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Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat CE, 3 juin 2022, n° 452218

 

On sait que l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoit, sous certaines réserves, que les documents administratifs sont communicables à toute personne qui en fait la demande.

Sur ce fondement, des administrés ont demandé au maire de la commune d’Avrillard de leur communiquer l'ensemble des courriels qu’il a échangés avec les élus locaux à propos des délibérations d'octobre et novembre 2016 relatives au projet de microcentrales du Bens et du Joudron.

Face au refus du maire, ils ont saisi le Tribunal administratif de Grenoble en demandant, notamment, d'enjoindre sous astreinte au maire d'Arvillard de les leur communiquer. Les juges leur ont donné raison, après avoir prévu que seraient néanmoins occultées les adresses de messagerie des expéditeurs et des destinataires des messages ainsi que, le cas échéant, toute autre mention susceptible de porter atteinte à l'un des secrets protégés par les dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration.

La commune ne l’a pas entendu de cette oreille…et a saisi le Conseil d’Etat.

Ainsi, les courriers/courriels échangés entre un maire et les élus constituent-ils des documents administratifs communicables à toute personne qui en ferait la demande ?

En droit, le Conseil d’Etat rappelle d’abord le cadre applicable, prévu par le code précité :

Article L. 311-1 :

« Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ».

Article L. 300-2 du même code :

« Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. / Les actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires sont régis par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ».

Cela étant rappelé, le Conseil d’Etat a établi une distinction s’agissant des correspondances émises ou reçues par le maire et les élus :

  • Les correspondances émises ou reçues, dans le cadre des fonctions exercées au nom de la commune, par le maire, ses adjoints ou les membres du conseil municipal auxquels le maire a délégué une partie de ses fonctions, ont le caractère de documents administratifs : elles sont donc communicables à toute personne intéressée ;

  • En revanche, les correspondances des élus locaux qui ne peuvent être regardées comme émanant de la commune dès lors qu'elles expriment, notamment, des positions personnelles ou des positions prises dans le cadre du libre exercice de leur mandat électif, ne constituent pas des documents administratifs : elles ne sont donc pas communicables.

Le Conseil d’Etat n’a toutefois pas appliqué à l’affaire dont il était saisi, la solution qu’il a dégagée dans sa décision du 3 juin 2022 ; il a simplement renvoyé l’affaire à juger devant le Tribunal administratif, après avoir annulé le jugement en raison d’une erreur de droit, les juges n’ayant pas recherché, comme ils auraient dû le faire, si les courriels échangés entre le maire et les élus communaux au sujet d'affaires soumises à délibération du conseil municipal avaient été émis ou reçus au nom de la commune et n'avaient pas pour objet d'exprimer les positions personnelles ou politiques des élus dans l'exercice de leur mandat électif, le tribunal a commis une erreur de droit.

En conclusion, pour être communicables, les correspondances doivent avoir été émises ou reçues par les élus dans le cadre des fonctions exercées au nom de la commune, par le maire, ses adjoints ou les membres du conseil municipal auxquels le maire a délégué une partie de ses fonctions.

Si ces correspondances expriment en revanche, notamment, des positions personnelles ou des positions prises dans le cadre du libre exercice du mandat électif des élus, elles ne peuvent être regardées comme émanant de la commune et ne seront donc pas communicables.