Lorsque vous êtes propriétaire et que vous voulez louer votre bien, vous avez généralement trois craintes :

- Le locataire paiera-t-il régulièrement ses loyers ?

- Le locataire va-t-il se maintenir dans les lieux même contre ma volonté ?

- Dans quel état vais-je retrouver mon appartement lorsqu'il partira ?

 

Si vous privilégiez le paiement des loyers et n'avez pas dans l'ambition de récupérer votre local tant que ceux-ci sont réglés, le bail commercial peut être la meilleure option, à condition qu'il soit possible.

 

Or, le bail commercial ne pourra porter que sur un local dans lequel le preneur exploitera ou fera exploiter son fonds de commerce.

 

Dans les immeubles, seuls les appartements au rez-de-chaussée peuvent bénéficier de cet attribut.

 

En revanche, si vous avez dans l'esprit de louer votre local un temps puis le récupérer, il vaudrait mieux passer par un bail civil.

 

(Cette note qui n'a pas vocation à être exhaustive, ne traitera pas des baux civils professionnels, mais seulement de la distinction entre les baux commerciaux et les baux d'habitation)

 

Rentrons dans le détail.

 

I Le bail civil d'habitation portant sur un bien non meublé

 

A. L'exécution sans difficulté du contrat de bail

 

C'est le bail commun, d'une durée de 03, 06 ou 09 ans et renouvelable par tacite reconduction de même durée.

 

Le locataire doit payer initialement un dépôt de garantie (improprement appelé "caution"), puis régulièrement le loyer, lequel fait l'objet de révisions triennales en fonction d'un indice fixé dans le contrat de bail.

 

On prévoit un état des lieux d'entrée et un état des lieux de sortie.

 

A la sortie, le dépôt de garantie est restitué.

 

En revanche, si le bien est dégradé, les réparations supportées par le bailleur, peuvent alors venir en déduction du dépôt de garantie et si le coût de ces travaux excède la somme contenue dans ce dépôt de garantie, l'excédant peut être réclamé à l'ancien locataire.

 

Bien que le locataire ait la possibilité de mettre fin au contrat de bail à tout moment en respectant le préavis prévu au contrat, il en est tout autre pour le bailleur.

 

Le bailleur qui souhaite mettre fin au contrat doit d'abord démontrer l'une des trois conditions alternatives suivantes :

- qu'il entend vendre le bien;

- qu'il entend le reprendre pour y habiter ou faire habiter un proche (exemple son enfant)

- démontrer un motif légitime et sérieux (par exemple, un paiement systématiquement en retard du locataire)

 

Si l'un de ces critères est démontré, alors il pourra délivrer un congé au locataire, en respectant le préavis prévu au contrat, afin que celui cesse normalement à son terme extinctif.

 

 

La difficulté survient si le locataire décide de se maintenir dans les lieux.

 

B. La procédure d'expulsion du locataire qui se maintient dans les lieux

 

  1. Phase pré-contentieuse

Si le locataire auquel un congé a régulièrement été délivré se maintient dans les lieux, vous pouvez passer directement à la phase judiciaire.

 

En revanche, si le locataire, dont le contrat de bail n'arrive pas à son terme, ne paie plus le loyer tout en se maintenant dans les lieux, vous êtes dans l'obligation de passer par une phase pré-contentieuse avant d'agir en justice.

 

Tout d'abord, il faut vérifier que le contrat de bail contienne une clause résolutoire en cas de non-paiement du loyer.

 

C'est une clause type que l'on trouve dans quasiment tous les contrats de bail.

 

Si vous l'avez, vous devez adresser un commandement de payer au locataire, par l'exploit d'un Huissier de justice, en visant la clause résolutoire.

 

Bien souvent, celle-ci se conforme au délai légal et prévoit que si le locataire ne paye pas les sommes dues au titre de ce commandement de payer dans les deux mois, alors le contrat de bail est résilié de plein droit.

 

Si le délai est passé sans paiement de la totalité de la somme due au titre du commandement, vous passez à la phase judiciaire.

 

Si la clause résolutoire n'est pas insérée dans le contrat de bail, vous pouvez adresser ce commandement de payer pour vous forger des preuves de la mauvaise foi du locataire, mais vos chances de succès seront bien moindre que si vous bénéficiez des effets de cette clause.

 

En tout état de cause, vous devrez passer à la phase judiciaire.

