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A l’occasion d’un arrêt remarqué (CE, 15 mars 2017, Société Bowling du Hainaut, n° 393407) le Conseil d’Etat juge qu’un conseil municipal autorisant la vente de parcelles de son domaine privé, sans mettre en place de condition préalable, rend la vente du bien parfaite et empêche la commune de revenir sur cet engagement par une délibération ultérieure, le transfert de propriété ayant de surcroît déjà été opéré. Cette clarification par le Conseil d’Etat renforce les engagements juridiques des délibérations du conseil municipal concernant les biens relevant du domaine privé.
En matière de vente de biens privés (c’est-à-dire relevant du domaine privé des collectivités publiques, par opposition aux biens relevant de leur domaine public), le droit civil s’applique : ainsi, une vente peut être parfaite dès l’échange de consentement sur la consistance du bien et son prix, ce dernier devant être déterminé ou déterminable.
Le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux l'a appris à ses dépens.
En l’espèce, par une délibération du 21 décembre 2006, le conseil municipal avait accepté l’offre de la SARL Bowling du Hainaut qui souhait acquérir des parcelles de son domaine privé, sans prévoir aucune condition. Cette société n’ayant pas honoré ses engagements financiers, le conseil municipal par une nouvelle délibération, le 30 juin 2011, a annulé celle de 2006 et a décidé de céder les mêmes parcelles à une seconde société.
La SARL Bowling du Hainaut s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai, laquelle avait confirmé le jugement par lequel le Tribunal administratif de Lille avait rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 30 juin 2011 :
« 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Bowling du Hainaut a sollicité de la commune de Saint-Amand-les-Eaux l'acquisition des parcelles de son domaine privé cadastrées AI 331, 278 et 363 pour un prix de 307 755 euros. Par une délibération du 21 décembre 2006, le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux s'est prononcé favorablement sur la cession à la SARL Bowling du Hainaut, ou à toute société qui la substituerait, des parcelles indiquées pour le prix indiqué, et a autorisé, en premier lieu, le paiement échelonné du prix sur une période de cinq ans, avec un échéancier fixé de 2007 à 2011, en deuxième lieu, le maire à signer l'acte de transfert de propriété et, en troisième lieu, la société à déposer le permis de construire sur les parcelles concernées avant la signature de l'acte de transfert de propriété. Par une délibération du 30 juin 2011, le conseil municipal a " annulé " la délibération du 21 décembre 2006 et, par une autre délibération du même jour, a décidé de céder les mêmes parcelles à la société Cases Investissements, ou à toute société qui la substituerait, au prix de 308 000 euros. La SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux, à laquelle elle s'est substituée, se pourvoient en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai confirmant le jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation des deux délibérations du 30 juin 2011 ».
Pour faire droit à la demande de la SARL Bowling du Hainaut, le Conseil d’État a jugé :
« 3. En second lieu, aux termes de l'article 1583 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : la vente " est parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé ". En vertu de l'article 1599 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " la vente de la chose d'autrui est nulle (...) ".
4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il ressort des termes mêmes de la délibération du 21 décembre 2006 que le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux s'est prononcé favorablement sur l'offre de la SARL Bowling du Hainaut tendant à lui acheter les parcelles cadastrées AI 331, 278 et 363 pour un prix de 307 755 euros, sans subordonner cet accord à aucune condition. Les parties ayant ainsi marqué leur accord sur l'objet de la vente et sur le prix auquel elle devait s'effectuer, la délibération du 21 décembre 2006 a clairement eu pour effet, en application des dispositions de l'article 1583 du code civil, de parfaire la vente et de transférer à la société la propriété de ces parcelles. Le seul fait que la société n'ait pas honoré les engagements financiers qui lui incombaient en conséquence de la délibération du 21 décembre 2006 n'a pu la priver de cette propriété. Par suite, en jugeant que cette délibération n'avait créé aucun droit au profit des sociétés requérantes au motif que la SARL Bowling du Hainaut, en dépit des dossiers de permis de construire déposés, n'avait jamais consenti à verser aucun des acomptes prévus par l'échéancier ou demandé la passation des actes de transfert de propriété, de sorte que le conseil municipal pouvait légalement décider de rapporter son accord et de céder les parcelles à un tiers, la cour a également commis une erreur de droit ».
Et le Conseil d’Etat d’en tirer les conséquences, pour juger que :
« 6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux ne pouvait légalement à la date à laquelle il a statué par ses deux délibérations du 30 juin 2011, ni " annuler " la délibération du 21 décembre 2006 par laquelle il avait exprimé son accord sur la demande d'acquisition des parcelles litigieuses formée par la SARL Bowling du Hainaut au prix que celle-ci proposait ni, par voie de conséquence, dès lors que la commune n'en avait plus la propriété, décider de céder ces mêmes parcelles à la société Cases Investissements. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des deux délibérations du 30 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux ».
En conclusion, on soulignera que cette solution, appliquée à une délibération de conseil municipal, vaut bien évidemment pour les délibérations de l'ensemble des collectivités territoriales dès qu'elles sont soumises, compte tenu de l'objet de la vente, à l'application du droit privé. Attention, donc, aux modalités d'exécution de ces délibérations et aux conditions susceptibles d'être ou non prévues : leur absence, leur réalisation ou leur défaillance ne sera pas sans incidence sur l'effet juridique s'attachant aux délibérations.
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