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Lorsque deux constructions sont éloignées et distinctes, la seule circonstance que l'une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, compte tenu du lien technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique devant en principe faire l'objet d'un seul permis de construire.

La décision du 12 octobre 2016 du Conseil d’Etat (CE, 12 octobre 2016, Sté WPD Energie 21 Limousin, req. n° 391092) clarifie les contours de la notion d’ « ensemble immobilier unique ».

Les juges se sont prononcés à l'occasion d'un contentieux engagé par une association de défense de l'environnement qui contestait un arrêté de préfet de la Creuse accordant deux permis de construire cinq éoliennes, un aérogénérateur et un poste de livraison répartis sur le territoire de deux communes.

La cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé les deux permis accordés, considérant que le lien fonctionnel, économique et technique entre l'aérogénérateur et le poste de livraison, justifiait la qualification d'ensemble immobilier unique et devait donc faire l'objet d'un seul et même permis de construire.

Le Conseil d'Etat, dans une décision pédagogique, rappelle tout d’abord sa jurisprudence antérieure (CE, 17 juillet 2009, Commune de Grenoble), selon laquelle « une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l’objet d’un seul permis de construire ».

Ainsi, même si les bâtiments sont physiquement distincts, leur conception globale impose qu’ils fassent l'objet d'un même permis de construire.

Dans la décision commentée du 12 octobre 2016, le Conseil d’Etat définit les caractères mis en œuvre pour apprécier la dépendance fonctionnelle entre plusieurs projets éloignés physiquement.

Au visa des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, selon lequel « Le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux normes de fond résultant des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords », le Conseil d’Etat définit ce qui constitue le lien fonctionnel susceptible de justifier l’existence d’un ensemble immobilier unique par un considérant de principe :

« Considérant, d’autre part, que le permis de construire a pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’il autorise avec la législation et la réglementation d’urbanisme (…) ; qu’il suit de là que, lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l’une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l’autre, au regard de considérations d’ordre technique ou économique et non au regard des règles d’urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique ».

En l'espèce le lien entre les éoliennes et le poste de livraison, situés sur deux communes distinctes et géographiquement éloignées ne présentait pas, pour le Conseil d’Etat, ce lien fonctionnel étroit, alors même que l’on peut évidemment penser que le projet avait été élaboré comme un ensemble et que les différents éléments de cet ensemble immobilier présentaient des liens évidents de fonctionnement (une éolienne ne pouvant fonctionner sans l'aérogénérateur).

Le Conseil d’Etat fait le choix d'une définition précise et restrictive du terme d' « ensemble immobilier unique », compte tenu d’une dépendance au regard des seules règles d’urbanisme.

En conclusion, la qualification d’un « ensemble immobilier unique » suppose, plus qu’une interdépendance technique ou économique de deux constructions physiquement distinctes, une dépendance au regard des seules règles d’urbanisme.

A défaut, le dépôt de plusieurs permis de construire sera possible.