Il faut reconnaître que le droit n'est pas clément avec les commerçants au rapport économique faible.

 

Face aux consommateurs, les commerçants doivent faire attention à se munir de toutes les preuves relatives à la demande, par le client, de leur intervention, et ce dernier bénéficie d'une présomption simple de responsabilité, lorsque le produit acquis ne lui convient pas.

 

En matière de vente, la société est alors contrainte de remplacer le produit, ou dépenser des sommes importantes aux fins d'expertiser la cause du défaut afin de dégager sa responsabilité si celle-ci est postérieure à l'acquisition du bien. (Confer, le billet sur les défauts de conformité et vices cachés).

 

En revanche, entre commerçants, les règles sont bien plus souples, que ce soit sur l'administration de la preuve, la licéité des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, ou même la compétence de la juridiction saisie.

 

Cette souplesse a bien souvent entraîné un déséquilibre significatif au détriment de la partie économiquement faible.

 

La société qui impose le contrat d'adhésion, pourra imposer toutes les modalités du contrat visant à rendre sa responsabilité plus difficile à atteindre, et son cocontractant plus aisément responsable de manquements contractuels.

 

Néanmoins, la partie économiquement faible n'est pas dépourvue de toutes défenses, loin s'en faut, et il faut reconnaître que l'ordonnance du 10.02.2016 et les lois modificatives qui ont suivi, ont permis de renforcer les droits de cette partie économiquement faible, notamment en intégrant dans le droit commun ce qui ne visait qu'à protéger le consommateur.

 

Il convient de regarder quelques-uns de ces outils de défense juridique.

 

I. L'absence de rigueur dans les preuves au soutien du recouvrement de créance

 

Que ce soit au titre d'une vente ou d'une prestation de service, la preuve d'une créance passe par :

- La signature d'un contrat ;

- La preuve de l'exécution de la vente ou prestation ;

- La facture conforme au coût prévu dans le contrat

 

Entre deux commerçants, le principe qui prévaut est celui selon lequel la preuve se rapporte par tout moyen.

 

La juridiction peut ainsi donner raison à un commerçant (par exemple une Société), qui réclame de l'argent à un autre commerçant, alors qu'il ne produit ni contrat signé, ni preuve de l'exécution de la prestation, mais seulement des factures ainsi que des preuves de faible pertinence (témoignages, lettres recommandées demeurées sans réponse, courriels reconnaissant la dette, etc.)

 

De plus, il existe un moyen de recouvrement très efficace et très connu des sociétés de recouvrement, qui se nomme la requête en injonction de payer.

 

Il s'agit d'une requête adressée au président de la juridiction, dans laquelle on indique ses prétentions et produit ses pièces, puis, sans faire intervenir la partie adverse, la juridiction rend une ordonnance la condamnant au paiement des sommes réclamées. La décision est rendue très rapidement, généralement quelques jours après le dépôt de la requête.

 

Une fois l'ordonnance rendue, le bénéficiaire devra la signifier (la notifier par exploit d'huissier de justice), à la partie condamnée, qui aura alors un mois à compter de cette signification faite à personne, pour faire opposition auprès du greffe de la juridiction ayant rendu la décision.

 

A défaut, il ne pourra plus y faire opposition et il n'y aura plus qu'à faire exécuter l'ordonnance qui sera insusceptible de recours. En revanche, s'il fait opposition dans les délais, l'ordonnance est anéantie et une nouvelle instance s'ouvre devant la juridiction dont le président avait rendu l'ordonnance.

 

La requête en injonction de payer est un outil particulièrement efficace en matière commerciale, c'est-à-dire devant le Président du Tribunal de commerce. Il existe également en matière civile, mais en raison de la rigidité du mode de preuve exigé, il est rare que le président du Tribunal judiciaire accorde les condamnations. Il motivera bien souvent un rejet de la requête en déclarant que le contentieux nécessite un examen contradictoire.

 

II. La clause d'élection de domicile

 

Cette clause, illégale dans les contrats conclus entre des parties qui n'ont pas, toutes, la qualité de commerçant, sert à imposer la juridiction qui sera saisie en cas de litige, voire un Tribunal arbitral.

