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Par une décision du 17 juin 2020 (CE, 17 juin 2020, n° 427957), le Conseil d'Etat est revenu sur la décision d'une cour administrative d'appel qui avait annulé un arrêté préfectoral en tant qu'il déclarait d'utilité publique les travaux de restauration immobilière (ORI) d'un immeuble situé à l'intérieur d'une opération plus vaste.

Le propriétaire d'un local commercial compris à l'intérieur de cet immeuble, à l'origine du recours, contestait le changement de destination de son local, en habitation, qu'imposait la décision du préfet.

La Cour l'avait donc suivi mais le Conseil d'Etat a remis en cause le raisonnement des juges du fond.

Le principe : une opération de restauration immobilière ne peut avoir pour objet ou pour effet de contraindre un propriétaire à transformer en habitation un local dont la destination est commerciale

La haute juridiction rappelle ainsi qu'il résulte des dispositions des articles L. 313-4, L. 313-4-1 et L. 313-4-2 du code de l'urbanisme "qu'une opération de restauration immobilière a pour objet la transformation des conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles mais qu'elle ne peut avoir pour objet ou pour effet de contraindre un propriétaire à transformer en habitation un local dont la destination est commerciale".

Si après avoir rappelé le principe qui découle des articles précités la solution pouvait paraître favorable au propriétaire, le Conseil d'Etat en tempère l'application.

L'exception : un local à usage commercial peut être transformé en habitation à des fins d'amélioration des conditions d'habitabilité de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles, lorsqu'il est situé dans un immeuble principalement destiné à l'habitation et devenu impropre à une activité commerciale

Le Conseil d'Etat juge ainsi qu'une opération de restauration immobilière :

"ne fait cependant pas obstacle à ce qu'un local à usage commercial présent dans un immeuble ou ensemble d'immeubles principalement destiné à l'habitation et devenu impropre à une activité commerciale, soit transformé, dans le cadre de l'opération de restauration immobilière, en habitation à des fins d'amélioration des conditions d'habitabilité de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles".

Cette exception s'explique ainsi par la double circonstance que :

  • les immeubles/ groupes d'immeubles dans lesquels est situé le local commercial sont principalement déjà destinés à l'habitation,

  • le local en question a, en réalité, perdu sa nature commerciale, devenue impropre à cette destination.

D'une certaine manière, le local commercial, parce qu'il est impropre à cette destination, n'apparaît pas plus commercial qu'il n'est d'habitation et le changement de destination que génère l'opération de restauration immobilière n'en est alors pas véritablement un.

L'exception appliquée à l'affaire qui lui était soumise, le Conseil d'Etat relève que :

"4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la déclaration d'utilité publique prise dans le cadre de l'opération de restauration immobilière du centre-ville de Mâcon vise plusieurs ensembles immobiliers dont celui propriété de la société civile immobilière MSI situé au 2 rue grande rue de Veyle, composé de trois immeubles, dont l'un comporte des locaux anciennement destinés à une activité de boucherie. Il est constant que cette activité a été abandonnée et que les locaux sont devenus impropres à une activité commerciale. Dès lors, il se déduit de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant que la déclaration d'utilité publique de l'opération de restauration immobilière litigieuse, qui avait pour effet de transformer en habitation ces locaux commerciaux alors même qu'ils étaient devenus impropres à toute activité commerciale, méconnaissait l'article L. 313-4 du code de l'urbanisme, la cour a commis une erreur de droit".

A l'évidence, le second critère relatif au caractère impropre du local à accueillir une activité commerciale ira bien au-delà du simple constat d'absence d'exploitation d'un commerce. On ne l'apprend pas en lisant la décision commentée, mais il est vraisemblable que le local considéré devait être dans un état dégradé tel qu'il aurait nécessité une remise en état substantielle pour retrouver son caractère commercial disparu.

Pas encore d'habitation, mais plus véritablement commercial non plus, en somme.