Il aura fallu un litige opposant la société Le Nickel à la Nouvelle-Calédonie, sur fond d’exploitations minières, pour que le Conseil d’État, par une décision du 5 octobre 2020, nous remémore la différence entre la redevance domaniale, la redevance pour service rendu et l’impôt.

Pour saisir la portée de la décision, il convient avant tout de se familiariser avec les régimes miniers et d’imposition de la Nouvelle-Calédonie : il est ici question de Code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, de code minier de la Nouvelle-Calédonie, notamment.

Le litige était relativement simple : la société Le Nickel est titulaire de 849 titres d’exploitation miniers. 89 % sont situés sur le domaine de la Nouvelle-Calédonie ; 11 % sur des terres coutumières ou des terrains appartenant à des propriétaires privés et publics.

Par divers titres exécutoires, la Nouvelle-Calédonie demande le paiement des « redevances superficiaires » correspondant à ces titres d’exploitation miniers pour les années 2009 à 2015. La société Le Nickel désapprouve.

Questions : quelle est la nature de la « redevance superficiaire » ? sont-telles un impôt, une redevance domaniale ou une redevance pour service rendu ?

Pour apporter une réponse à cette interrogation, le Conseil d’État opère une qualification juridique de la notion de « redevance superficiaire », à l’aune des règles spécifiques des textes néocalédoniens :

Il résulte des dispositions citées au point 4 que la redevance superficiaire, introduite à l’article Lp. 131-3 du code minier de la Nouvelle-Calédonie par la loi du pays du 16 avril 2009 relative au code minier de la Nouvelle-Calédonie, n’a ni le caractère d’une redevance domaniale, dès lors qu’elle ne constitue pas la contrepartie de l’autorisation d’occuper le domaine public de la Nouvelle-Calédonie à laquelle elle est versée, ni le caractère d’une redevance pour service rendu, dès lors qu’elle ne tend pas à couvrir les charges d’un service public ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public et ne trouve pas sa contrepartie dans les prestations fournies par ce service ou l’utilisation de cet ouvrage. La redevance superficiaire exigée lors de l’attribution d’une concession et versée à la Nouvelle-Calédonie doit dès lors être regardée comme un impôt, droit ou taxe institué par la Nouvelle-Calédonie sur le fondement de la compétence qui lui est reconnue par l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 cité au point 2. […] Il s’ensuit qu’en jugeant que la redevance superficiaire ne relevait pas de ce régime au seul motif qu’elle n’avait pas été instaurée par le code des impôts de Nouvelle-Calédonie, la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’erreur de droit.

En clair :

  • la redevance domaniale constitue la contrepartie de l’autorisation d’occuper le domaine public1.
  • la redevance pour service rendu tend à couvrir les charges d’un service public ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public. Elle trouve sa contrepartie dans les prestations fournies par le service ou l’utilisation de l’ouvrage.
  • Les impôts, droits et taxes sont résiduels, sans nécessairement qu’ils aient à être instaurés par le Code des impôts2.

Deux enseignements s’évincent de cette décision.

Premièrement, les qualifications données par le législateur ne lient pas le juge, si bien que ce dernier peut requalifier une appellation et lui affecter le régime juridique approprié.

Deuxièmement, la qualification matérielle -et non formelle- de la « redevance superficiaire » n’est là que pour flatter l’intellect : elle a des conséquences notoires sur l’exigibilité des sommes réclamées par l’administration. Ici, la qualification d’impôt la fait verser dans le pacte de stabilisation fiscale, visant notamment à décharger certains contribuables de tout ou partie d’impositions diverses.


CE, 5 octobre 2020, Société Le Nickel : n° 423928.

  1. NB : nous l’avons vu, la "redevance superficiaire" était entre autre versée au titre d’une occupation de terre appartenant à des propriétaires privés. La Cour administrative d’appel de Paris dont l’arrêt est frappé d’un pourvoi ne s’y était pas trompée en jugeant : « Cette « redevance », qui est calculée sur la superficie totale exploitée par un même titulaire de concessions minières sans faire de distinction selon que la propriété du sous-sol est détenue par la Nouvelle-Calédonie, les provinces, les communes du territoire ou des personnes privées, ne peut dès lors pas être analysée comme constituant la contrepartie de l’exploitation du sous-sol appartenant à l’une ou l’autre de ces personnes publiques. Elle n’a ainsi pas le caractère d’une redevance domaniale. » CAA Paris, 8 juin 2018 : n°16PA01796.
  2. NB : La Cour administrative d’appel de Paris est désavouée sur ce point. Elle jugeait : « cette redevance superficiaire n’a pas été instaurée par le code des impôts de Nouvelle-Calédonie mais par le code minier de la Nouvelle-Calédonie créé par la loi du pays n° 2009-6 du 16 avril 2009. Cette redevance n’entre donc pas dans les prévisions du pacte de stabilisation fiscale dont le régime a été organisé aux articles 7 et Lp. 7 bis précités du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. » même arrêt.

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