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A l’occasion d’une décision rendue par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 16 novembre 2016 (pourvoi n° 16-14152), la plus haute juridiction judiciaire a confirmé sa compétence pour juger des demandes d’indemnisation qui font suite à un recours abusif en matière de permis de construire, confirmant la décision de la Cour d’appel de Poitiers.

En l’espèce, plusieurs personnes ont introduit devant la juridiction administrative un recours en annulation de permis de construire délivré à la société Carré Pontaillac. Cette dernière les a assignés devant la juridiction judiciaire pour obtenir réparation du préjudice résultant de ce recours qu’elle jugeait abusif. Les requérants ont soulevé l’incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative.

La prétendue incompétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur les assignations en recours abusif à la suite de l’introduction de recours dirigés contre les permis de construire était jusqu’alors régulièrement invoquée par les défendeurs assignés, depuis l’introduction de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, issu de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013.

L’article L. 600-7 du code de l’urbanisme prévoit que :

« Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel.

Lorsqu'une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l'environnement au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement est l'auteur du recours, elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes ».

Certains ont cru déceler pour l’exploiter, du fait de l’introduction de la possibilité de solliciter une indemnité du juge administratif, saisi d’un recours en excès de pouvoir contre un permis, la fermeture nécessaire de la voie de l’assignation en recours abusif jusqu’alors ouverte devant les juridictions judiciaires sur le fondement des dispositions des articles anciens 1382 et 1383 du code civil, nouveau articles 240 et 1241 du code civil.

Cette lecture superficielle de l’ordonnance du 18 juillet 2013 est contredite très clairement par la Cour de cassation. En effet, pour juger le moyen non fondé, la Cour de cassation définit dans un premier temps les limites de l’application de l’article du Code de l‘urbanisme en cause :

« si  l'article L. 600-7 du Code de l'urbanisme permet au bénéficiaire d'un permis de construire de solliciter, devant le juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre ce permis, des dommages-intérêts contre l'auteur du recours, une telle faculté n'étant cependant ouverte que dans des conditions strictement définies par ce texte ».

Elle poursuit ensuite en ces termes :

« que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que cette disposition légale n'avait ni pour objet ni pour effet d'écarter la compétence de droit commun du juge judiciaire pour indemniser, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, le préjudice subi du fait d'un recours abusif ».

En conclusion, la possibilité pour le juge administratif saisi d’un recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire de faire droit à des demandes en dommages-intérêts contre l’auteur du recours ne remet pas en cause la compétence de droit commun du juge judiciaire pour indemniser le préjudice subi du fait d’un recours abusif, dès lors que les conditions d’ouverture de la demande indemnitaire devant le juge administratif sont restrictives.

L’assignation des auteurs de recours abusif dirigés contre des permis, de construire, notamment, demeure donc possible devant le juge judiciaire.