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Toute décision administrative illégale étant fautive (voir par exemple, récemment, CAA Versailles, 15 décembre 2016, Société Alliance Elysées, n° 14VE02836, Considérant 6), la question se pose de savoir dans quelle mesure cette faute est susceptible de permettre, de façon effective, une indemnisation au profit de celui qui la subit.
Au-delà des principes généraux de la responsabilité administrative, qui impliquent, outre la démonstration (i) d’une faute, (ii) la preuve d’un préjudice personnel, direct et certain, ainsi (iii) qu’un lien de causalité entre les deux (c’est-à-dire la preuve que le préjudice revendiqué a bien comme origine la faute alléguée), encore est-il nécessaire de déterminer les conditions dans lesquelles le préjudice allégué pourra être indemnisé.
S’agissant de l'indemnisation des préjudices susceptibles de naître d’un refus illégal de permis de construire ou d’aménager ou d’une opposition tout aussi illégale à une déclaration préalable, le Conseil d’Etat a apporté d’intéressantes précisions qui procurent une grille de lecture et d’analyse.
S’agissant d’un refus illégal de permis de construire, le Conseil d’Etat a jugé (CE, 15 avril 2016, n° 371274, Commune de Longueville) :
Les faits : « 1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Les Trois Coteaux a conclu le 18 juin 2007 un compromis de vente en vue de l'acquisition d'un terrain situé sur le territoire de la commune de Longueville, afin d'y réaliser un ensemble immobilier ; que ce compromis prévoyait une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire sur ce terrain, dont il était précisé qu'elle était stipulée " au seul profit de l'acquéreur, lequel pourra toujours y renoncer " ; que, par un arrêté du 18 décembre 2007, le maire de Longueville a refusé de délivrer à la société Les Trois Coteaux un permis de construire portant sur la réalisation de trois bâtiments d'habitation ; que, par un jugement du 23 avril 2009 devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a, à la demande de la société, annulé pour excès de pouvoir cet arrêté ; que la société a renoncé à l'acquisition du terrain et à la réalisation de ce projet ; que, par un jugement du 10 juin 2011, le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions indemnitaires de la société tendant à la réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de cette illégalité, au titre des honoraires d'architecte et du manque à gagner ; que par un arrêt du 14 juin 2013, contre lequel la commune de Longueville se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et a condamné la commune de Longueville à verser à la société Les Trois Coteaux la somme de 209 900 euros».
Le principe retenu par le Conseil d’Etat : « 3. Considérant, en second lieu, que l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués ; que la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; qu'il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain ; qu'il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération ; que, par suite, en se bornant, pour accorder une somme de 180 000 euros de ce chef, à faire référence aux conclusions d'un rapport d'expert évaluant à ce montant le préjudice subi, par comparaison avec une opération présentant des caractéristiques similaires et réalisée, à la même époque, dans une commune voisine, sans rechercher si les circonstances particulières de l'espèce permettaient de faire regarder ce préjudice comme ayant un caractère direct et certain, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ».
Ce considérant de principe relatif aux critères d’appréciation du préjudice vient d’être rappelé par le Conseil d’Etat s’agissant d’une opposition illégale à une déclaration préalable (CE, 17 juillet 2017, n° 394941, Selarl Negocimmo).
Dans ce dernier cas, le Conseil d’Etat a jugé que le préjudice invoqué ne présentait pas un caractère certain et n’était donc pas indemnisable, dès lors que des promesses d’achat n’avaient été conclues que pour deux des quatre lots (la déclaration préalable visait à diviser une parcelle en lots à bâtir) et que ces promesses étaient assorties de conditions suspensives tendant, notamment, à l’obtention d’un permis de construire, la Cour administrative d'appel n'ayant pas recherché "si la vente des lots et l'obtention des permis de construire étaient probables, compte tenu des règles d'urbanisme en vigueur".
Par voie de conséquence, l’ouverture du droit à indemnisation, qui suppose un préjudice direct et certain :
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Ne permet pas, en principe, l’indemnisation de la perte de bénéfices ou du manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire, en raison de son caractère éventuel (donc incertain) ; est ainsi posée une sorte de présomption d’incertitude du préjudice n’ouvrant pas droit à réparation ;
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Toutefois, l’indemnisation sera possible si le demandeur justifie de circonstances particulières permettant d’établir le caractère certain de ce préjudice. Et le Conseil d’Etat de donner des exemples, notamment des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers. Si le demandeur apporte cette preuve du préjudice direct et certain, alors il devient fondé à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
En conclusion, l’indemnisation d’un refus illégal de permis de construire, d’aménager ou d’une opposition illégale à une déclaration préalable imposera donc, pour convaincre le juge administratif du caractère direct et certain du préjudice invoqué, une analyse très poussée des conditions spécifiques se rapportant à l’affaire.
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