires pour que l’acte ait bien les effets recherchés par les parties.

La définition jurisprudentielle est large car l’objectif poursuivi est de protéger les contractants. (Cass. Civ. 1ère 7 fév. 1989, n°86-18.559).

Allant loin en ce sens, il a été retenu que même un acquéreur professionnel – qui au surplus n’était pas de bonne foi – est déchargé de l’obligation de procéder aux vérifications nécessaires à l’efficacité de l’acte, la Cour de Cassation retenant que cette obligation ne repose que sur le notaire.

« Mais Attendu qu'ayant relevé, par un motif non critiqué, que même si les sous-acquéreurs n'étaient pas de bonne foi, ils étaient déchargés de l'obligation de procéder aux vérifications nécessaires à l'efficacité des actes de vente, cette obligation ne reposant que sur les notaires, la cour d'appel a pu retenir que, même si les conditions posées par le juge-commissaire n'étaient pas constitutives de véritables charges grevant les locaux, il n'en demeurait pas moins que les notaires auraient dû attirer l'attention des sous-acquéreurs sur le risque d'acquérir des lots pour une destination qui n'était pas celle qui était visée par l'ordonnance du juge-commissaire et qu'en s'abstenant de le faire, ils avaient manqué à leur devoir de conseil et exposé les sous-acquéreurs au risque, qui s'est réalisé, de subir les conséquences de l'annulation des ventes subséquentes à la vente initiale et ont engagé leur responsabilité. » (Cass. Civ. 3ème. 30 jan. 2013, n°11-26.074).

 

Les recherches et vérifications préalables à l’instrumentation de l’acte – qui pèsent sur le notaire - lui permettent d’apprécier les risques éventuels de l’opération et d’exercer ainsi utilement son devoir de conseil et d’information à l’égard des parties.

 

Lorsqu’une promesse de vente contient une ou plusieurs conditions suspensives, le notaire est à l’évidence tenu de vérifier si la ou les conditions suspensives sont réalisées avant d’instrumenter l’acte de vente, et ce, au titre de son devoir de vérification pour assurer l’efficacité de l’acte mais également, au titre de son devoir de conseil et d’information.

 

En pareille hypothèse, sa responsabilité ne peut qu’être retenue puisque, par la condition suspensive, il lui était spécifiquement donné mission d’être particulièrement vigilant et de n’instrumenter l’acte de vente que si les conditions suspensives étaient effectivement réalisées, ce qu’il devait à l’évidence vérifier.

 

3. Le devoir d’information et de conseil.

Le notaire doit, en sa qualité de professionnel et d'officier public :

- conseiller les parties sur les moyens juridiques les plus adéquats pour parvenir à atteindre le but qu'elles recherchent ;

- avertir des risques de l'opération envisagée ;

- informer et expliquer l'acte qu'il est chargé de recevoir, sa portée et ses effets.

Ces obligations prolongent en quelque sorte sa mission d'authentification des actes et de vérification de leur efficacité (Cass. Civ. 1ère 25 jan.2017, n°16-10.415).

Le devoir de conseil bénéficie à toutes les parties à l’acte qu’il dresse. (Cass. Civ. 1ère 15 mai 2007, n°06-15.318).

Le notaire n’est pas déchargé de son obligation de conseil par les compétences ou les connaissances personnelles de son client, fût-il lui-même architecte, ou encore, notaire. (Cass. Civ. 1ère 28 nov. 1995 pourvoi n°93-15.659 ; Cass. Civ. 1ère,14 mai 2009 n°08-12.093 ; Cass. Civ. 1ère, 30 mai 2013, n°12-22.252 ; Cass. Civ. 1ère,16 nov.2016, pourvoi n°15-22.340 ; Cass. Civ. 1ère, 25 jan. 2017, pourvoi n°15-28.159 ; Cass. Civ. 1ère 11 juill.2018 pourvoi n°17-21.587).

 

4. Le devoir de conseil du Notaire s’étend-il aux avantages fiscaux attendus de l’opération ?

La responsabilité du Notaire ne peut être recherchée à ce titre que s’il a été informé des aspects fiscaux de l’opération qui a été négociée entre les parties avant qu’il n’intervienne. (Cass. 1re civ., 27 janv. 2004, n° 00-10.074).

