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Dans quelles conditions doit se dérouler l’auditions des témoins devant le conseil de discipline pour qu’elle n’impacte pas la régularité de la sanction à venir ?

 

La réponse à cette question intéressera tout autant les fonctionnaires que l’administration elle-même, quoique pour des raisons opposées

Dans une décision du 8 mars 2023 (CE, 8 mars 2023, n° 463478), le Conseil d’Etat s’est prononcé dans le cadre d’un recours relatif à une sanction affectant un fonctionnaire territorial, dont la procédure est organisée par le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux.

Il résulte de ce texte que :

« Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix » (article 6). « L'autorité territoriale est convoquée dans les formes prévues à l'article 6. Elle dispose des mêmes droits que le fonctionnaire poursuivi » (article 7). « Le report de l'affaire peut être demandé par le fonctionnaire poursuivi ou par l'autorité territoriale : il est décidé à la majorité des membres présents. Le fonctionnaire et l'autorité territoriale ne peuvent demander qu'un seul report » (article 8).

De fait, il est fréquent, tant pour l’administration que pour le fonctionnaire, de faire usage de la possibilité de citer des témoins.

La question peut se poser, assez régulièrement en pratique, de savoir comment faire intervenir ces témoins, et ses quelles règles pratiques, notamment dans une optique de gestion des intérêts de la défense du fonctionnaire faisant l’objet de la procédure disciplinaire : faut-il par exemple que l’administration informe par avance le fonctionnaire de ce qu’elle va entendre des témoins ? Faut-il qu’elle indique leur nom, à tout le moins leur qualité ?

Le Conseil d’Etat, dans la décision commentée, paraît avoir adopté une approche assez légère quant aux exigences posées afin d’assurer le respect du contradictoire et des droits de la défense du fonctionnaire dans le cadre de la procédure disciplinaire.

En effet, la Haute Juridiction a posé que :

« 4. Ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition ou principe n'imposent à l'administration d'informer le fonctionnaire poursuivi, préalablement à la séance du conseil de discipline, de son intention de faire entendre des témoins ou de l'identité de ceux-ci. Il appartient au conseil de discipline de décider s'il y a lieu de procéder à l'audition de témoins ».

En clair, l’audition de témoins à la demande de l’administration, tout comme leur identité, pourra être un élément surprise au moment de la comparution du fonctionnaire devant le conseil de discipline : audition de témoins, ou non, et qui.

Tout au plus le Conseil d’Etat a-t-il, afin de ménager les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, prévu que :

« 4. (…) Il ne peut toutefois, sans méconnaître les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure, entendre les témoins le jour même de la séance sans avoir mis en mesure le fonctionnaire poursuivi d'assister à leur audition. En l'absence du fonctionnaire, le conseil de discipline ne peut auditionner de témoin que si l'agent a été préalablement avisé de cette audition et a renoncé de lui-même à assister à la séance du conseil de discipline ou n'a justifié d'aucun motif légitime imposant le report de celle-ci ».

Il en ressort que la seule condition s’imposant au conseil de discipline, pour entendre régulièrement les témoins cités par l’administration, sera d’avoir mis le fonctionnaire en mesure d’assister à leur audition.

En conclusion, si le fonctionnaire n’est pas présent devant le conseil de discipline, l’audition des témoins de l’administration ne pourra avoir lieu que si l’agent n’aura pas jugé utile de se présenter (sans motif légitime qui aurait imposé le report de la séance) alors même qu’il aura été « préalablement avisé de cette audition ».

Dit autrement, si le fonctionnaire ne se présente pas devant le conseil de discipline sans motif légitime justifiant le report de la séance, les témoins cités par l’administration ne pourront être entendus qu’à la condition que le fonctionnaire ait été préalablement avisé de la ou des auditions prévues, à défaut de quoi la procédure sera irrégulière.

Ce tempérament paraît donc inciter les organes de la procédure compétents, si le conseil devait vouloir en toute hypothèse entendre les témoins de l’administration, à être en mesure de justifier que le fonctionnaire a bien été avisé de l’audition de témoins dans le cadre de la séance du conseil de discipline, contrairement à ce qu’indique par ailleurs le Conseil d’Etat en jugeant que « Ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition ou principe n'imposent à l'administration d'informer le fonctionnaire poursuivi, préalablement à la séance du conseil de discipline, de son intention de faire entendre des témoins ou de l'identité de ceux-ci ».

Si rien ne l’impose, cela pourrait donc s’avérer judicieux (pour l'administration).

Dans l’affaire commentée, le fonctionnaire territorial a pu obtenir la suspension de l’exécution de la décision de sanction dont il avait fait l’objet (exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d’un sursis d’un an), en raison de la violation du principe du contradictoire applicable à la procédure, dans la mesure où il n’avait « pas été informé préalablement à la tenue du conseil de discipline, qui s'est réuni en son absence, de l'audition de témoins cités par l'administration ».

Note complémentaire pour les fonctionnaires d’Etat et hospitaliers

La solution paraît évidemment transposable aux autres fonctionnaires, qu’ils soient d’Etat ou relèvent de la fonction publique hospitalière.

En effet, les décrets régissant la procédure disciplinaire dont ils relèvent, sont rédigés dans des termes à peu près identiques :

-  Pour les fonctionnaires d’Etat : décret n°84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat (articles 4 et 3 au lieu des articles 6 et 7 précités) ;

- Pour les fonctionnaires hospitaliers : décret n°89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière (articles 2 et 3 au lieu des articles 6 et 7 précités).