 

2. Phase judiciaire (contentieuse)

 

Si vous avez régulièrement délivré congé ou adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire lequel est demeuré infructueux, vous pouvez librement assigner votre locataire en référé aux fins de faire constater par la juridiction, la résiliation du contrat de bail et solliciter l'expulsion de l'occupant devenu sans droit ni titre. (Votre Huissier de justice aura préalablement dénoncé cette assignation à la Préfecture)

 

La juridiction ne peut alors que vérifier les critères de recevabilité de votre demande, mais n'a aucun pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de cette résiliation. Elle ne peut que la constater.

 

En revanche, si vous n'avez pas de clause résolutoire et que la délivrance de congé n'est pas possible (soit que vous êtes loin du terme soit que vous n'entrez pas dans l'un des trois cas susmentionnés), votre seule option est de solliciter une résiliation judiciaire du contrat de bail en raison des graves manquements commis par votre locataire.

 

Si tel est le cas, le juge a le pouvoir d'apprécier l'opportunité de la demande et la rejeter s'il estime que les manquements ne sont pas suffisamment graves. Il est déconseillé d'agir devant le Juge des référés qui est le Juge de l'Evidence, pour solliciter une résiliation judiciaire.

En revanche, si vous allez devant le Tribunal statuant au fond, les délais de procédure sont bien plus longs.

 

3. L'octroie des délais

 

Dans tous les cas, le juge peut octroyer des délais au locataire s'il est justifié soit qu'il sera dans la capacité de payer, soit qu'il est de bonne foi.

 

Ces délais peuvent revêtir deux formes :

 

- Il peut suspendre les effets du commandement de payer, de sorte que si le locataire règle le passif tout en continuant de payer les loyers à venir, dans la durée prévue par le juge, alors le commandement de payer est privé de ses effets et le contrat de bail n'est pas résilié.

 

- Si le locataire est dans l'impossibilité de payer, le juge peut néanmoins lui accorder des délais uniquement pour lui permettre de trouver un nouveau logement.

 

Le locataire a également la possibilité de saisir le Juge de l'exécution pour suspendre les effets du commandement de payer ou demander des délais de sursis à l'expulsion.

 

Attention toutefois, les demandes formées devant le premier juge, qui n'y fait pas droit, ne pourront pas être formées de nouveau devant le Juge de l'exécution, en vertu de l'autorité de chose jugée, sauf à démontrer un fait nouveau postérieur au jugement.

 

4. La Phase post-judiciaire

 

Dès lors que la phase judiciaire est achevée et que la décision du juge a été respectée, si le locataire continue de se maintenir dans les lieux, il devient un occupant sans droit ni titre.

 

Dès lors, le bailleur pourra requérir le concours de la force publique; laquelle peut s'y opposer ; pour procéder à l'expulsion du locataire.

 

Si le préfet refuse de prêter le concours de la force publique, une action en responsabilité sans faute peut être intentée contre la personne publique devant le Tribunal administratif.

 

Si la préfecture accorde le concours de la force publique, bien souvent elle en informe le locataire.

 

En tout état de cause, l'expulsion ne pourra pas se dérouler pendant la trêve hivernale, soit du 1er novembre au 31 mars.

 

II LE BAIL COMMERCIAL

 

A. L'exécution sans difficulté du contrat de bail

 

La différence fondamentale entre le bail commercial et le bail civil est l'extrême difficulté pour le bailleur de faire sortir le locataire qui règle régulièrement ses loyers et respecte ses obligations.

 

En effet, le contrat de bail est prévu pour une durée minimale de 09 ans. A l'issue, le bailleur est dans l'obligation de respecter un préavis prévu au contrat avant de délivrer un congé avec ou sans offre de renouvellement pour la même durée.

 

S'il ne le fait pas et que le preneur ne le lui demande pas, alors le bail est renouvelé tacitement pour une année, elle-même renouvelable indéfiniment, et ce, jusqu'à ce que le congé soit délivré.

 

En pratique, le bailleur sera particulièrement incité à renouveler le contrat de bail.

 

En effet, s'il délivre un congé sans renouvellement, il devra verser une indemnité d'éviction.

 

Or, le prix de cette indemnité d'éviction est normalement évalué en fonction de la valeur du fonds de commerce.

 

Cela est normal puisque le locataire se retrouve, de fait, privé de son fonds de commerce.

 

Néanmoins, si celui-ci exploite une activité florissante, la valeur de l'indemnité d'éviction peut être particulièrement dissuasive pour le bailleur.

 

La contrepartie de ce maintient du preneur dans les lieux tant que celui-ci respecte ses obligations est multiple.

 

Tout d'abord le bailleur peut exiger du preneur un pas-de-porte, au moment de la conclusion du contrat qui est différent du dépôt de garantie.