En revanche, il peut être au moins tenu de souligner les incertitudes entourant l'éligibilité effective d'une opération au régime fiscal particulier vanté par le vendeur (Cass. 1re civ., 26 janv. 2012, n° 10-25.741).

Le cas échéant, il ne doit notamment pas laisser des acquéreurs s'engager dans un programme d'investissement défiscalisé, sans les alerter sur les graves difficultés rencontrées par le programme de construction correspondant, dès lors qu'il en a parfaitement connaissance (Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 17-15.261). Une condamnation pour défaut de conseil peut toutefois être écartée, faute de lien de causalité démontré, s'il n'est pas établi que les acquéreurs auraient renoncé à leur opération s'ils avaient été mieux informés (♦ Cass. 3e civ., 17 janv. 2019, n° 17-26.490, n° 25 FS - P + B + I) ;

Il appartient au notaire d'informer les parties, qui entendent procéder à une acquisition sous le régime de la TVA, sur la notion fiscale d'achèvement des constructions et l'incidence d'une location des locaux sur la détermination de cet événement, même si cette circonstance de fait a été dissimulée par le vendeur (♦ Cass. 1re civ., 12 juill. 1989, n° 87-15.356). Un conseil suffisant est également dû aux parties pour signaler, en temps utiles, la soumission d'une opération complexe à un régime de TVA ayant pour effet de priver partiellement le vendeur de son droit à déduction (♦ CA Agen, 16 oct. 2013, n° 12/01520), ou la nécessité d'opter, volontairement et dans les délais, pour un paiement de TVA préservant les intérêts des parties (♦ CA Paris, ch. 4-1, 22 févr. 2019, n° 17/10059) : voir étude «Fiscalité de la vente» ;

Le notaire manque à son devoir de conseil s'il se contente de demander la justification de l'existence d'un bail rural consenti verbalement depuis plus de 2 ans sur l'immeuble acquis, alors que le bénéfice du régime fiscal de faveur prévu pour de telles opérations exige également que la location ait été déclarée à l'administration et qu'il résultait des pièces fournies qu'elle ne l'était pas (♦ Cass. 1re civ., 3 mai 1995, n° 93-11.992 F, n° 762 P : Bull. civ. I, n° 189) ;

Une information renforcée s'impose également en matière de taxe d'habitation lorsque l'acquéreur a été désigné redevable de la taxe de l'année en cours après un report, imputable au vendeur, de la date d'entrée en jouissance initialement prévue par le compromis (♦ Cass. 1re civ., 20 janv. 2011, n° 10-13.948) ;

Le notaire est tenu d'éclairer les parties sur les conséquences fiscales d'une vente intervenant à un prix supérieur à celui figurant dans la déclaration de succession qu'il a établie. Le juge ne peut pas rejeter sa responsabilité simplement parce que la vente a été reçue par un confrère, sans rechercher s'il n'avait pas eu connaissance du projet et de ses conditions, à une date permettant le dépôt d'une déclaration rectificative dans les délais prescrits par l'administration (♦ Cass. 1re civ., 20 déc. 2012, n° 11-27.959). Il en est de même lorsque le notaire n'a pas alerté ses clients sur une évaluation plus faible antérieurement réalisée par le service des domaines (♦ Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-20.441).

Cette obligation de conseil ne doit toutefois pas contrevenir aux autres aspects de la mission de cet officier public qui doit veiller à l'intérêt des deux parties. Voir également nos  89 et 116.

Exemple : il ne peut pas être reproché au notaire d'avoir, par prudence et dans l'intérêt du vendeur, différé la régularisation de l'opération au jour du versement effectif du prêt à son étude, même si le dépassement de la date initialement convenue pour la signature a entraîné la perte du droit aux avantages fiscaux de la loi Méhaignerie pour l'acquéreur. En l'espèce, ce dernier avait proposé un versement immédiat du prix au moyen d'un chèque mais l'arrêt relève que la preuve de l'accord du vendeur pour une modification des conditions de paiement initialement convenues n'était pas rapportée et que l'acquéreur n'offrait aucune garantie sur l'approvisionnement de son chèque (♦ Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n° 94-17.746).

