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La question se pose systématiquement de savoir, pour un fonctionnaire stagiaire licencié en fin de stage, si l’annulation qu’il pourrait obtenir de cette décision par le Tribunal administratif, aura pour effet de le titulariser ou simplement de le remettre dans la position de stagiaire dans l’attente d’une nouvelle décision de l’administration.

 

Que peut imposer le juge administratif à l’administration après l’annulation de la décision de licenciement en fin de stage ?

En effet, après que le juge administratif a annulé une décision de licenciement en fin de stage, il peut être amené à décider une injonction en conséquence de cette annulation, d’office ou à la demande du requérant, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et/ou L. 911-2 du code de justice administrative (CJA).

L’article L. 911-1 du CJA permet au juge de prescrire une mesure déterminée, lorsque l’annulation de la décision l’implique nécessairement, éventuellement assortie d’un délai d’exécution.

Dans ce cas le juge pourra, par exemple, enjoindre à l’administration de titulariser le fonctionnaire stagiaire : l’issue est ici acquise.

L’article L. 911-2 du CJA permet au juge de prescrire l’obligation pour l’administration de prendre une nouvelle décision après instruction, lorsque l’annulation de la décision l’implique nécessairement, éventuellement assortie d’un délai d’exécution.

Dans ce cas, en revanche, le juge ne pourra qu’enjoindre à l’administration de réexaminer la situation du fonctionnaire stagiaire, avant de prendre une nouvelle décision : l’issue n’a ici rien d’acquis et il se peut tout à fait que l’administration licencie de nouveau le stagiaire en fin de stage.

 

Sur quoi se fonde le juge administratif pour décider d’enjoindre une titularisation ou la simple réintégration en tant que stagiaire ?

La réponse – injonction de titulariser ou injonction de procéder à un nouvel examen de la situation du fonctionnaire stagiaire –, à dire vrai, dépend du ou des motif(s) que le juge administratif aura retenu(s) pour justifier l’annulation.

D’où l’importance, pour le requérant, de ne pas passer à compter du bon motif devant le juge.

D’où l’importance, pour l’administration, d’invoquer dans sa décision l’ensemble des motifs justifiant le licenciement en fin de stage.

Le Conseil d’Etat a déjà démontré qu’il adopte une approche très pragmatique s’agissant de l’injonction à prescrire après une annulation, en tenant compte des motifs de l’annulation.

La question est donc de savoir si, une fois écarté le motif ayant justifié le refus de titularisation, il en reste un ou plusieurs susceptibles d’y faire encore obstacle ?

Le Conseil d’Etat, a ainsi déjà jugé que l’annulation d’un refus de titularisation « en raison d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de l’aptitude de l’intéressé à être titularisé », implique qu’il :

« appartenait au maire, d'une part, de réintégrer M. X... dans ses fonctions à la date du 28 juin 1990, à laquelle il avait été irrégulièrement licencié et, d'autre part, compte tenu du motif sur lequel s'était fondé le tribunal administratif et en l'absence de toute circonstance invoquée par la commune qui y aurait fait obstacle, de procéder à sa titularisation » (CE, 12 juin 1998, n° 157776).

En revanche, lorsque « les insuffisances professionnelles [de l’intéressé] sont de nature à justifier la mesure de licenciement prise à son encontre », le Conseil d'Etat considère que l'annulation de la décision :

« devait seulement conduire l’administration à prendre une nouvelle décision » sans impliquer nécessairement une titularisation « eu égard aux motifs de cette annulation » (CE, 8 juillet 2005, n° 248971).

Une très récente décision du Tribunal administratif de Strasbourg du 5 novembre 2019 (TA Strasbourg, 5 novembre 2019, n° 1808149) en donne une illustration, en enjoignant au maire de la commune de « réintégrer Mme A. et de la titulariser au grade d’adjoint technique de 2ème classe dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ».

Dans cette affaire, le refus de titularisation de la stagiaire reposait exclusivement sur une série de faits qui lui étaient reprochés, retracés dans un rapport transmis à la CAP et dans une attestation d’une secrétaire.

Toutefois, le Tribunal a estimé qu’aucun de ces faits n’était établi, puisque « ces deux documents ne font état d’aucun élément daté, précis et circonstancié qui démontrerait que sa manière de servir ne donnait pas satisfaction ».

 

Il en résultait que, ces faits allégués et non établis ne pouvant justifier le refus de titularisation, aucun autre motif ne pouvait plus justifier la décision attaquée, et par suite annulée.

Rien ne s’opposait donc à ce que le stagiaire soit directement titularisé, ce qu’a enjoint le Tribunal administratif de Strasbourg.