 

Le pas-de-porte, lequel peut porter sur une somme élevée, est versé au bailleur qui le conserve définitivement (alors que le dépôt de garantie doit être restitué au preneur à l'issue du contrat de bail).

 

Ensuite, la valeur du loyer peut être plus fluctuante que pour un bail d'habitation.

Si le bailleur fixe un loyer précis, il bénéficiera d'une révision triennale qu'il pourra indexer sur la valeur locative du bien, hors améliorations du preneur, ou un indice en relation directe avec l'objet du bail.

Le bailleur peut aussi choisir une valeur fluctuante en fonction du résultat d'exploitation du fonds de commerce. S'il fait ce choix, la valeur du loyer sera systématiquement indexée sur le résultat d'exploitation et ne pourra pas faire l'objet de révision.

 

Enfin, et c'est le plus important, les sanctions à l'égard du locataire qui manque à ses obligations sont tellement dissuasives qu'il est bien rare d'avoir des difficultés de manquement contractuel ainsi que nous allons le voir.

 

B. La sanction attachée à la mauvaise exécution du contrat par le locataire

 

1. La vérification préalable du contenu du contrat de bail

 

Il convient de s'assurer que le locataire ne bénéficie pas du régime de protection des baux d'habitation.

 

Cela est peu probable si le locataire est une société, puisqu'elle ne peut user du bien à titre d'habitation.

 

Il convient néanmoins, par sécurité, de rédiger le contrat de bail commercial en ce sens, en excluant strictement de la destination du bien, l'usage d'habitation.

 

Si les précautions ne sont pas prises, le preneur pourra user des droits destinés aux locataires de biens à usage d'habitation.

 

En ce sens, s'il est peu recommandé d'utiliser un kit pour rédiger un contrat de bail à usage d'habitation, il est fortement déconseillé de le faire pour un contrat de bail commercial. La prudence nécessite de passer par un professionnel, lequel outre une rédaction personnalisée du contrat, pourra vous expliquer l'étendue de vos droits.

 

A la moindre difficulté juridique, le juge commence par lire le contrat de bail pour savoir à quelle partie donner gain de cause, étant entendu que le contrat s'interprète contre le bailleur.

 

La rédaction du contrat de bail doit donc être parfaite pour éviter toutes déconvenues.

 

2. L'automaticité des sanctions

 

De la même manière que pour un contrat de bail classique, dès lors que le locataire ne respecte pas ses obligations, soit qu'il ne paye pas le loyer, soit qu'il ne respecte pas la destination du bien, telle que prévue au contrat, il sera nécessaire de lui adresser un commandement de s'exécuter sous deux mois.

 

Le commandement devra viser la clause résolutoire de plein droit prévue au contrat. S'il n'y en a pas, il faudra solliciter une résiliation judiciaire avec les difficultés que cela engendre (vu supra).

 

Si le locataire ne respecte pas ses obligations, alors le contrat de bail est résilié de plein droit.

 

Cela signifie que vous pouvez faire une assignation en référé pour faire constater la résiliation du contrat de bail et solliciter l'expulsion immédiate du locataire sans verser d'indemnité d'éviction.

 

Pour obtenir des délais, le locataire devra se placer en procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire), ce qui aura pour effet de geler les créances antérieures à l'ouverture de cette procédure.

 

Or, même en ce cas, les loyers postérieurs à l'ouverture de cette procédure, en ce qu'ils seront nécessaires au maintien de l'activité, devront continuer d'être réglés, en temps et en heure par le locataire, son mandataire ou liquidateur judiciaire. A défaut, le contrat de bail pourra être résilié de plein droit et le juge ne pourra pas accorder de délais.

 

Le locataire ne pourra pas même se prévaloir de la trêve hivernale destinée aux locataires de bail d'habitation.

 

III. L'assurance contre les loyers impayés

 

Dans tous les cas, si vous voulez être rassuré sur votre investissement, l'assurance contre les impayés reste la meilleure option.

 

L'assureur régulièrement informé, pourra vous payer à la place du locataire, les loyers impayés et si ce dernier se maintient dans les lieux, l'assureur pourra prendre à sa charge une partie des honoraires de votre avocat lors de la partie contentieuse. Enfin, il devrait prendre à sa charge les dégradations faites par votre locataire.

 

Il convient néanmoins de rester prudent et de lire attentivement les clauses d'exclusions de garantie. Certains contrats d'assurance, excluent expressément de la prise en charge, les dégradations faites par le locataire. Ils peuvent aussi prévoir des franchises élevées, et/ou des plafonds d'indemnisation faibles.

 

En tout état de cause, il convient de lire attentivement les clauses des contrats et notamment celles d'exclusion et limite de garantie.