N'étant pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties (v. n°  115) ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, le notaire n'est pas tenu d'informer l'acquéreur du risque d'échec d'un programme immobilier de défiscalisation, qu'il ne pouvait suspecter au jour de la signature de la vente (♦ Cass. 1re civ., 10 oct. 2019, n° 18-21.593, n° 838 D ♦ Cass. 1re civ., 10 oct. 2019, n° 18-21.594, n° 836 D ♦ Cass. 1re civ., 26 sept. 2019, n° 18-17.074 et 18-17-402, n° 760D ♦ Cass. 1re civ., 26 sept. 2019, n° 18-21.402 et 18-23.165, n° 761 D ♦ Cass. 1re civ., 26 sept. 2019, n° 18-21.403 et 18-23.166, n° 762 D ♦ Cass. 1re civ., 26 sept. 2019, n° 18-21.404 et 18-23.167, n° 763 D ♦ Cass. 1re civ., 26 sept. 2019, n° 18-21.405 et 18-23.168, n° 764 D).

Avant de condamner un notaire pour manquement à son devoir de conseil sur les aspects fiscaux de l'opération, le juge doit rechercher si le client aurait effectivement pu éviter son préjudice, en tout ou partie, s'il avait été dûment alerté du risque encouru (♦ Cass. 1re civ., 19 mars 2009, n° 08-11.634). Le paiement d'un impôt auquel le contribuable est légalement tenu constitue un préjudice réparable lorsqu'il est établi que le manquement du notaire l'a privé de la possibilité de renoncer à l'opération et de rechercher une solution au régime fiscal plus avantageux (♦ Cass. 1re civ., 15 janv. 2015, n° 14-10.256, n° 37 D).

Une condamnation est ainsi exclue s'il s'avère que le client n'aurait de toute façon pas renoncé à l'opération, même s'il avait été mieux conseillé (♦ Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-23.294). Dans le cas contraire, le notaire est désigné responsable et ne peut pas reprocher à son client de n'avoir pas, après une rectification fiscale résultant du manque de conseil initial, opté pour une solution de secours permettant au moins de limiter la perte subie car, par principe, la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable (♦ Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-17.599, n° 826 F - P + B).

 

5. Une preuve facilitée : il appartient au notaire de prouver qu’il a correctement accompli sa mission.

Le notaire répond de la faute commise dans l’exercice de sa mission d’officier public sur le fondement de sa responsabilité délictuelle issue de l’article 1240 du Code Civil, soit, les manquements commis à l’égard de ses obligations d’origine statuaire ou légale (Cass. Civ. 1ère 4 mai 1999, n°97-10.105).

Quelle que soit la faute reprochée au Notaire, la mise en œuvre de sa responsabilité obéit à un même régime, supposant la triple existence d’une faute de l’officier public, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Ce régime diffère du droit commun en ce qu’il met à la charge du notaire la preuve de ce qu’il a valablement accompli sa mission.

La Jurisprudence facilite cette preuve en admettant de manière large que le défaut d’efficacité des actes est dû à un défaut de vérification de l’officier public.

La charge est également inversée en matière d’obligation de conseil. La Jurisprudence retient avec constance qu’il appartient au notaire de démontrer qu’il a satisfait à son obligation. (Cass. Civ. 1ère 2 oct. 2007, pourvoi n°06-17.281 ; Cass. Civ. 1ère 22 mai 2001, pourvoi n°98-15.847 ; Cass. Civ. 1ère 25 juin 1991, pourvoi n°89-20.338).

La preuve du conseil donné aux parties doit résulter d’un document établissant que le client a été averti clairement des risques inhérents à l’acte reçu par le notaire. (Cass. Civ. 1ère 3 fév.1998, pourvoi n°96-13.201).

Enfin, le notaire répond de sa faute quelle qu’en soit la gravité, qu’il s’agisse d’une omission de diligence, d’une négligence, ou encore, d’une imprudence.

En synthèse : le notaire étant un officier public, il est redevable d’un devoir de résultat sinon de perfection dans la rédaction de ses actes, raison pour laquelle sa responsabilité est retenue même en cas de légère imprudence.