 

Elle doit être insérée en caractères très apparents, ce qui n'est pas le cas si la clause apparaît dans des conditions générales, avec une police indistincte des autres clauses de ces conditions. En un tel cas, la clause pourra être annulée ce qui entraîne l'application du droit commun pour déterminer la juridiction compétente.

 

Il convient donc de rédiger parfaitement la clause d'élection domicile pour le rédacteur des conditions générales de vente, ou de jouer sur les manquements dans cette rédaction, pour son adversaire.

 

C'est l'une des très nombreuses raisons pour lesquelles, les conditions générales doivent être très soignées, rédigées par un professionnel et le calque sur les conditions générales d'une autre société est à proscrire.

 

III. Les clauses neutralisées

 

La juridiction a la possibilité de neutraliser des clauses soit par leur caractère illicite (A), soit parce que l'exécution réalisée constitue une faute tellement lourde que la clause venant limiter la responsabilité de l'exécutant sera neutralisée (B)

 

A. Les clauses illicites

 

Parmi les clauses illicites, on trouve notamment les clauses abusives (1) et les clauses vidant le contrat de sa substance (2).

 

1. Les clauses abusives

 

Les clauses abusives sont un concept très connu du droit de la consommation qui protège le consommateur contre les sociétés qui voudraient appliquer des clauses leur étant particulièrement favorables au détriment du consommateur.

 

La commission des clauses abusives, rend régulièrement des rapports sur l'évolution de la technique des sociétés et les nécessités de l'encadrer juridiquement pour protéger le consommateur.

 

Grâce à elle, de nombreuses clauses ont été déclarées irréfragablement abusives (dites clauses noires), et d'autre simplement abusives (dites clauses blanches).

 

L'insertion des premières clauses dans un contrat de consommation est interdite, les secondes feront l'objet d'une analyse particulièrement attentive de la commission et in fine, de la juridiction, pour déterminer si dans le contrat qui en est l'objet, elles revêtent un caractère abusif et doivent être déclarées illicites.

 

L'apport de la réforme de 2016 est d'avoir étendu le champ des clauses abusives aux contrats autres que ceux de consommation.

 

Néanmoins, les clauses noires ne seront pas nécessairement illicites dans les contrats conclus sans consommateurs. Il faudra démontrer en quoi elles créent un déséquilibre significatif au détriment de la partie faible d'un contrat d'adhésion et sans contrepartie.

 

Si tel est le cas, elles pourront être réputées non écrites.

 

2. Les clauses vidant le contrat de sa substance

 

Les clauses abusives portent sur les éléments accessoires du contrat, par exemple la compétence d'une juridiction, l'accroissement de difficulté dans la production des preuves, etc.

 

Il se peut que des clauses prévoient une exonération de responsabilité, telle que la mauvaise exécution par le cocontractant ne permet de tirer aucune indemnisation satisfaisante. Ainsi ce dernier n'est pas incité à exécuter sa part du contrat, puisqu'il s'est particulièrement protégé par la rédaction de clause limitant sa responsabilité.

 

On dit de ces clauses qu'elles vident le contrat de sa substance. Si cela est retenu, peu importe le type du contrat, la clause pourra être annulée et le juge qui statue fera comme si cette clause n'avait jamais existé.

 

B. La faute lourde neutralisant la clause limitative de responsabilité

 

Vous pouvez avoir conclu un contrat dont les clauses ne le vident pas de sa substance et ne sont pas davantage abusives. Il existe dans ce contrat, des clauses limitatives de responsabilité, (chez l'assureur on trouve notamment des plafonds de garantie et des franchises), mais qui sont tout à fait licites.

 

Pourtant, votre cocontractant, dans son exécution, a mis une telle mauvaise volonté, que vous vous estimiez gravement préjudicié. Au moment où vous souhaitez agir contre lui, il vous oppose ses exclusions et limites de responsabilité, contractuellement acceptées.

 

Il est possible de retenir la faute lourde du cocontractant pour demander au juge la neutralisation de ces clauses, voire d'obtenir l'indemnisation de préjudices qui n'étaient pas prévisibles lors de la conclusion du contrat.

 

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Ces quelques exemples démontrent que même si vous êtes une société économiquement faible, vous avez un arsenal juridique à votre disposition contre votre cocontractant, quel qu'il soit. Ces outils ne sont pas évidents, souvent méconnus et pourtant, très efficaces pour obtenir votre indemnisation ou paiement.